Des communiqués de circonstance

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Le retrait annoncé de l’armée française du Mali a été accompagné d’un communiqué officiel signé ce 17/02/2022, en plus de la France, par certains pays européens et africains, ainsi que par l’Union africaine. L’idée était sans doute de marquer un caractère multilatéral à cette décision bien qu’il s’agisse essentiellement d’un problème entre le Mali et son ancienne puissance coloniale. Sans doute Paris se sent moins seul ainsi et la conférence de presse organisée à la suite de la publication de ce communiqué a associé différents dirigeants africains qui entouraient le président français. Ceci ne fit guère illusion tant le pouvoir de la force est dans les mains du seul Macron en tant que chef des armées françaises, mais cela ne fait pas de mal non plus.

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Le communiqué est un pur objet de diplomatie, on y parle de paix, de stabilité, de soutien à la population malienne, de droits humains et d’aide humanitaire et blablabla. Bref, le projet a dû être rédigé par un stagiaire de l’ENA au ministère des affaires étrangères, revu et corrigé par un vieux diplomate de la Françafrique, madré aux arcanes des cocktails diplomatiques tropicaux. C’est ce qui se fait en de telles circonstances.

Les autorités maliennes ont réagi dès le 18/02/2022 par un intéressant document signé du porte-parole du gouvernement qui commence par rappeler que le retrait français « unilatéral » viole les accords de défense avec la France, ce qui est formellement exact mais ne manque pas d’ironie dans ces circonstances où les autorités maliennes ont tout fait pour décourager la France de poursuivre ses opérations au Mali. Paris aurait dû commencer par dénoncer formellement son accord de défense avec le Mali, qui avait bien pris garde de ne pas le faire même s’il en avait demandé la révision.

La partie malienne rappelle ensuite que le terrorisme dans son pays a été renforcé notamment par suite de la déstabilisation de la Libye en 2011 par… les forces de l’OTAN et tout particulièrement la France. La encore, ceci est formellement vrai. Il est ensuite précisé que les objectifs sécuritaires n’ont pas été atteint au Mali qui est désormais au bord de la partition et sur le territoire duquel le terrorisme a pu étendre ses actions.

Ce communiqué est un véritable bijou de juridisme et de mauvaise foi mais il est très malin, bien plus que celui auquel il répond. Il a sans doute du mal à passer auprès des autorités françaises qui vont bien devoir avaler leur chapeau. C’est ainsi, ce n’est pas agréable mais l’essentiel est de sortir au plus vite de ce pays avec le moins de dégâts possible pour l’armée françaises et ses quelques partenaires européens. Paris va devoir boire le calice jusqu’à la lie mais pourrait envoyer ses stagiaires diplomates énarques prendre des cours de rédaction à Bamako !


Déclaration conjointe sur la lutte contre la menace terroriste et le soutien à la paix et à la sécurité au Sahel et en Afrique de l’Ouest.

Publié sur le site de l’Elysée le 17/02/2022

A la veille du Sommet entre l’Union européenne et l’Union africaine, nous, les pays sahéliens et voisins ainsi que les partenaires internationaux, nous sommes réunis pour échanger sur la situation au Sahel. Nous restons déterminés à soutenir le Mali et sa population dans leurs efforts pour obtenir une paix durable et la stabilité, ainsi que pour combattre les menaces terroristes au Sahel.

Nous réaffirmons tous notre forte volonté de poursuivre notre partenariat avec et notre engagement pour le peuple malien dans la durée, pour faire face à tous les défis posés par l’activité des groupes armés terroristes au Sahel.

Nous constatons et regrettons que les autorités maliennes de transition n’aient pas tenu leurs engagements envers la CEDEAO, soutenue par l’Union africaine, d’organiser des élections présidentielles et législatives avant le 27 février 2022. Nous exhortons les autorités maliennes à achever la période de transition et à organiser des élections libres, équitables et crédibles. Nous soutenons pleinement les efforts en cours de la CEDEAO et de l’UA pour le retour du Mali à l’ordre constitutionnel dans les meilleurs délais.

Nous exhortons les autorités maliennes à réengager un dialogue constructif avec la CEDEAO et l’Union africaine, au plus haut niveau, afin de trouver une solution en faveur de la stabilité et du développement du Mali et de toute la région.

En raison des multiples obstructions des autorités de transition maliennes, le Canada et les Etats Européens opérant aux côtés de l’opération Barkhane et au sein de la Task Force Takuba estiment que les conditions politiques, opérationnelles et juridiques ne sont plus réunies pour poursuivre efficacement leur engagement militaire actuel dans la lutte contre le terrorisme au Mali et ont donc décidé d’entamer le retrait coordonné du territoire malien de leurs moyens militaires respectifs dédiés à ces opérations. En étroite coordination avec les Etats voisins, ils ont également exprimé leur volonté de rester engagés dans la région, dans le respect de leurs procédures constitutionnelles respectives.

A la demande de leurs partenaires africains, et sur la base de discussions sur les futures modalités de leur action conjointe, ils sont néanmoins convenus de poursuivre leur action conjointe contre le terrorisme dans la région du Sahel, notamment au Niger et dans le Golfe de Guinée, et ont engagé des consultations politiques et militaires avec eux dans l’objectif d’arrêter les paramètres de cette action commune d’ici juin 2022.

Nous soulignons la contribution essentielle de la MINUSMA à la stabilisation au Mali, à la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation, à la protection du peuple malien, notamment des droits humains, et à la création d’un environnement sûr pour l’aide humanitaire. Nous reconnaissons également l’engagement et le prix payé en termes de vies humaines par les pays contributeurs de troupes et de policiers.

De même, nous rappelons la contribution substantielle de l’Union européenne et de ses missions à la paix et la sécurité au Sahel. Nous réaffirmons l’objectif crucial de renforcer les moyens et capacités des forces de sécurité des pays de la région et d’accroître ainsi la sécurité des populations locales là où, et si, les conditions nécessaires sont réunies.

Compte tenu des impacts de la situation sur la population malienne, nous soulignons collectivement notre engagement de longue date envers le peuple malien, ainsi que notre volonté de continuer à nous attaquer aux causes profondes de l’insécurité en mobilisant l’aide pour répondre aux besoins immédiats et à plus long terme de la population, en particulier des personnes les plus vulnérables. Nous réaffirmons aussi notre disponibilité à poursuivre le dialogue avec les autorités de transition maliennes.

Afin de contenir la potentielle extension géographique des actions des groupes armés terroristes en direction du Sud et de l’Ouest de la région, les partenaires internationaux indiquent leur volonté d’envisager activement d’étendre leur soutien aux pays voisins du Golfe de Guinée et d’Afrique de l’Ouest, sur la base de leurs demandes. Ces actions viendraient soutenir les initiatives et organisations régionales pertinentes telles que l’UA, la CEDEAO, le G5 Sahel et l’Initiative d’Accra et renforcer les stratégies nationales visant à améliorer la résilience ainsi que les conditions de vie et de sécurité dans les régions les plus vulnérables.

Nous demandons au Haut-représentant de la Coalition pour le Sahel d’organiser rapidement une réunion ministérielle de la Coalition, qui aura pour objet d’établir un bilan de la feuille de route adoptée en mars 2021 et de prendre en compte ces nouvelles orientations.

Signataires : Allemagne ; Belgique ; Bénin ; Canada ; Côte d’Ivoire ; Danemark ; Estonie ; France ; Ghana ; Hongrie ; Italie ; Lituanie ; Mauritanie ; Niger ; Norvège ; Pays-Bas ; Portugal ; République Tchèque ; Roumanie ; Sénégal ; Slovaquie ; Slovénie ; Suède ; Tchad ; Togo ; Conseil européen ; Commission européenne ; Haut représentant de la Coalition pour le Sahel ; Commission de l’Union Africaine.