CENDRARS Blaise, ‘Moravagine’.

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Sortie : 1926, Chez : Bernard Grasset.

Blaise Cendrars (1887-1961), romancier voyageur et poète révolutionnaire voulait que son roman Moravagine soit le point de départ d’une saga narrant les aventures de son héros qui semble concentrer tous les aspects baroques et détraqués de l’auteur. Hélas ce fut un ouvrage solitaire qui ne connut pas de suite. Quel dommage car les pérégrinations de Moravagine commençaient superbement !

Il semble que l’écriture de cet ouvrage fut longue et douloureuse, commença en 1914, connut moulte étapes, remaniements et corrections avant sa publication en 1926. Moravagine est un descendant caché de la dynastie d’Autriche-Hongrie car ses dérangements mentaux en font un criminel. Il est visité par hasard par un étudiant en médecine (Cendrars commença des études de médecine durant lesquelles il croisa un schizophrène violent par ailleurs dessinateur de talent qui pourrait être son modèle pour Moravagine), Raymond, qui va identifier son génie et faciliter son évasion de l’asile où il végète.

Ensemble ils vont parcourir le monde de ce début de XXème siècle en commençant par la Russie en pleine révolution où les bas instincts de Moravagine vont pouvoir se libérer au service de la cause bolchévique qui n’était pas avare de violence sanglante contre la « réaction » non encore vaincue. Ils vont ensuite parcourir l’Europe pour fuir la répression avant de se retrouver en Amérique latine, toujours en fuite à travers la jungle puis d’être happé par la première mondiale en Europe.

Dans chacune de ces circonstances, Moravagine fait preuve d’un incroyable sens de l’adaptation à des circonstances souvent terribles, jusqu’à devenir un demi-Dieu « indien bleu ». Individu qui semble au-delà du bien et du mal, il emmagasine les expériences sans en craindre aucune. Animé d’une inépuisable énergie il passera ses dernières semaines à écrire des milliers de pages toujours entre deux piqures de morphine dont il est devenu addict. Rassemblées par Raymond, ces pages signées « Moravagine, idiot », racontent une guerre commencées en 1914 et terminée en 2013, mêlant les aventures humaines aux élucubrations de la planète Mars. Cendrars (qui apparaît également dans le roman) n’en cite que tes têtes de chapitre dans la bouche de Raymond, mais peut-être devaient-ils être les titres de la suite de Moravagine ?

On sent dans ce roman flamboyant tout l’intérêt de l’auteur pour le combat révolutionnaire qui bouleversa l’Eurasie durant premier quart du XXème, et son attrait un peu morbide pour la maladie mentale et le génie qui, parfois, en découle. Cendrars revisite par l’intermédiaire de Moravagine tous les séismes de la civilisation occidentale qui ont semé tant de dévastation chez les humains sans les achever. Et encore, en 1926, date de parution du roman, n’avait-il pas tout vu, loin de là. Le lyrisme de l’auteur associée à la folie furieuse de son héros (on se demande parfois qui est Cendrars, qui est Moravagine) a donné la un grand roman !