DRIEU LA ROCHELLE Pierre, ‘Gilles’.

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Sortie : 1939, Chez : Editions Gallimard / Le Livre de Poche 831-832

C’est le roman majeur de Drieu la Rochelle, écrivain tant critiqué pour ses faits de collaboration durant la IIème guerre mondiale, qui s’est donné la mort en mars 1945 plutôt que d’avoir à rendre des comptes à la Justice devant laquelle il était convoqué.

Les pérégrinations du héros sont en grande partie autobiographiques et certains des personnages sont inspirés de personnes réelles : Aragon est Galant, André Breton est Caël et Drieu est Gilles. Revenu blessé de la première guerre mondiale, Gilles erre dans les salons de la bonne société parisienne à la recherche de réconfort féminin (également susceptible de l’entretenir) et d’engagement politique sans vraiment savoir de quel côté pencher, entre communisme et fascisme. Il promène sa morgue désabusée dans un Paris qui n’a jamais cessé ses activités mondaines durant la Grande guerre, ignorant plus ou moins que ses enfants se faisaient massacrer à quelques centaines de kilomètres plus à l’est.

Alors une fois terminée cette guerre mortifère, ceux qui l’ont vécue se noient dans l’oubli du foisonnement festif et intellectuel du moment dans la capitale. Gilles se marie et divorce une fois, accompagne la mort par cancer de sa deuxième épouse, multiplie les maîtresses, abandonne toutes ses femmes, comprend qu’il n’aime pas l’amour, s’essaye à la politique mais le cœur n’y est pas. Entre nihilisme et désœuvrement cette petite bande de parisiens trop gâtés et, pour certains, dévastés par la guerre, mène sa barque dans un monde bourgeois et superficiel, sans véritables émotions.

Dans l’épilogue du roman, Gille crapahute en Espagne au temps de la guerre civile. On comprend qu’il est du côté des « blancs » de Franco, contre les rouges, sans doute plus l’effet du hasard que de ses véritables convictions. Commencé dans les tranchées de Verdun le roman se termine 500 pages plus tard dans celles de la guerre civile d’Espagne. Gilles revient à la guerre qui fut finalement la seule situation qui l’a véritablement motivé et animé.

Le style de Drieu est riche et brillant, décrivant merveilleusement ce que l’on sait de la France de l’entre-deux guerres qui annonçait déjà le renoncement intellectuel des années 30 puis le désastre militaire de 1940 avant les années sombres de l’occupation allemande qui engendra dans doute plus de lâcheté que d’héroïsme… Drieu la Rochelle fut l’un des symboles marquants de cette époque. Il rêva avec le socialisme, compromit avec les surréalistes et le mouvement Dada, pêcha avec le fascisme et se perdit dans la collaboration. A la libération ses amis Aragon et Malraux (que Drieu avait protégés durant l’occupation), notamment, tentent de l’aider. Il refuse l’exil, il préfère la mort.

« …il avait cédé aux avances de Berthe. Il lui donnait son dernier feu. Une conscience désespérée ne l’empêchait pas de paraître encore passionné. En fait, il l’était plus que jamais, d’une passion détachée et sans espoir. De nouveau jaloux, anxieux, tendre, férocement, follement lubrique. L’arbre de la science et l’arbre de la vie ne faisaient plus qu’un seul arbre d’orage, éperdument secoué par un tourbillon final ; il engloutissait dans ses racines, semblait-il, tout ce qui restait de suc dans les parages. »

Au sujet de Berthe l’ultime conquête de Gilles

En 2012 ses œuvres sont publiées dans la bibliothèque de la Pléiade. L’écrivain eut ses faiblesses qu’il eut le courage de solder par le suicide. L’œuvre mérite de ne pas être oubliée.