Pavlov et le coronavirus

par

dans Catégorie : ,

Parmi les réflexes pavloviens qui surgissent régulièrement dans le débat français, deux d’entre eux réapparaissent avec vigueur en ces temps de coronavirus baladeur : la fermeture des frontières et l’annulation de la dette africaine…

Quelle que soit la courbe des évènements, qu’il fasse beau ou qu’il pleuve, que l’économie croisse ou décroisse, que la criminalité baisse ou augmente, que les français soient heureux ou non, la droite conservatrice préconise la fermeture des frontières comme mode essentiel de gouvernement. Si ça va mal, c’est de l’étranger que vient le mal. Si cela va mieux, cela serait encore meilleur si les étrangers ne venaient pas consommer notre bonheur. Les Marine Le Pen et autres Thierry Mariani appellent sans cesse à la fermeture des frontières comme l’alpha et l’oméga de toute politique en France. L’Union européenne a d’ailleurs fermé ses frontières extérieures pour le moment mais ce n’est pas assez pour les tenants du nationalisme qui veulent fermer les frontières de l’Etat et non pas uniquement celles de l’Union [des Etats]. Ce n’est pas la décision qui a été prise à ce stade par les élus français.

Dans son intervention récente de lundi dernier, le président de la République française a appelé à « l’annulation de la dette africaine » pour aider ce continent à lutter contre le virus. C’est aussi un maronier de la doxa française : quoi qu’il se passe, annulons les dettes de l’Afrique ! Cela ne fait jamais de mal d’ânonner ce genre de slogan surtout lorsque l’on n’est plus le créditeur principal… La France (et donc ses contribuables) a déjà annulé par le passé des dizaines de milliards de dettes publiques au bénéfice des pays africains et délivre désormais son aide aux Etats des pays les moins avancés sous forme de dons. Evidemment cela fait moins de sous disponibles pour les bénéficiaires que lorsqu’elle distribuait généreusement des prêts en entretenant la fiction qu’ils seraient remboursés.

Il semble qu’une partie significative de la dette des pays les moins avancés soit désormais le fait de prêteurs privés et de la Chine (en tant qu’Etat ou via des prêteurs chinois privés). Il leur revient d’annuler, ou non, cette dette qui, soit dit en passant, ne concerne pas que le continent africain. Le G20 a entériné lors de sa réunion du 15 avril une suspension provisoire des remboursements dus par les pays les plus pauvres (the poorest countries) aux Etats membres et demandé aux créanciers privés de s’associer à cette initiative, sans bien sûr pouvoir l’exiger puisqu’il s’agit de prêteurs privés. Il a par ailleurs lancé une énième réflexion sur l’inextricable et permanent serpent de mer : comment continuer à prêter à bas taux à des emprunteurs qui ne sont pas en mesure de rembourser leurs dettes. Si la réponse est « il n’y a pas de solution », il faut alors transformer les financements en dons ce qui nécessite une plus grande générosité des contribuables des pays riches. Cela fait juste un siècle que cette question tourne en boucle sans trouver de réponse vraiment satisfaisante ni définitive… si ce n’est de ressortir à chaque choc économique que les pays pauvres ont bien entendu plus de difficultés à amortir que les pays riches.

We support a time-bound suspension of debt service payments for the poorest countries that request forbearance. We agreed on a coordinated approach with a common term sheet providing the key features for this debt service suspension initiative, which is also agreed by the Paris Club. All bilateral official creditors will participate in this initiative, consistent with their national laws and internal procedures. We call on private creditors, working through the Institute of International Finance, to participate in the initiative on comparable terms. We ask multilateral development banks to further explore the options for the suspension of debt service payments over the suspension period, while maintaining their current rating and low cost of funding. We call on creditors to continue to closely coordinate in the implementation phase of this initiative.

G20 Finance Ministers and Central Bank Governors Meeting 15 April 2020 [Virtual]

Le lien entre ces deux réflexes pavloviens est d’ailleurs que les partisans de la fermeture des frontières sont généralement contre l’annulation de dettes en faveur des pays pauvres, préférant favoriser leurs citoyens nationaux plutôt que des emprunteurs étrangers…