BELLOW Saul, ‘Herzog’.

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Sortie : 1966, Chez : Editions Gallimard / Folio 708 & 709.

Saul Bellow (1915-2005), prix Nobel de littérature 1976, écrivain juif et fils d’exilés russes, raconte dans ce roman de deux volumes les pérégrinations amoureuses et familiales de Moses Herzog dans les années 1960, entre New-York, Chicago et les montagnes du Berkshire. Herzog est professeur de littérature et de philosophie, publie des ouvrages, dont « Romantisme et Christianisme » et, surtout, se laisse envahir par les femmes de sa vie.

Il y a évidemment de l’autobiographique dans « Herzog » mais aussi, précise l’auteur, « beaucoup d’invention ». Néanmoins, Bellow fut enseignant et écrivain, et affronta des divorces successifs. On retrouve dans le roman cette écriture typiquement juive centrée sur ce personnage décrivant ses malheurs avec humour et autodérision. On se croirait dans un film de Woody Allen.

Moses, la quarantaine, séduit des jeunes femmes, parfois ses élèves, et se fait quitter avec fracas. La dernière en date, Madeleine, dont il a une fille, le trompe avec son meilleur ami, demande le divorce et le laisse en plein chaos mental. Il y a bien sûr un psychanalyste dans le tableau, un avocat, un médecin, tous juifs, ponctuant leurs dialogues de mots et de phrases en yiddish :

« In drerd aufn deck [Au bord de nulle part. Sur le toit de l’Enfer]. »

Tout ce petit monde est nombriliste, tourné sur lui-même. On se lamente, on s’analyse, on se tâte. Les relations parents-enfants sont compliquées mais l’attachement familial est sacré. En famille, on se plaint, on déplore, on regrette, on se raconte. Pour ne pas sombrer dans la folie Herzog écrit des petits billets pour jalonner ses pensées ou pour des destinataires à qui il ne les expédie jamais (Dieu, le général Eisenhower, son meilleur ami et rival, Madeleine…) mais qui lui permettent d’exprimer ses élucubrations diverses. Malgré son pessimisme et ses échecs féminins, Herzog reste un incorrigible séducteur et ce roman foisonnant se termine sur l’image du héros préparant le dîner pour Ramona, sa nouvelle conquête, dans sa maison des Berkshires…

Ce magnifique roman est dense, douloureux et drôle. Le parti-pris rédactionnel de ces billets parsemés tout au long du récit ajoute un brin de folie dans la narration des mésaventures de Moses. La complexité de l’histoire de cet homme est aussi le fruit de la richesse de l’esprit de Bellow, un grand écrivain !