Les Etats-Unis d’Amérique ont signé un accord avec les religieux sunnites talibans, mouvement terroriste rebelle afghan qui met ce pays à feu et à sang depuis des décennies après l’avoir gouverné quelques années à partir 1996 à l’issue d’une guerre civile brutale qu’ils ont emportée. Ils installent alors la loi islamique pure et dure et se rendent notamment célèbres par la destruction au canon des Bouddhas géants de Bâmiyân qui présentaient l’immense défaut d’être « préislamiques ». L’existence des femmes est réduite à leur interprétation du Coran, c’est-à-dire à rien. La musique est interdite, le police religieuse veille dans les rues, des bandes de chefs de guerre règnent sur le pays, règlent leurs comptes sauvagement, cultivent le pavot, prient, coopèrent avec leurs alter-egos pakistanais de l’autre côté de leur frontière Est et accueillent le saoudien Ben Laden qui y fomentera l’attentat du World Trade Center à New York en septembre 2001. Une troupe internationale se met alors en route sous la bannière américaine, elle y est encore… Le gouvernement taliban est déposé en quelques mois et depuis 2001, les talibans passés au maquis bataillent contre l’envahisseur, et le gouvernement local qu’ils estiment asservi à Washington, avec un certain succès et sans doute le soutien d’une bonne partie de la population, sûrs de leur bon droit, après tout ils sont chez eux, et certains que les troupes étrangères se retireront un jour… C’est ce qui en train de se passer près de 20 ans plus tard !
L’accord formalise en réalité la défaite occidentale dans un pays auquel personne en Occident ne comprend grand-chose et qu’il vaut bien mieux laisser s’occuper seul de ses affaires dans ses montagnes. Toutes les tentatives d’intervention ont échoué sur le long terme, qu’elles soient militaires, humanitaires ou politiques. Il semblerait que la négociation qui s’achève entre le gouvernement américain et le mouvement religieux permette le retrait des dernières troupes occidentales du pays sans trop de déshonneur pour la partie américaine. Sans doute personne ne croît une seconde aux engagements pris par les talibans, notamment celui qui consisterait à empêcher la réinstallation de groupes terroristes sur le territoire afghan. Compromettre avec des talibans pour empêcher le retour du terrorisme relève au mieux de la faux-jettonerie, au pire d’un incompréhensible machiavélisme. Mais qu’importe, après tout, les accords de Paris de 1973 qui ont permis le retrait des troupes américaines du Vietnam ont été immédiatement violés par le Vietnam du Nord qui s’est empressé d’unifier tout le pays sous la bannière communiste avant même que l’encre qui avait servi à signer ces accords ne soit sèche ! Idem pour ceux d’Evian qui permirent à la France de rapatrier ses troupes d’Algérie en 1962. L’essentiel pour les pays extérieurs intervenant dans un pays tiers est de pouvoir se sortir du bourbier, mais le mieux aurait été de ne pas s’y mettre.
Dans le cas de l’Afghanistan il paraissait logique que les Etats-Unis et les troupes de l’OTAN réagissent après l’incroyable attaque religieuse contre New-York en 2001 mais sans doute aurait-il été préférable de s’en retourner chez soi quelques mois après avoir renversé le gouvernement des talibans, cela aurait épargné nombre de victimes et encore plus de milliards de dollars aux contribuables occidentaux, pour un résultat globalement identique puisque les talibans vont revenir au pouvoir et, sans doute, déconstruire tout ce que les occidentaux ont cru ériger pour « le bien » de ces pays. L’Afghanistan illustre jusqu’à l’absurde la prétention de ces interventions extérieures dont bien peu réussissent.
En Algérie les français ont voulu importer en plus de la colonisation, l’éducation, la santé et autres « droits de l’homme » qualifiés d’universels. Les américains ont fait de même au Vietnam et les troupes de l’OTAN développaient également un volet civil de leur occupation de l’Afghanistan, cherchant à associer développement économique ou enseignement à la soi-disant sécurité instaurée par les armées de l’OTAN. Tout ceci a échoué car imposé de l’extérieur.
L’Histoire se répète avec constance. La prochaine étape sera celle du retrait des troupes françaises du Sahel qui arrivera immanquablement car il faudra bien se sortir de ce nouveau bourbier. Des terroristes religieux locaux qui harcèlent tout ce qu’ils peuvent, des pouvoirs locaux qui ne gouvernent qu’eux-mêmes, une corruption érigée en mode de fonctionnement, des populations locales qui rejettent rapidement les troupes étrangères voire collaborent avec les terroristes, des règlements de comptes entre clans locaux…, bref, tout est présent au Sahel pour renouveler ce qui s’est passé au Vietnam, en Algérie, en Irak… La sortie sera certainement douloureuse, pour l’honneur de la République française et les sous de ses contribuables !
Au Mali en 2012 peut-être aurait-il été possible d’appliquer la théorie de « cassage de gueule » qui n’a pas été employée en Afghanistan : les armées occidentales vont sur place, traitent le problème puis retournent chez elles sans chercher d’autres résultats, quitte à revenir plus tard si le « problème » menace de nouveau les intérêts occidentaux.
On se souviendra de l’intervention militaire britannique au Sierre-Leone en 2000 pour appliquer les accords de Lomé censés mettre fin à une guerre civile d’un niveau de barbarie très intense : enfants soldats en grand nombre, massacres innommables à la machette (les rebelles pour se venger coupaient les bras des loyalistes au-dessous du coude [mutilation qualifiée de « manches longues »] ou au-dessus [« manches courtes »]), armée loyaliste incompétente, trafics de diamants, prises d’otages, etc. Les britanniques appuyèrent la force de l’ONU et se frottèrent directement aux rebelles qu’ils empêchèrent ainsi de prendre la capitale Freetown. Quelques soldats britanniques restèrent sur place pour « former » l’armée nationale mais globalement tout fut réglé en trois mois. Depuis, la Sierra-Leone est revenue à des dérives et n’est pas sortie de son sous-développement mais ce pays s’occupe de ses affaires sans intervention militaire extérieure.
Dans un autre genre l’intervention militaire de l’OTAN dans les Balkans en 1995 a permis de pousser la Serbie à ralentir les massacres qu’elle effectuait ou couvrait aux limites de l’Europe et à négocier avec les autres pays issus de l’ex-Yougoslavie, puis les forces occidentales sont rentrées chez elles. Depuis il se passe ce qu’il doit se passer mais au moins est-ce de la responsabilité unique de ces pays, sans plus d’occupation étrangère. A méditer !