Négociations américano-talibanes

Les Etats-Unis mènent des négociations plus ou moins officielles au Qatar avec la rébellion talibane d’Afghanistan. L’objectif est de sortir l’armée américaine des terrains de combat afghans où elle tente avec assez peu de succès d’endiguer le retour des talibans au pouvoir à Kaboul, et avec eux leur cortège de pratiques religieuses d’un autre âge.

Les militaires américains sévissent sur place depuis 2001 et l’attentat terroriste du 11 septembre contre du World Trade Center. Il s’agissait alors de « casser la gueule » aux talibans qui avaient inspiré cet attentat (3 000 morts et 6 000 blessés) et qui abritaient Ben Laden, cerveau saoudien de l’opération. Le problème est qu’une fois cette tâche accomplie, l’Occident s’est mis en tête d’occidentaliser l’Afghanistan en lui indiquant le chemin de… la démocratie. C’était la théorie des néo-conservateurs américains : répandre la démocratie par l’exemple, et au besoin par la force militaire. Les forces de l’OTAN ont alors été mises à contribution et, près de 20 ans plus tard, le dossier n’a pas avancé. Les talibans sont repartis dans leurs montagnes à l’abri desquelles ils mènent leurs actions terroristes pour chasser les forces impies, le business d’opium a explosé, le gouvernement officiel ne gouverne pas grand-chose au-delà de la capitale, et encore, la plupart des forces de l’OTAN sont rentrées dans leurs pénates après avoir encouru des pertes significatives, les attentats terroristes sont légion, les contribuables occidentaux ont dépensé des dizaines de milliards d’euros dans ce pays en vain et les talibans sont aux portes du pouvoir. Seule éclaircie dans ce désastre, il semble que les attentats terroristes menés en Occident ces dernières années ne soient plus fomentés en Afghanistan mais plutôt au Proche et Moyen-Orient.

La constance avec laquelle l’Histoire se répète est parfois confondante. On se souvient qu’en 1962 la France coloniale signait avec l’Algérie des accords de paix et d’indépendance qui prévoyaient explicitement que les harkis (supplétifs locaux de l’armée française) ne feraient l’objet d’aucune mesure de discrimination après l’indépendance. Il ne fallut pas trois mois après la signature de l’accord pour qu’environ 100 000 harkis ne soient massacrés ! En 1973 les Etats-Unis négocient avec le Vietnam du Nord (communiste) un accord de paix qui prévoit le maintien de la République du Vietnam (du Sud). Il ne faudra pas trois années aux nordistes pour réunifier militairement le Vietnam et instaurer un régime communiste sur la totalité du pays.

La négociation en cours avec les talibans d’Afghanistan suivra probablement la même voie : promesses écrites de ces derniers contre engagement américain du retrait des troupes ; les premières ne seront pas réalisées une fois que ce dernier sera effectif et les talibans reprendront le pouvoir avec les méthodes qui leur sont propres afin de gouverner un pays qui, finalement, n’est sans doute pas vraiment contre.

Vouloir « casser la gueule » des talibans après les attentats américains de 2001 était somme toute compréhensible mais il aurait fallu évacuer ce pays une fois la tâche réalisée. Penser y instaurer la démocratie par les armes fut une illusion qui coûta très cher, à tout le monde. Croire aujourd’hui à des engagements talibans quels qu’ils soient serait une faute. Comme à Alger en 1962, comme à Saïgon en 1973, une fois la puissance colonisatrice ou occupante partie, les nouveaux dirigeants de ces pays « libérés » iront vers où les portent leurs sentiments, sans ne se soucier ni de leurs engagements pris ni des états d’âme de leurs anciens occupants.  Mais il faut bien que les « envahisseurs » s’en aillent un jour de façon plus ou moins honorable car ils ont encore une capacité de nuisance. Alors on négocie le départ contre un traité de papier sur lequel sans doute personne ne se fait beaucoup d’illusions. Le plus étonnant réside dans le fait que se renouvelle encore si régulièrement ce genre de situation !

Ainsi va l’Histoire et il est fort probable qu’elle ne se répète sous peu en Afghanistan.