Une bande de tatoués-mal-coiffés parisiens s’est fait bousculer par une horde de musculeux munichois dans la finale de l’une des nombreuses compétitions du fouteballe européen ce dimanche 23 août. Aussitôt une meute de supporters avinés s’est retrouvée à Paris autour des Champs-Elysées pour piller des boutiques, brûler des voitures en criant « Marseille, on t’enc… » et autres subtilités du même ordre. Les policiers sont caillassés et ripostent. 150 voyous sont arrêtés et placés en garde à vue. La justice décidera de la suite à donner aux délits commis.
Encore une illustration des effets terribles de l’alcool sur les encéphalogrammes désespérément plats des supporters de fouteballe. Les chaînes d’information se déchaînent sur le sujet, Michel Onfray se plaint que la répression constatée sur les gilets jaunes ne soit pas répliquée sur les fouteux, Nadine Morano tweete « Cette sale racaille doit être sévèrement matée et punie ! », les idéologues de tous bords se lancent slogans habituels, recettes « à 2 balles » et tweets vengeurs… et le problème subsiste.
Comme souvent en France il faut trouver un responsable, voire un coupable, et qui mieux choisi que l’Etat pour porter le chapeau ? Il serait « laxiste », la justice « de gauche », la police « sous-équipée », l’éducation nationale « gangrenée par l’idéologie » et bla-bla-bla et bla-bla-bla. La vérité est que les premiers coupables sont les délinquants qui commettent ces actes illégaux, les seconds sont leurs parents et familles qui n’ont pas su ou voulu en faire des citoyens, en dernier ressort il est vrai que l’Etat ne sait pas comment améliorer cette situation. Des gouvernements, de droite comme de gauche (un ancien ministre de l’intérieur conservateur a même été élu président de la République), ont essayé différentes solutions, autoritaires ou bienveillantes, les prisons ont été remplies (il doit bien y avoir quand même quelques peines qui sont appliquées) puis vidées et la voyoucratie continue à prospérer. Le sens de l’intérêt général est un concept qui fait ironiser même les bobos dans les dîners en ville ; alors inutile de préciser qu’on ne doit même plus savoir ce qu’il veut dire en Seine-Saint-Denis ou dans les quartiers Nords de Marseille. L’avachissement de notre société, l’abrutissement de la population par le fouteballe, la télé-réalité de TF1, les raps de Booba et les tweets de Nadine Morano, la démission des familles, nourrissent cette décadence.
Force est de constater que nous portons une responsabilité collective face à cette situation délétère et ce n’est pas en invoquant les vieilles lunes des uns et des autres que la violence qui couve et la contestation systématique qui perdure vont significativement changer. Si les « conservateurs » se plaignent que la justice soit « de gauche », se sont-ils interrogés de savoir pourquoi leurs enfants préfèrent faire HEC que l’école de la Magistrature, choisir d’être trader chez Goldman Sachs plutôt que juge à Mourmelon ? Si les « progressistes » s’émeuvent à l’idée du tout-répressif qui pointe à l’horizon, se sont-ils demandé s’il n’y avait rien de mieux à faire qu’introduire l’écriture inclusive au Parti socialiste ou le mariage-pour-tous dans la Loi ?
Bref, l’Etat c’est nous les citoyens et il ne fait aujourd’hui que dupliquer nos propres contradictions et notre incapacité à s’unir pour agir intelligemment. Dans un monde idéal on imaginerait que face à une difficulté durable et d’ampleur nationale sur laquelle le diagnostic est unanimement partagé, celui d’une voyoucratie conquérante, les partis politiques compromettent ensemble pour faire émerger une solution commune, quitte à appliquer une méthode A durant cinq ans puis de passer à la méthode B pour les cinq années suivantes si A est en échec ? Mais non, nous sommes en France alors on s’étrille, on parade, on provoque, on ergote, on caquète, on démonte ce qui a été monté par les prédécesseurs et l’on agit que fort peu, toujours dans la confusion et le capharnaüm.
Si l’on prend l’exemple du terrorisme religieux, qui existe depuis bien longtemps en France mais qui s’est gravement renforcé à partir des années 2010, on peut globalement considérer que le monde politique et législatif a agi avec une certaine efficacité pour freiner le processus. Il y a toujours des attentats en France mais ils sont plus difficiles à organiser. La surveillance des citoyens a été renforcée, leur judiciarisation facilitée en cas de soupçons, leur « neutralisation » sur les champs de bataille du Moyen-Orient entérinée, leurs condamnations par le système judiciaire durcies. On est pour ou contre, il reste encore de nombreuses questions sans réponse (notamment, que faire des terroristes emprisonnés une fois qu’ils auront effectué leurs peines ?), évidemment le problème de fonds des origines de ces actes commis par des citoyens généralement français n’est pas véritablement résolu, mais l’Etat, soutenu par le peuple et ses élus, a pu élever en dix ans un mur de protection contre ces comportements. On se demande bien pourquoi une telle attitude n’est pas possible sur la question de la délinquance ?