John Cale – 2023/02/14 – Paris Salle Pleyel

par

dans Catégorie :

L’indestructible John Cale est de retour à Paris. Né au Pays de Galles en 1942, il vient de sortir un nouveau disque à 80 ans : Mercy, et en assure la promotion à l’occasion de cette tournée. Entouré de trois musiciens (guitare, bass et batterie) c’est désormais un « vieux » monsieur qui se produit sur scène. La démarche un peu claudicante, habillé d’une tunique noire, il passe le concert derrière un clavier. Il ne joue ni de son alto, ni de ses guitares, mais uniquement de sa voix toujours bien assurée sur sur ses touches.

Le concert pioche dans l’incroyable catalogue de cet artiste qui a signé des dizaines de disques, de bandes originales de films, de collaborations multiples avec des musiciens aussi variés qu’Iggy Pop ou Agnes Obel, en passant par Lio. Il a également produit deux albums de légende : The Stooges d’Iggy Pop & the Stooges et Horses de Patti Smith.

Mais John Cale, c’est d’abord le cofondateur Velvet Underground en 1965 avec l’ami maléfique Lou Reed, sous la houlette d’Andy Warhol dans sa Factory new-yorkaise, un groupe fondateur du rock du XXème siècle qui influe toujours aujourd’hui nombre de groupes. De formation académique, il était le musicien du Velvet dans lequel Lou était le magicien des mots. Il s’était même initié à la musique contemporaine en croisant John Cage ou La Monte Young avant de rencontrer Lou Reed et de découvrir le monde du rock, et tous ses excès…

Cale est expulsé du Velvet Underground en 1968 après d’incessants conflits avec Lou Reed, le tout dans un délire d’égos et de drogues en tous genres. Le groupe sera dissous peu après et chacun poursuivra des routes fructueuses et créatives dans le monde du rock. Ils se retrouveront à différentes occasions : une reformation éphémère pour une tournée du Velvet en 1993, un disque Song for Drella en hommage à Andy Warhol en 1990, notamment. Lou est mort en 2013, John est toujours sur la route.

Le concert s’ouvre sur un morceau de 2006 Jumbo in tha Modernworld, une histoire improbable d’animaux de la jungle qui déjeunent ensemble sous les arbres mais semblent rencontrer quelques difficultés à s’intégrer dans le monde moderne. Le groupe se met en jambe, la voix de John est un peu tirée dans les aigues lorsqu’il imite le cri du singe dans le refrain. Sur le grand écran de fond de scène sont diffusées des images en ombres chinoises où tournoient des mobiles façon Calder. Puis est enchaîné un extrait de Mercy, Moonstruck (Nico’s Song), dédié à Nico. Sa tête est affichée en double sur l’écran, les deux faces se regardant, régulièrement déformées par un rictus composé sur un film de 10 secondes repassé à l’infini. Egérie du Velvet, créature d’Andy, mannequin allemande, elle passait par là s’est retrouvée chanteuse sur le premier disque du groupe après en avoir ensorcelé les membres. John Cale, qui l’a aimée, accompagnera la suite de sa carrière musicale comme producteur et musicien sur ses différents albums.

You’re a moonstruck junkie lady
Staring at your feet
Breathing words into an envelope
To be opened on your death
Moonstruck (Nico’s Song)

Bien que les nouvelles compositions n’aient plus grand-chose à voir avec le Velvelt Underground, la dédicace à Nico est le rappel de cette période fondatrice de la vie de Cale et de l’histoire mondiale du rock.

Le concert se poursuit en abordant des morceaux bien sombres. Sur Wasteland, une histoire de terrain vague, de fantômes du passé, d’éléments hostiles… seuls « ses » bras (sans doute ceux de l’être aimé) réconfortent le narrateur dans l’obscurité. Le groupe laisse libre cours à son imagination et sort des sentiers battus de l’harmonie. Les sons dissonent, les larsens envahissent l’espace, des bruits étranges s’échappent des enceintes, les musiciens s’affairent sur leurs machines, le bassiste sort un archer… sur l’écran des insectes s’affairent sur une surface plane puis sont remplacés par une femme anorexique qui marche sur une plage en montrant ses membres et son torse d’une maigreur cadavérique. Ambiance…

D’autres chansons sont moins tragiques mais l’atmosphère musicale délivrée par John Cale n’est pas portée par une grande joie de vivre, c’est le moins que l’on puisse dire. Qu’importe, il est un survivant d’une page de la musique qui est en train de se refermer. Il affiche un petit sourire sous sa chevelure uniformément blanchie, celui d’un musicien qui en a tant vu et qui a su nous faire partager tant de ses émotions et inspirations.

Une chanson en rappel : Heartbreak Hotel, une reprise d’Elvis Presley.

Setlist : Jumbo in tha Modernworld/ Moonstruck (Nico’s Song)/ Rosegarden Funeral of Sores/ Mercy/ Night Crawling/ Pretty People/ Wasteland/ Guts/ Noise of You/ Cable Hogue/ Half Past France/ Villa Albani

Encore : Heartbreak Hotel (Elvis Presley cover)

Warmup : HSRS

Lire aussi : John Cale – 2011/10/17 – Paris la Maroquinerie & John Cale – 2005/10/06 – Paris le Café de la Dance