Le musée du Quai Branly, ex-musée des Arts Premiers, produit une intéressante exposition sur Léopold Sédar Senghor (1906-2001), homme d’Etat, poète, d’abord Français sous la colonisation puis Sénégalais après l’indépendance de ce pays acquise en 1960. Comme un certain nombre de leaders africains pré-indépendance qui avaient accepté le principe de rester loyal à la France et d’entériner celui de l’Union française, il sera élu député de l’assemblée nationale à Paris puis nommé ministre sous la IVème République. Il mène en parallèle son œuvre de poète et d’écrivain engagé.
Avec Aimé Césaire il définit le concept de négritude et œuvre pour la reconnaissance d’une culture « noire » et l’avènement d’une civilisation de l’universel aux valeurs métisses. Elu à la tête du nouvel Etat du Sénégal il est un président qui investit dans la culture, plus que tout autre Etat africain, comme source de l’émancipation de son peuple. Il lance nombre d’initiatives en ce sens : création du Musée Dynamique de Dakar, organisation du premier Festival mondial de l’Art nègre en 1966, ouverture de différentes écoles de formation dédiées à l’enseignement artistique au Sénégal. Dans le même temps il poursuit le dialogue des cultures avec l’Occident, et même avec l’ancienne puissance coloniale. Il fait notamment exposer et venir à Dakar Picasso et Soulages.
Le musée Quai Branly retrace les nombreuses actions de cet humaniste qui a parié sur l’harmonie des cultures comme mode de gouvernement. Sont exposés également ses recueils de poèmes magnifiquement illustrés par Chagall. Il a fait de son pays un havre de paix et de démocratie au cœur d’une Afrique de l’ouest dont la plupart des pays nouvellement indépendants ont choisi des voies plus radicales, celle du communisme, de la dictature ou des deux à la fois. Depuis sa démission de la présidence du Sénégal en 1980, le pays est resté libre et l’influence du père fondateur y est certainement pour beaucoup. Il n’est pas sûr que la jeunesse sénégalaise lui en soit tellement gré aujourd’hui tant l’Afrique contemporaine a majoritairement opté pour la radicalité et le rejet de toute compromission avec l’ancienne puissance coloniale. Senghor était le parangon d’une décolonisation douce et d’une transition apaisée assise sur le partage des cultures. Il était un homme du XXème siècle, il a échoué à convaincre les autres puissances africaines d’adopter sa vision politique et poétique mais lorsqu’on voit l’état dans lequel se débattent aujourd’hui les pays d’Afrique de l’ouest, les jeunes Sénégalais pourraient lui être reconnaissants de vivre dans un pays relativement calme et démocratique.