La République arabe syrienne, et le clan Assad qui la dirige depuis 1970, a tenu bon depuis le déclenchement de la révolte populaire dite du « printemps arabe » en 2011. Après une répression féroce des contestataires par le régime, cette rébellion s’est transformée en lutte armée faisant intervenir des mouvements religieux comme le groupe Etat islamique (EI), Al Qaeda et différents autres mouvements islamistes faisant dans l’ensemble assez peu dans la poésie.
C’est ainsi que la Syrie a été transformée en un terrain de guerre civile où s’est exercé une cruauté d’un niveau encore rarement atteint. Des groupes islamistes contre un gouvernement dictatorial avec au milieu un peuple éclaté en une multitude d’ethnies et de pratiques religieuses, il n’en fallait pas plus pour déclencher un cataclysme et on a vu ce malheureux pays devenir la proie de toutes les barbaries. Cerise sur le gâteau, la situation s’est internationalisée avec les interventions d’une coalition internationale (plutôt occidentale) pour détruire les mouvements islamistes, de la Russie pour soutenir le régime Assad et de la Turquie qui veut protéger sa frontière sud des mouvements kurdes.
Le résultat est effrayant : des millions de déplacés (y compris en Europe), des massacres de populations civiles, des crimes de guerre et contre l’humanité, des tortures et meurtres en tous genres, le plus souvent largement filmés et relayés sur les réseaux dits « sociaux », un pays détruit, une population éclatée, etc. La Syrie qui n’était déjà pas particulièrement gâtée par la gouvernance de la famille Assad depuis 50 ans, est devenue le banc d’essai de tout ce que peuvent produire des esprits dérangés et maléfiques. On dirait que chaque camp s’y est mis pour essayer d’enfoncer le pays le plus profond possible dans le gouffre.
Malgré cette situation, le clan Assad a réussi à se maintenir au pouvoir, profitant habilement de l’internationalisation du conflit, manipulant les opposants les uns contre les autres. Accusé de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, Bachar el Assad (fils de Hafez el Assad) a d’abord été mis à l’index de la Ligue arabe, le garçon n’était vraiment pas fréquentable, même pour les théocraties moyen-orientales. Mais le temps a passé, Assad est toujours au pouvoir, la coalition occidentale a détruit au moins provisoirement l’EI et s’est retirée, la Russie alliée de la Syrie lui fait partager son message anti-occidental ; alors la Ligue arabe a réintégré la Syrie en mai dernier.
Le retour de l’enfant prodigue a été entériné lors d’un sommet de la Ligue arabe le 19 mai auquel était également invité le président ukrainien Zelenski venu essayer d’obtenir un peu de soutien des pays arabes contre l’invasion russe de son pays. Il a été rapporté que lorsque Zelinsky s’est exprimé en ukrainien devant les chefs d’Etat arabes, le président syrien a ostensiblement laissé tombé son casque de traduction, ne souhaitant sans doute pas connaître le fond de la pensée de l’ennemi de son allié russe.
Cette réintégration marque aussi la poursuite du déclin du sentiment démocratique. Les pays membres de cette Ligue ne voient sans doute plus pourquoi ils iraient sanctionner l’un des leurs pour des raisons liées à la démocratie, concept assez creux pour la majorité d’entre eux et en voie de déclin dans le reste du monde. Pour le moment, les pays occidentaux considèrent toujours le clan Assad, et donc la Syrie, comme infréquentable, au moins officiellement.
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