Sixième et dernier épisode des aventures haletantes du
Moyen-Orient de l’après IIème guerre mondiale : cela ressemble à une série
policière télévisée, ce n’est que l’Histoire tragique narrée par Henry Laurens.
La rupture entre le nationalisme arabe et l’islam représenté
par les Frères Musulmans est maintenant consommée. Le plan de paix Alpha apparu
en 1955/56 est toujours poussé par les anglo-saxons mais reçu avec mesure par
la partie arabe qui y voit surtout un cheval de Troie américain qu’elle refuse
malgré le projet de construction du barrage d’Assouan qui est « vendu »
avec.
Israël et les Etats arabes ne peuvent pas coexister dans un
système de défense occidental auquel aboutirait l’exécution du plan Alpha, d’où
l’option de l’URSS que commencent donc à considérer la partie arabe. En 1954 l’Egypte
achète 40% de son pétrole aux Etats-Unis et à la Roumanie à qui elle vend son
coton ; Nasser préfère par ailleurs acheter des armes à l’Occident plutôt
qu’aux soviétiques. L’Egypte retient aussi la leçon du gouvernement
guatémaltèque renversé à l’initiative des Etats-Unis car préférant acheter des
armes à Moscou… En 1955, les Etats-Unis expliquent à l’Egypte qu’elle n’a pas
vraiment besoin d’armes puisque l’accord tripartite garantit sa sécurité, d’autant
plus que Le Caire n’a pas de devises pour payer de telles importations… Paris refuse
également de fournir des armes à l’Egypte compte-tenu de son soutien aux
indépendantistes algériens.
En juillet 55, Khrouchtchev a remplacé Staline, il envoie
Chepilov, directeur de la Pravda et futur ministre des affaires étrangères, en
Egypte. Il trouve Nasser politiquement confus ! L’URSS vend à l’Egypte ses
produits manufacturés, robustes mais de mauvaise qualité, contre des matières
premières. Moscou aide à l’industrialisation de l’Egypte croyant favoriser l’apparition
d’une classe ouvrière, c’est une « « classe musulmane qui va émerger…
L’URSS ne représente que 2% du commerce mondiale, c’est la « puissance pauvre »
vers laquelle Nasser se rapproche pour acquérir des armes.
Au Soudan c’est la guerre civile, des mouvements
indépendantistes y sont actifs. La question est de décider s’il faut fusionner
l’Egypte et le Soudan. Le 1er janvier 1956 l’indépendance
du Soudan est déclarée contre la volonté l’Egypte et la Grande-Bretagne.
Le 26 août 1955, Foster Dulles, secrétaire d’Etat américain du
président Eisenhower évoque en Israël l’éventualité du rapatriement des réfugiés
palestiniens contre le financement du développement économique. Israël de son
côté refuse de reconnaître la propriété de l’Egypte sur Gaza. Le 12 septembre 1955
un accord de troc est conclu avec l’Egypte à Prague pour la livraison d’armes,
d’avions et de chars soviétiques. En 1955 Eisenhower fait une première crise
cardiaque (la seconde viendra en 1957), les frères Dulles (secrétaire d’Etat et
directeur de la CIA) prennent la main sur la politique étrangère américaine.
Le Liban développe son économie de services et la place
financière de Beyrouth, se tourne vers les économies du Golf. L’Egypte et l’Arabie-Saoudite
fomentent de l’agitation dans le pays présidé par le chrétien pro-occidental Camille
Chamoun. En Jordanie se développent des mouvements arabistes progressistes. Il
y a une crainte forte d’une guerre israélienne de conquête de la Cisjordanie.
La Syrie se demande si elle doit rejoindre le pacte de Bagdad, l’alliance entre
les anglo-saxons, l’Iraq, la Turquie et quelques autres. Moscou protège l’indépendance
de la Syrie et livre de l’armement pour se substituer à la France, laquelle
soutient aussi l’indépendance syrienne considérant que menace communiste
avancée par les Etats-Unis n’est qu’un prétexte pour favoriser fusion entre la
Syrie et l’Irak.
Dans les années 50 subsiste en Israël un certain mépris des survivants de la Shoah qui sera inversé après procès Eichmann ; Ben Gourion dit alors : « on ne se laissera pas mener à l’abattoir » sur question des frontières entre plan de partage et lignes d’armistice.
La Jordanie adhère au pacte de Bagdad soutenue par les anglo-saxons, ce qui provoque la chute du gouvernement, par suite de la démission des députés palestiniens, et des violences populaires. En janvier 56, la Jordanie adhère aux Nations-Unis, y compris la Cisjordanie annexée qui est donc ainsi reconnue territoire jordanien par la communauté internationale.
Le projet de plan de paix Alpha continue son parcours, entre
CIA et diplomatie. Une opération baptisée Caméléon ou Gamma est montée pour l’organisation
d’entretiens secrets entre Ben Gourion et Nasser, sans succès. Nasser ne veut
pas parler directement avec Ben Gourion, mais veut bien parlementer sur le Néguev
avec Washington, Ben Gourion affiche la même position en direction inverse,
malgré les pressions américaines. Israël mène des provocations en Syrie pour
bloquer la fusion avec l’Egypte et pouvoir lancer une guerre préventive. Malgré
son rapprochement avec Le Caire, Moscou reste modéré pour ne pas être trop
engagée dans le conflit Israël-pays arabes.
Israël parle de guerre préventive pour déplacer les
frontières et veut éviter des interventions étrangères. L’Egypte annonce son
soutien à la Syrie en cas d’attaque israélienne. En décembre 55 Khrouchtchev
s’en prend à Israël ce qui forge l’anticommunisme israélien. Les Etats-Unis ne
veulent pas vendre d’armes à Tel Aviv si elle n’accepte pas le plan Alpha, en
revanche ils autorisent la France à livrer des armes fabriquées sous licence
américaine. En janvier 56, le nouveau gouvernement français Guy Mollet est
en pleine confusion du fait de la guerre d’Algérie et lève les restrictions de
ventes d’armes à Israël. En Jordanie l’officier britannique dit « Glubb Pacha »
qui commandait la Légion arabe depuis 1941 est révoqué, avec ses proches, par
le roi Hussein qui crée l’Armé arabe commandée par des officiers jordaniens qui
savent qu’ils ne feront pas le poids face à Israël en cas de guerre.
La Grande-Bretagne et les Etats-Unis appellent à la paix. Nasser
écrit une lettre secrète aux Etats-Unis acceptant le principe d’une négociation
sur les frontières d’Israël, puis nie l’existence de cette proposition qui
existe pourtant bel et bien revêtue de sa signature. En février 56 l’accord
tripartite n’est pas réitéré car les puissances occidentales réalisent qu’elles
n’interviendront pas en cas d’attaque israélienne. Ben Gourion écrit également
aux Etats-Unis qui comprennent qu’Israël peut se procurer des armes ailleurs
mais cherche plutôt un soutien politique, et que Nasser n’est pas du tout prêt
à accepter la paix avec Israël. Ils cherchent alors à traiter avec les autres
pays arabes pour isoler Le Caire. Israël met en avant le risque de destruction
du pays et compare les pays arabes aux nazis.
De nombreux émissaires français parlent du sujet algérien en
Egypte alors que le soutien apporté par Le Caire est surtout politique, les
armes étant fournies au FLN par la Tunisie et le Maroc.
Les projets secrets Alpha et Gamma n’ont été vraiment connus qu’à ouverture des
archives des années plus tard. Celles-ci révélèrent également que Nasser a
toujours été insincère il voulait plus casser le pacte de Bagdad que lutter contre
Israël. Les Etats-Unis avaient alors de la sympathie pour les pays arabes et foi
en une alliance avec Israël, mais ils n’ont obtenu que des problèmes en retour.
Alors qu’il conclut ce cycle de six leçons, le conférencier
note qu’à ce rythme il faudra encore dix-neuf années pour arriver à l’époque
contemporaine de cette région. Le mieux est encore de lire ses livres… A l’année
prochaine !