Sortie : 1994, Chez : des Femmes / le rayon blanc (réédition 2023)
Niki de Saint-Phalle (1930-2002) est une artiste franco-américaine, plasticienne-peintre-graveuse-sculptrice-réalisatrice, rendue célèbre, notamment, par ses sculptures « Nanas », sorte de poupées géantes aux couleurs chamarrées et aux représentations naïves.
Lorsqu’elle avait une dizaine d’années, donc dans les années 1940, elle a été violée par son père et ne s’est jamais vraiment remise de ce drame intime qu’elle a gardé pour elle, malgré nombre de cures psychiatriques et de dépressions profondes. En 1992 elle se résous à écrire (et publier) cette lettre à sa fille Laura pour lui révéler ce crime commis par son grand-père.
Le texte manuscrit est imprimé comme tel, en grandes lettres rondes avec des ratures et des fins de phrases débordant verticalement sur les côtés. C’était un été en Nouvelle Angleterre près de New York. Il y avait des serpents dans le jardin auxquels il fallait faire attention. Et il y avait surtout ce père séducteur, citoyen respectable et moraliste, qui commit l’irréparable. Niki s’est soudain retrouvée ballotée entre l’amour pour son père et la haine qu’elle éprouvait pour cet acte. Elle ne voulait pas le dénoncer pour ne pas le perdre… Même le psychiatre qu’elle visitât après sa première dépression à 20 ans ne voulut pas la croire.
Bien plus tard en 1973 elle a réalisé le film « Daddy » évoquant ce traumatisme. Dans la même période elle eut l’occasion d’aborder ce sujet avec sa mère pour découvrir qu’elle était au courant car son mari lui avait avoué. Elle demanda à sa mère de ne jamais voir le film et cette dernière respecta son vœux.
C’est une histoire d’inceste au cœur d’une famille bourgeoise et cultivée, tragiquement banale, comme il doit en exister tous les jours et que Niki de Saint-Phalle a su narrer à sa fille avec des mots simples et touchants, lui permettant ainsi de mieux comprendre le parcours de sa mère dont cet inceste subi dans sa plus tendre enfance est certainement l’un des fils conducteurs, hélas ! Dans ses dernires lignes elle regrette de n’avoir pas pu lui en parler alors qu’elle était adolescente, pour la protéger.
NB : elle ne parle pas de son patronyme si étonnant et sans doute difficile à porter. Certainement ses psychiatres y auront vu des liens avec l’évènement.