La chasse est ouverte

Petite guéguerre dans le monde feutré des patrons du CAC40. Le fonds d’investissement activiste Amber Capital veut remplacer l’héritier Lagardère, Arnaud, toujours à la tête du groupe qui porte son nom. Le groupe a été fondé par son père, Jean-Luc Lagardère, sous forme d’un conglomérat avec une nature majoritairement industrielle (Matra [voitures, espace, missiles et armements divers], co-fondateur d’EADS [l’ancêtre d’Airbus], édition avec Hachette, média avec la radio Europe 1). Jean-Luc est décédé brutalement en 2003 d’une infection nosocomiale lors d’une intervention chirurgicale bénigne à l’hôpital. Le fiston (unique) a hérité du bébé et s’est employé depuis à en gommer la nature industrielle pour le recentrer sur la presse, l’édition et le sport.

Le pouvoir d’Arnaud sur le groupe est verrouillé via le statut de la société de tête sous forme de commandite. La stratégie et la gestion du groupe sont fortement contestées. Il se murmure que, très endetté à titre personnel, Arnaud gèrerait son groupe en fonction de ses intérêts personnels (le remboursement de sa dette) et non celui des actionnaires. Sommé par le tribunal de commerce de Paris de publier les comptes de ses holdings personnelles Arnaud s’y refuse, préférant payer une astreinte à la place, sa situation personnelle réelle est donc opaque. Des actionnaires minoritaires activistes essayent régulièrement de le remplacer, sans succès jusqu’ici car le garçon est malin et sait s’allier avec certains de ses pairs du CAC40 et ses amis du Qatar. L’assemblée générale du 5 mai prochain donnera lieu à une nouvelle offensive d’Amber Capital qui veut remplacer tout le conseil de surveillance ce qui devrait lui permettre de désigner un nouveau gérant, le mandat d’Arnaud arrivant à son terme en 2021, et de changer le statut juridique de la société. Amber publie de pleines pages de publicité dans la presse française cette semaine et a ouvert un site web pour défendre sa position car il a besoin du soutien d’une partie de l’actionnariat pour emporter la victoire

Amber therefore wishes to propose to Lagardère shareholders the complete replacement of its Supervisory Board. The Board, “emanation of shareholders” in charge of the permanent control of the management of the company, is indeed the only counter power to the Management within a private company limited by shares (société en commandite par actions). Its entire replacement is therefore the sine qua none condition for initiating a real turning point in the organisation, structuring and strategy of the company, the effects of which will benefit the stakeholders.

https://strongerlagardere.com/our-resolutions/

Ces dernières semaines, Lagardère a fait entrer quelques « amis » à son capital dont MM. Bolloré et Ladreit de Lacharrière[1] pour l’appuyer. La bataille va être rude et même si Amber Capital était défait, M. Lagardère se retrouve avec de nouveaux actionnaires « amis » qui ont très certainement des intérêts à défendre au-delà de leur « amitié » pour Arnaud Lagardère. Dans un cas comme dans l’autre, fiston se retrouve comme un petit poisson dans un marigot où frayent des requins assoiffés de sang.


[1] Condamné récemment pour avoir assuré un emploi fictif à l’épouse de l’ancien premier ministre Fillon, après avoir plaidé coupable et donc reconnu les faits.