« Saint-Omer » d’Alice Diop

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Le film relate un fait divers sordide qui a fasciné la réalisatrice, celui d’une jeune femme d’origine sénégalaise, arrivée enfant de Dakar à Paris pour faire des études qu’elle semble avoir suivies avec plus ou moins de convictions et d’assiduité, qui, ayant abandonné ses études et à cours de ressources, s’installe chez un ancien expatrié en Afrique, bien plus âgé qu’elle, déjà marié et père d’une fille de l’âge de sa maîtresse. Cette dernière tombe enceinte et donne naissance, toute seule à la maison, à une fille qu’elle cachera consciencieusement à son entourage, avant de la déposer, à deux ans, sur la plage de Saint-Omer alors que la marée monte. L’enfant est retrouvée morte le lendemain, la mère identifiée et arrêtée rapidement.

Le film rejoue le procès en cours d’assise dans cette petite ville de province, une présidente du tribunal bienveillante essaye de démêler l’histoire entre la thèse de l’acte prémédité et du mensonge de l’accusée défendue par le procureur et celle d’une victime de la négligence du père de l’enfant et du racisme ambiant avancée par l’avocate. Ce père témoigne à la barre et affiche sa coupable négligence. C’est le syndrome du « vieux blanc », bien connu de ceux qui ont vogué en Afrique, utilisant des gamines locales pour assouvir leur besoin de « chair fraîche », le tout dans la lâcheté et l’irresponsabilité.

L’accusée parle de ses visions, les psychiatres de « l’altération de son discernement », l’avocate de son errance culturelle dans un environnement tellement éloigné de celui de son pays natal. Cette femme est probablement psychiquement malade, elle sera néanmoins condamnée, ce que le film ne dit pas, à une peine de 20 années, réduite à 15 en appel.

L’engagement militant de la réalisatrice, elle-même d’origine sénégalaise, en faveur de la « diversité » transparaît dans le film, bien sûr, ce qui ne l’empêche pas de présenter ce procès dans le cadre d’une justice apaisée. L’actrice jouant le rôle de l’accusée (Fabienne Kabou, dans la vraie vie) semble mystérieuse, perdue dans un monde intérieur inaccessible, reconnaissant l’ignominie de son acte tout en déroulant calmement les éléments d’une existence décalée en France, sans but ni joie. A l’issue de ce film oppressant, le spectateur quitte la salle en se demandant ce que deviendra cette mère infanticide à sa sortie de prison ?