Le décès ce 8 septembre à 96 ans de la Reine du Royaume-Uni et d’Irlande du Nord, Elisabeth II (1926-2022), émeut l’Occident tant cette souveraine a été animée d’un sens de son devoir hors pair, enrobé d’une raideur royale toute britannique et pendant si longtemps, plus de 70 ans. A une époque où dirigeants et électeurs de nos démocraties se laissent dériver vers toujours plus de bouffonnerie, la mort de cette reine nonagénaire fait craindre qu’avec son cercueil ne se referme aussi l’ordre géopolitique de la planète mis en œuvre après 1945 sur un monceau de cadavres et un abysse de barbarie, ordre qu’elle et son royaume ont si bien incarné.
Evidemment, cette reine étant (bien) rémunérée pour ne rien dire et ne rien faire de politique, il lui a sans doute été plus facile dans ces conditions de construire sa stature d’autant plus que personne ne lui contestait son poste, avantage de la monarchie constitutionnelle. Elle a passé beaucoup de temps à s’occuper de ses chiens, de ses chevaux ou à changer de résidence (Windsor, Buckingham, Balmoral et bien d’autres), sans doute aussi à administrer ses propriétés et ses actifs, ainsi qu’une famille parfois incontrôlable. Elle a néanmoins tenu ce rôle avec dignité : conquérante de l’inutile et artisane du maintien de la tradition d’un pays qui a si souvent orienté l’Histoire, celle du capitalisme, de la démocratie, de l’Empire, de la décolonisation… sans oublier celle du Rock‘n’Roll.
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Enrôlée volontaire dans la branche féminine de l’armée britannique durant la seconde guerre mondiale, elle a accompagné depuis tous les évènements traversés par son royaume avec la même élégante froideur et cette distante indifférence qui fascinait tant les pays latins incapables de ne pas se laisser déborder par leurs émotions vulgaires et contradictoires. Guidée par ce qu’elle pensait être l’intérêt du royaume et de la monarchie, au service de son peuple, « Never complain, never explain » était le slogan officieux de la Couronne, la dignité qu’elle afficha son règne durant force l’admiration. C’est sans doute le sens originel de ce qu’on appelle la noblesse ! Tout ceci a beaucoup, beaucoup, beaucoup d’allure.
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Les Britanniques appréciaient Elisabeth II dans leur grande majorité. Ils semblent disposés à maintenir l’institution royale, aussi grandiose qu’inutile, et à en payer les coûts. Nous verrons si les successeurs de la reine défunte sauront maintenir ce niveau de ferveur populaire.