BRASILLACH Robert, ‘Les sept couleurs’.

Sortie : 1939, Chez : Librairie Plon.

Il est difficile d’ouvrir un livre de Brasillach sans être aussitôt assailli par tout le sordide véhiculé par ce nom aux relents de collaboration avec les nazis. Plus jeune que Drieu la Rochelle il n’avait pas participé comme lui à la première guerre mondiale (où il perdit son père) mais il fut autant que lui attiré par l’idéal nationaliste de Maurras et le milieu littéraire et intellectuel parisien foisonnant de l’entre deux-guerres. Mais sans doute plus que Drieu il sombra dans un antisémitisme criminel et hystérique. Ses articles dans « Je suis partout » où il déversait sa haine de l’Angleterre et des « juifs apatrides » constituèrent sans mal le principal chef d’accusation. Le problème des écrivains est qu’il laisse une œuvre, des traces. Il fut fusillé en février 1945 après que de Gaulle refusa sa grâce malgré une pétition en sa faveur signée par nombre d’artistes de l’époque dont Valéry, Claudel, Mauriac, Camus et bien d’autres… Il semblerait que lorsque sa peine fut prononcée par le tribunal, un cri s’éleva du fond de la salle « c’est une honte », Brasillach se serait alors tourné vers le public en répondant « non, c’est un honneur. » Quelques semaines après son exécution, Drieu se suicidait plutôt que de rendre des comptes à la Justice.

A Claude Mauriac qui interrogeait de Gaule bien plus tard, le général aurait répondu « Brasillach ? Eh quoi : il a été fusillé… comme un soldat. »

Ce roman sans doute partiellement autobiographique raconte comment des gamins de 20 ans dans les années 30′, issus de milieux bourgeois, ont pu être fascinés par la nation allemande en plein réarmement et nazification. Une Allemagne qui avait pourtant laissé de bien mauvais souvenirs à leurs parents et grands-parents… Mais en ces temps de révolution soviétique où le communisme internationaliste se heurtait de plein fouet et violemment contre le capitalisme, de jeunes esprits en formation, pétris des philosophes germaniques, à la recherche de l’ordre, infecté par les idées antisémites qui étaient largement partagées à l’époque par nombre de français, se sont laissés embarquer par le gloubi-glouba hitlérien.

En 1939 à la parution des « [Les] Sept couleurs » le pire n’était pas encore accompli mais il s’annonçait. Aveuglés par leurs idéaux, les Drieu, Brasillach et compagnie n’ont pas su sauter du train avant le désastre. Leur intellectualisme ne les a pas sauvés de la compromission avec l’ennemi, leur talent ne les a pas exonérés d’avoir à rendre des comptes.

Les aventures de Patrice, héros du roman, amoureux déçu, le mènent en Allemagne à Nuremberg où il découvre les grands rassemblement nationaux-socialistes et se laissent emporter par ces messes noires moyenâgeuses. Il est d’autant plus confortable qu’une jeune allemande prend soin de lui à la maison mais elle ne lui fera pas oublié Catherine, son amour de jeunesse qu’il va retrouver à Paris, 10 ans plus tard pour tenter de la reconquérir.

S’en suit un imbroglio amoureux à la suite duquel François, le mari de Catherine, rejoindra la guerre d’Espagne qui fait rage. Il choisira le camp franquiste dont il reviendra gravement blessé pour retrouver Catherine… peut-être !

Dans les deux situations, un chagrin d’amour associé au besoin d’absolu d’une jeunesse fiévreuse mènent des amoureux déçus vers le fascisme. Ainsi allait une partie de l’Europe de l’entre-deux guerres. La suite n’a pas été très brillante, hélas ! Même en ces temps d’autoflagellation et de réécriture de l’Histoire, il ne faut pas se priver de lire Drieu, Brasillach ou Maurras qui représentèrent avec talent un courant de l’intelligentsia française, c’était une autre époque.