Le multilatéralisme à la dérive, l’Occident face à ses contradictions !

Depuis 2014 les alliés de l’Ukraine se basent officiellement sur la violation du droit international pour condamner la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine commencée par l’annexion de la Crimée et poursuivie en février 2022 par l’invasion décidée par Moscou, réchauffant ce conflit qui est toujours en cours et ne semble pas en voie de règlement. L’annexion en 2022 par la Russie de quatre nouvelles régions ukrainiennes dans le Donbass, à la frontière entre les deux pays a été une nouvelle atteinte au concept de l’intangibilité des frontières reconnues par les Nations Unies. Celui-ci peut toutefois être remis en cause si les parties concernées y ont convenance comme ce fut le cas en 2011 avec la partition du Soudan en deux Etats distincts. Ou comme cela aurait pu se produire si la Nouvelle Calédonie avait voté « oui » au référendum d’indépendance qui lui avait été proposé par la France.

Vu de l’Ouest il ne fait pas de doute qu’au regard du « droit international », les frontières d’un Etat souverain, l’Ukraine, ont été violées par l’agression d’un autre Etat, la Russie, qui, de plus, a annexé les régions du Donbass, modifiant sa constitution pour les accueillir. Mais vu de Moscou, l’histoire est bien différente et la Russie se dit agressée par « l’Occident décadent » et les « nazis-drogués » ukrainiens. Durant la guerre froide l’Occident et l’URSS se mettaient à peu près d’accord sur quelques grands principes pour imposer leurs vues à leurs affidés, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui où cela tire à hue et à dia dans les enceintes internationales où chacun veut sa part de pouvoir. Le multilatéralisme qui a fait ses preuves est remis en cause par ceux qui en ont été les perdants pendant la deuxième moitié du XXème siècle. Progressivement le corpus de règles qui constituait le droit international et faisait l‘objet d’un consensus au sein de l’organisation des Nations Unies et de ses agences annexes est en train de s’effondrer. Ce n’est même plus la question d’une interprétation différente des règles comme au temps de la guerre froide, c’est la nature même de celles-ci qui est désormais contestée par les pays non-occidentaux, que l’on appelle désormais le « Sud global ».

Pas toujours très habile, l’Occident est pris à son propre piège pour avoir lui-même agit en contradiction avec le droit international. Pour ne reprendre que ces dernières années, l’action la plus notable fut celle menée en 2003 par une coalition menée par les Etats-Unis pour envahir l’Irak soupçonnée de détenir des armes de destruction massive. Cette invasion a été menée sans l’aval de l’ONU (la France avait mis son veto au conseil de sécurité statuant sur l’opportunité de cette intervention) et s’est terminée dix ans plus tard en désastre pour toutes les parties impliquées et bien au-delà si l’on prend en compte le chaos créé au Moyen-Orient dont le monde n’est toujours pas sorti.

Les bombardements menés en 1999 contre la Serbie par l’OTAN durant presque deux mois pour mettre fin aux agissements serbes dans la guerre du Kosovo ont également été initiés sans aval de la communauté internationale et la création de l’Etat kosovar qui suivit s’est faite contre la volonté de la Serbie et de ses soutiens, dont la Russie (cet Etat n’est d’ailleurs toujours pas reconnu par l’ONU). L’Occident qualifiait « d’exactions contraire au droit de la guerre » la répression menée par les Serbes contre les Kosovars que le camp slave ex-soviétique appréciait comme du maintien de l’ordre nécessaire à la défense légitime du territoire serbe…

Plus ancien mais tout aussi récurrent, la non-application des résolutions successives de l’ONU dans le conflit israélo-palestinien depuis 1947 et la colonisation continue réalisée par Israël en contradiction avec le droit international montre que, aujourd’hui, chacun voit celui-ci à l’aune de ses convictions et de ses intérêts.

C’est la vie nous dira-t-on et dans ce chaos il faut choisir son camp. On peut concevoir que les pays occidentaux préfèrent le non-respect du droit international avec les Etats-Unis ou Israël plutôt qu’avec Moscou ou Belgrade. Leur position serait bien sûr mieux défendable si les dérives précitées n’avaient pas eu lieu et si les résolutions de l’ONU concernant le Proche-Orient étaient appliquées comme elles ont été votées par la communauté internationale. Ce n’est pas le cas et chaque partie, Occident comme Sud-global, défend ses raisons de ne pas respecter le « droit international » ou de l’interpréter à sa façon. Chacun est persuadé d’avoir raison et personne ne convainc personne, des règles communes sont de moins en moins reconnues ni respectées. Pour autant que l’on puisse en juger, les citoyens vivant dans les pays occidentaux plutôt d’orientation libérale (au sens « liberté » du terme) ne semblent pas forcément envier le sort des citoyens vivant dans les pays autoritaires du Sud-global et, si l’on se base sur les courants migratoires et les flux d’investissements qui traversent la planète, l’Occident démocratique et son interprétation de l’Etat de droit restent encore attractifs pour le moment.

D’ailleurs, nombre des dirigeants et oligarques de ces Etats autoritaires envoient leurs enfants faire leurs études en Occident, de la Russie au Sénégal, de l’Algérie à la Chine, les universités occidentales (surtout anglo-saxonnes d’ailleurs) sont pleines des rejetons de leur nomenklatura et les quartiers chics des capitales et des rivieras de l’Ouest sont massivement investies par les fortunes amassées plus ou moins légalement par les oligarques du Sud-global, comme les clubs de fouteballe européens. On a appris que même le dictateur nord-coréen actuel, Kim Jong-un, et sa sœur Kim Yo-jong, ont fait leurs études en Suisse. Ainsi, pendant que leur père lançait le programme nucléaire nord-coréen pour se défendre contre l’Occident, ses deux rejetons étudiaient calmement au cœur de l’Europe et à la succession de son père, Kim Jong-un a finalisé ledit programme.

La question est de savoir pourquoi un oligarque russe préfère investir dans une villa clinquante à Saint-Jean Cap-Ferrat plutôt que sur les bords de la mer Noire mais on dirait que l’herbe est encore un peu plus verte dans la vieille Europe que dans les empires asiatiques autoritaires.

Le retour de Felix Dzerjinski à Moscou

Après avoir réhabilité le drapeau rouge de l’Union soviétique pour l’armée russe, Moscou a inauguré une statue de Felix Dzerjinski (1877-1926). Il fut l’un des chefs majeurs de la révolution bolchévique de 1917 et fut chargé de mettre en place une police pour lutter contre « l’ennemi de l’intérieur ». Le moins que l’on puisse dire est qu’il s’est acquitté de sa tâche avec conscience et efficacité. Il a été l’un des organisateurs de la « terreur rouge » durant la guerre civile et a été à l’initiative de la création de la Tcheka, devenue Guepeou, l’ancêtre du KGB de sinistre mémoire, devenu FSB après la chute de l’URSS. Membre du comité central du parti communiste de l’URSS il serait mort d’une crise cardiaque à la suite d’une réunion de cette institution particulièrement agitée en juillet 1926. Une autre hypothèse parle d’un empoisonnement sur ordre de Staline.

C’est sous son autorité que la police politique soviétique a mené sur une très grande échelle les déportations et exécutions de masse. Il est coresponsable de dizaines de millions de morts et fut l’un des piliers sur lequel Staline assis la terreur soviétique dont les conséquences sont toujours visibles aujourd’hui. Sa statue a longtemps trôné Moscou devant le siège du KGB sur la place Loubianka. Après la dissolution de l’URSS en 1991 il a été estimé plus décent de déboulonner cette statue.

Les années 2000 voient le retour à l’idéologie soviétique en Russie comme dans certains pays de son pré-carré sur fond d’antioccidentalisme. La guerre menée en Ukraine par Moscou depuis février 2022 s’accompagne d’une féroce campagne de retour aux idées et aux pratiques d’antan. C’est ainsi qu’une copie de la statue de la Loubianka vient d’être rétablie dans un quartier plus « discret » de Moscou. Dzerjinski peut être comparé dans l’histoire au Himmler du régime nazi, le réhabiliter dans sa « gloire » est un acte qui en dit long sur la volonté de Moscou de revenir en arrière.

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La fin d’un clown sinistre

C’est une fin violente qui a finalement été réservée au Russe Evgueni Prigojine : l’avion privé dans lequel il était monté avec tout son état-major pour voyager entre Moscou et Saint-Pétersbourg est « tombé » en flammes au milieu du chemin. Personne ne se fait guère d’illusions sur l’origine de cet « accident » très probablement voulu et provoqué par le Kremlin. L’homme avait en effet mené, à la tête de son armée de mercenaires, une tentative de putsch le 24 juin à laquelle il met fin dans la journée après que sa troupe de forbans marchant vers Moscou abatte quelques avions et hélicoptères de l’armée russe officielle qui cherchaient à l’arrêter et sans que l’on ne connaisse vraiment les dessous de la négociation menée entre Prigogine et le pouvoir russe pour aboutir à cette issue inattendue.

Prigogine était un repris de justice (12 ans de prison pour brigandage et escroquerie) qui s’était recyclé dans la restauration ce qui lui permit de se rapprocher du président russe Poutine et d’emporter des contrats importants pour le catering de l’armée. A partir de 2014, il crée une société de mercenaires qui s’implante en Afrique, prestant un service de sécurité aux Etats locaux en échange de concessions minières octroyées à ses sociétés. Il a créé ce business avec un associé, également tué dans l’avion « tombé » en flammes, admirateur de l’idéologie nazi et arborant des croix gammées tatouées sur le cou, se faisant appeler « Wagner » de son nom de guerre en hommage au compositeur allemand chéri des hitlériens et qui sera également retenu pour désigner les mercenaires de Prigojine : « les Wagner ». Lorsque la guerre d’Ukraine s’aggrave avec l’invasion de février 2022, une partie de ses troupes sont rapatriées sur le front ukrainien où elles se distinguent par leur violence et leur sauvagerie.

On se souvient notamment de l’exécution d’un de ses mercenaires, coupable de trahison, à coup de masse sur la tête, dont les images ont été abondamment diffusées sur les réseaux dits « sociaux » et au sujet de laquelle M. Prigogine avait publié ce commentaire :

Il n’a pas trouvé le bonheur en Ukraine et a fini par rencontrer des gens durs mais justes. Ce film devrait s’appeler “une mort de chien pour un chien”. Excellente réalisation, qui se regarde d’un souffle. Aucun animal n’a souffert durant le tournage.

Par suite de cette communication du genre cynique, le Kremlin lui avait sans doute demandé d’être un peu plus discret dans ses commentaires car il déclarait quelques jours plus tard que, finalement, « les Wagner » respectaient la loi… La masse est devenue ensuite l’emblème du « groupe Wagner ».

Prigojine s’est aussi distingué durant la participation de son groupe à la guerre d’Ukraine car il avait reçu le pouvoir de recruter ses troupes dans les prisons russes en échange d’une amnistie. On le voit ainsi sur des vidéos publiques dans les cours de prison proposer ce choix aux prisonniers dont certains criminels condamnés à de lourdes peines. Beaucoup sont morts au combat car Wagner ne ménageait pas trop ses hommes selon les vieilles habitudes soviétiques, les combattants n’étant des inputs comme les autres. On a aussi beaucoup vu le chef de Wagner se mettre en scène en tenue de combat, arme à l’épaule, faire des sorties à l’encontre de l’armée officielle russe dont il accusait l’état-major et le ministre de la défense d’être incompétents et responsables de la mort de ses hommes par leur refus d’approvisionner suffisamment en armes et en munitions.

Bref, Evgueni Prigojine n’était pas vraiment un poète et il est mort par où il a péché : la violence et la félonie. Après avoir trahi le président Poutine et son pouvoir en marchant sur Moscou, personne ne donnait bien cher de sa survie tant la traîtrise n’est pas tolérée en Russie pas plus qu’elle ne l’était en Union soviétique.

Le baiser de la babouche russe

Le président de la République algérienne démocratique et populaire, Abdelmadjid Tebboune, fait parler de lui. A l’occasion d’une vite en Russie, il a participé au forum économique de Saint-Pétersbourg où il a qualifié, en arabe, son homologue russe « d’ami de l’Humanité ». A la télévision on voit son homologue accuser le coup, vaciller sous l’hommage, l’air de ne pas y croire, puis délivrer l’un de ses rares sourires à son interlocuteur. Par les temps qui courent il fallait tout de même oser qualifier M. Poutine « d’ami de l’Humanité » mais son homologue algérien n’a pas été effrayé par cette saillie.

Après tout, la République algérienne démocratique et populaire et l’Union soviétique furent effectivement de bons amis mais c’est surtout le rejet définitif de la France qui motive le comportement algérien. La conquête française et, surtout, la guerre de décolonisation ont laissé de très mauvais souvenirs qui continuent à infuser l’imaginaire populaire même si dans les faits, la majorité des Algériens d’aujourd’hui n’étaient pas nés au moment de la guerre et de sa conclusion par l’indépendance. La blessure morale est indélébile.

Evidemment, dans son discours de bienvenue, le président russe a mentionné l’aide apportée par l’Union soviétique pour la libération de l’Algérie de la colonisation française.

As a reminder, our country helped our Algerian friends fight colonialism and was among the first to recognise the independence of Algeria. It contributed to the development of Algerian statehood and the strengthening of the young republic’s position in the international arena.

http://en.kremlin.ru/events/president/news/71437

La délégation de l’Algérie aime à s’entendre rappeler sa victoire contre le colonialisme et la Russie cultive cette histoire qui lui permet de séduire aujourd’hui Alger et, hier, la délégation africaine venue proposer un plan de paix entre l’Ukraine et la Russie. Il n’est pas sûr qu’ils puissent véritablement aider Moscou dans ses guerres de conquêtes, ni militairement ni, encore moins, financièrement mais ils remontent le moral du président russe qui, manifestement, nageait dans un bain de jouvence ces derniers jours à Saint-Pétersbourg.

Le président Tebboune a poursuivi ses hommages déférents à son « ami » Poutine tout au long de son séjour :

We have almost agreed – even before we started the talks – on all items related to the international situation, a very tense situation, as you know. It is necessary to accelerate the process of Algeria joining the BRICS group so that we no longer accept dollars and euros. This will be to Algeria’s benefit. God grant!

Where the Sahel region is concerned, we support relations between Mali and the Russian Federation. Mali neighbours our country. We should negotiate and discuss all issues under any circumstances. We have an instrument known as the Algiers Agreement.

http://en.kremlin.ru/events/president/news/71436

La prise de position des dirigeants africains en faveur de Moscou, même symbolique, laissera des traces. Reste à savoir maintenant si les flux migratoires se réorienteront vers la Russie plutôt que vers l’Europe ou les Etats-Unis. Les peuples voteront ainsi avec leurs pieds et soutiendront, ou pas, les manifestations d’effusion de leurs dirigeants. L’avenir dira aussi sous peu si les exportations algériennes seront désormais libellées en monnaie russe ou chinoise. C’est techniquement possible, il suffit de le décider. Ce qui est sûr c’est qu’elles ne pourront pas l’être en dinars algériens, cette devise n’étant ni convertible ni transférable pour le moment.

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Les pays africains en délégation pour la paix en Ukraine

La Chine qui a effectué une navette entre Kiev, Moscou et quelques pays européens sur la base de son initiative pour un « règlement politique de la crise ukrainienne » de février 2023. Il a été aimablement reçu par tout le monde. Alors qu’il séjournait dans la capitale ukrainienne une salve de missiles russes s’est abattue sur la ville dans la nuit du 17 au 18 mai, lui faisant vivre de près les affres de la guerre. On n’a pas connaissance de conclusions écrites de ce voyage diplomatique sinon une intervention télévisée dans laquelle il se prononce pour un arrêt des fournitures d’armes aux belligérants, ce qui revient bien sûr à la victoire de la Russie puisque l’Ukraine est très majoritairement dépendante pour ses armes des livraisons occidentales. On ne précise d’ailleurs jamais si ces matériels sont donnés ou vendus à l’Ukraine.

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C’est aujourd’hui une délégation de responsables africains, menée par le président sud-africain Cyril Ramaphosa qui essaye de faire bouger les lignes. Outre le Sud-africain, elle est composée des présidents du Sénégal, de la Zambie et des Comores (en tant que président de l’Union africaine), du premier ministre égyptien et de représentants du Congo et de l’Ouganda. De passage à Kiev, ils ont proposé, notamment, de lever les poursuites lancées contre le président russe, ce qui a été mal perçu… A Moscou où ils ont été reçus en majesté, ils ont rappelé le principe de « souveraineté telle que reconnue par l’ONU ». Outre leur volonté de désescalade, partagée par tout le monde sauf par les belligérants, ils ont surtout en ligne de mire les effets néfastes de la guerre sur le marché des céréales, dont ils souffrent en tout premier lieu.

Dans son discours d’introduction, le président russe a précisé :

Let me stress once again that we are open to constructive dialogue with everyone who wants peace to be achieved based on the principles of justice and consideration of the legitimate interests of the parties.

http://en.kremlin.ru/events/president/news/71451

A la différence de la Chine, peut-être produiront-ils un document qui permettra d’en savoir plus sur leurs propositions, au-delà de ces échanges de salon. Malgré la gravité de la situation, les dirigeants de ces anciennes colonies du Royaume-Uni, de la France, de la Belgique, des Pays-Bas… ont du mal à cacher une certaine forme de jubilation à paraître aider l’Occident à se sortir du mauvais pas dans lequel le met l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Ils s’en remettent pour l’instant à la Russie et nombre d’entre eux ont déjà renforcé leur coopération militaire et civile avec Moscou et mis fin à leurs anciennes et historiques coopérations, parfois avec perte et fracas comme pour la France au Mali. Les pays africains sont légitimes à faire ainsi, d’autant plus que la coopération avec leurs anciennes puissances colonisatrices n’a pas toujours donné tous les résultats attendus, c’est le moins que l’on puisse dire. Dans quelques années ils seront ainsi en mesure de pouvoir comparer les avantages et inconvénients de chaque partenariat.

Le rejet de l’ancien colon par les pays africains a souvent été sous-estimé. Il se révèle aujourd’hui en pleine lumière et voit d’anciens pays colonisés opter clairement pour une puissance dont les comportements en termes de domination d’autres pays n’est pas exempt de reproches mais c’est aussi un retour vers le successeur de l’Union soviétique qui a soutenu dans les années 1960-1970 les combats « révolutionnaires » de certains pays africains, le tout dans la fiction du « non-alignement ». La roue tourne et cette guerre d’Ukraine déclenche un bouleversement des alliances et un isolement de l’Occident. Est-ce que le ralliement de l’Afrique à Moscou est un véritable problème pour l’Occident ? Sans doute pas mais l’avenir le dira !

Destruction du barrage de Kakhovka en Ukraine : la guerre fait des ravages, c’est son rôle

Le barrage de Kakhovka en Ukraine sur le fleuve Dniepr a été détruit ce 6 juin. Il est situé juste sur la ligne de front entre les Ukrainiens et les Russes. Il était occupé par les forces russes, et ce qui en reste l’est toujours. L’inondation qui s’ensuit ravage des milliers de kilomètres carrés et entraîne l’évacuation de milliers d’habitants. On ne connaît pas encore le nombre de victimes et on ne sait pas qui a procédé à cette destruction, des Russes ou des Ukrainiens.

Les plateaux télévisés européens désignent la Russie responsable mais le silence des autorités occidentales est troublant, il l’est tout autant pour ce qui concerne la responsabilité de la destruction des deux gazoducs Nord Stream dans le fond de la mer Baltique en septembre 2022. On sait que les deux parties sont capables d’exécuter de tels actes et on est capable de démontrer que chaque côté pouvait avoir intérêt à ces destructions et vice-versa. L’avenir dira bien un jour qui a ordonné et réalisé ces destructions.

En attendant on constate que cette guerre joue le rôle habituel fixé à une guerre : la destruction des hommes et des matériels. C’est la raison pour laquelle il faut y mettre fin avant que l’on en perde complètement le contrôle et que le chaos soit total en Europe. Il est indéniable que le mieux aurait été de ne pas la commencer. Personne ne semblait vraiment croire à cette hypothèse jusqu’à quelques semaines avant qu’elle ne soit déclenchée, mais l’invasion a bien été lancée par la Russie qui occupe aujourd’hui une partie de l’Est de l’Ukraine. Aucune des parties ne souhaite aujourd’hui mettre fin à cette guerre puisque chacune espère encore améliorer ses positions.

Arrêter la guerre maintenant voudrait dire accepter la partition du territoire ukrainien et l’acceptation du fait accompli de la conquête russe au détriment du concept de « droit international » sur lequel est basée l’organisation du monde depuis 1945 mais que ne reconnaissent désormais plus nombre de pays. L’ouverture de négociations avec Moscou serait une décision difficile à prendre, dont personne ne peut aujourd’hui anticiper les effets politiques internationaux qui seraient peut-être moins lourds que les inconvénients générés par la poursuite de la guerre, ou peut-être pas…

Evidemment, les deux parties sont en principe déjà allés trop loin pour arrêter mais il faut pourtant l’envisager puisqu’aucune d’entre elles ne semble devoir écraser l’autre à court terme. Ce serait pourtant une position raisonnable. Imaginons un instant une victoire totale de l’Ukraine, elle serait suivie d’un chaos probablement dévastateur en Russie aux conséquences mondiales imprévisibles, et de règlements de compte sévères en Ukraine puisqu’une partie de la population de l’Est est pro-russe. A l’inverse, une victoire totale de Moscou verrait les troupes russes stationnées directement à la frontière est de l’Europe, un peu comme à Berlin avant la chute du mur, et l’Occident perdre sérieusement la face et donc de sa puissance, et le droit international définitivement enterré.

Les accords de Minsk, hélas jamais appliqués par les parties, prévoyaient déjà d’octroyer une autonomie constitutionnelle aux régions ukrainiennes de Donetsk et de Lougansk. Pourquoi ne pas envisager de repartir sur une base similaire, en y ajoutant la Crimée, susceptible de prendre en compte la volonté des Ukrainiens prorusses. Un processus de consultation sous contrôle international des populations locales du style de celui qui aboutit à la partition du Soudan avec la création du Soudan du Sud en 2011, ou de celui mis en place par la France pour décoloniser la Nouvelle-Calédonie, pourrait permettre de faire s’exprimer de façon démocratique les populations locales sur leur volonté d’être rattachées à la Russie ou à l’Ukraine.

Evidemment, il faudrait pour ce faire détricoter l’annexion de ces régions par la Russie qui pourrait demander en échange de détricoter aussi les processus d’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne et à l’OTAN. Bien sûr le processus serait long, douloureux, semé d’embûches, entraînant des déplacements de population une fois le choix entériné. Mais peut-être faut-il tenter l’expérience plutôt que de continuer à détruire.

Le parallèle avec les accords de Munich de 1938 qui entérinèrent l’annexion des Sudètes (en Tchécoslovaquie où vivait une forte minorité d’origine allemande) par l’Allemagne nazie, sans éviter finalement la seconde guerre mondiale, est troublant. L’alternative à l’époque aurait été que les alliés entrent en guerre contre l’Allemagne dès 1938, et les Etats-Unis étaient loin d’y être prêts en 1938… Pas sûr que la suite aurait été fondamentalement différente. Aujourd’hui l’Occident, représenté par l’OTAN, a clairement énoncé son refus d’engager des soldats sur le terrain ukrainien pour éviter une confrontation directe avec l’armée se la Russie dotée de la puissance nucléaire. Ce choix se défend.

En tout état de cause, la Russie est et restera une puissance malfaisante pour l’Occident, et vice-versa, qu’elle que soit l’issue de la guerre. Après les espoirs déçus d’intégration de la Russie au système international post-perestroïka/glasnost de la fin des années 1980, l’Occident sait de quoi est capable ce pays rongé par ses ambitions de puissance et ses frustrations post-Empire soviétique. Il se réorganise en conséquence et réarme de façon significative pour parer à toute aventure militaire de Moscou contre son propre territoire, quitte à reconstruire un mur, fictif ou réel, entre la frontière russe, quelle qu’elle sera à l’issue de potentielles négociations, et l’Occident.

Alors que s’ouvre à Londres une deuxième conférence pour la reconstruction de l’Ukraine, on parle de plus de 400 milliards d’euros nécessaires à ce stade des destructions, il va bien falloir faire preuve à un moment ou un autre d’audace diplomatique et de sens de l’intérêt général. Qui en sera capable ?

Rehve-06/2023

Un avion russe bombarde Belgorod par erreur

A la suite d’une forte explosion à Belgorod le 20 avril qui a laissé un cratère de 20 mètres dans une rue de la ville et qui aurait fait deux blessés et d’importants dégâts matériels, l’armée russe a admis qu’il s’agissait d’une erreur technique :

Au cours du vol de l’avion Su-34 des forces aérospatiales au-dessus de la ville de Belgorod, une tombée anormale de munition d’aviation s’est produite.

Voilà qui laisse planer encore plus de doutes sur la compétence de l’armée russe après ses échecs répétés dans la guerre d’Ukraine. Alors que l’on croyait, avant ce conflit, que l’armée russe était redoutable, au dernier cri de la technologie, avec à sa disposition des armes redoutables et invincibles, on constate aujourd’hui que ce n’est pas le cas et, qu’en plus, elle est mal dirigée. Cela fait penser à l’armée irakienne qui était présentée comme « la quatrième armée du monde » lors de son invasion du Koweït en 1990 et qui fut assez rapidement renvoyée dans ses frontières par la coalition internationale menée par les Etats-Unis d’Amérique.

C’est évidemment une nouvelle rassurante pour l’Occident de voir l’armée ex-soviétique en sérieuses difficultés face aux armes occidentales livrées à l’Ukraine. La capacité de nuisance de Moscou reste très forte même avec une armée limitée et elle se traduit de façon douloureuse actuellement pour l’Ukraine.

Il ne faut toutefois pas s’endormir sur ses lauriers. Il est à craindre qu’à l’issue de cette guerre, la Russie de demain ne réagisse et tire les enseignements de ses insuffisances pour tenter de reconstituer une armée à la hauteur de ses ambitions. La véritable question est de savoir si un régime autoritaire comme celui de Moscou est capable de motiver et diriger une armée qui devrait être aux ordres de dirigeants politiques ? Depuis février 2022 et le lancement de l’invasion russe on voit une véritable valse des généraux à l’état-major qui sont changés tous les quatre matins, sans même avoir le temps d’assoir leur commandement sur des troupes à la dérive où se mêlent des mercenaires, des appelés et des professionnels.

Toutefois, si l’Occident constate sa supériorité technologique en matière militaire, il déplore le désarmement général par lequel il s’est laissé séduire et qui a vu les budgets militaires européens baisser drastiquement, au point que les stocks de munition sont largement insuffisants pour fournir l’Ukraine. L’un des effets collatéraux de cette guerre est d’avoir fait prendre conscience à l’Europe de cette dérive. Le réarmement est général à l’Ouest mais il faudra quelques années avant qu’il ne produise pleinement ses effets.

Avec cette guerre le monde est véritablement rentré dans une sérieuse période d’incertitude.

L’ancien président russe Medvedev toujours en pointe et en subtilité

Dans un tweet vengeur, l’ancien président russe Medvedev règle ses comptes avec le droit international suite au lancement de mandats d’arrêt par la Cour pénale internationale (CPI) contre le président russe en poste, M. Poutine, et Mme. Maria Lvova-Belovasa, Commissaire aux droits de l’enfant au sein du Cabinet du Président. Tous deux sont accusés « du crime de guerre de déportation illégale de population (enfants) et du crime de guerre de transfert illégal de population (enfants), et ce, de certaines zones occupées de l’Ukraine vers la Fédération de Russie (au sens des articles 8-2-a-vii et 8-2-b-viii du Statut de Rome). »

Lire aussi : https://www.icc-cpi.int/fr/news/situation-en-ukraine-les-juges-de-la-cpi-delivrent-des-mandats-darret-contre-vladimir

Il a été effectivement documenté des transferts d’enfants ukrainiens vers la Russie, officiellement pour sauver des orphelins des horreurs de la guerre. Moscou s’en est d’ailleurs officiellement enorgueillit mais il s’avère que nombre de ces enfants ne seraient pas du tout orphelins et que leurs parents ont été trompés. Il s’agirait de familles résidant dans les territoires ukrainiens occupés par les Russes à qui les autorités d’occupation auraient annoncé que leurs enfants partaient en vacances en Crimée pour quelques semaines. Ces gamins n’auraient pas été renvoyés en Ukraine à l’issue de leur séjour et seraient en voie de russification : changement de nom, attribution d’un passeport russe, inscription dans les écoles russes et processus accéléré de naturalisation adopté via un décret signé par le président russe le 30 mai dernier.

Pour « régler » ce problème, M. Medvedev propose d’envoyer un missile hypersonique sur La Haye où se trouve le siège de la CPI :

Les juges de la CPI étaient inutilement agités. Regardez, disent-ils, nous sommes courageux, nous n’avons pas osé lever la main contre la plus grande puissance nucléaire. Hélas, messieurs, tout le monde marche sous Dieu et les fusées. Il est tout à fait possible d’imaginer l’application ponctuelle d’un transporteur hypersonique de la mer du Nord d’un navire russe au palais de justice de La Haye.

Traduction Microsoft du Medvedev complet

Il y a eu un effondrement final du système de droit international On l’admet : il n’était pas très efficace avant. Surtout ses institutions internationales.

La Société des Nations s’est effondrée, l’URSS songeait à se retirer de l’ONU, les conventions et autres actes internationaux sont adoptés aujourd’hui avec difficulté, il y a un parti pris complet et un diktat d’un groupe de pays anglo-saxons.

Mais le principal défaut du système de droit international public est son inefficacité. Les pays ne veulent pas mettre en œuvre les actes biaisés de l’Assemblée générale des Nations Unies, opposer leur veto aux décisions du Conseil de sécurité de l’ONU, quitter diverses institutions de l’ONU. La raison en est leur injustice, qui est basée sur l’inadmissibilité de la coercition par un groupe de pays souverains des mêmes États souverains. POUR PAR IN PAREM NON HABET IMPERIUM. L’égal n’a aucun pouvoir sur l’égal.

Prenons cette CPI stupide et inutile, créée sur la base du Statut de Rome, à laquelle les plus grands États n’ont pas adhéré. Qui a-t-il tenu responsable ?

Trois douzaines d’inconnus. Le président soudanais a craché sur ces accusations et, malgré un coup d’État militaire dans le pays, n’est pas disponible pour la « justice ». Le reste ne vaut pas la peine d’être mentionné du tout. En d’autres termes, l’efficacité de leurs activités est nulle. Il ne s’agit pas de tribunaux ad hoc de Nuremberg et de Tokyo. Ou même le douteux Tribunal pour l’ex-Yougoslavie. C’est compréhensible.

Après tout, il est possible de juger un pays et ses dirigeants dans deux cas: 1) lorsque le pays lui-même est extrêmement affaibli, a presque perdu sa souveraineté et a décidé de reconnaître le jugement de lui-même; 2) lorsque le pays a perdu la guerre et s’est rendu. C’est impossible autrement. Et tout le monde le comprend. Soit dit en passant, l’épisode le plus discréditant, qui a tué l’autorité déjà presque nulle de la Cour, est associé aux crimes américains en Afghanistan et en Irak. Le tribunal était complètement dérangé et ne pouvait rien faire. De toute évidence, le cri puissant des États-Unis selon lequel nous, disent-ils, n’avons pas du tout ratifié le Statut de Rome, fuck off pigmies, a provoqué une envie animale parmi les juges de répondre à des besoins naturels qui ne sont pas liés à la justice.

Et puis ils ont décidé de juger le président d’une autre puissance nucléaire qui ne participe pas à la CPI pour les mêmes raisons que les États-Unis et d’autres pays. De toute évidence, l’introduction la plus difficile possible est venue du même Pindostan. Il est clair qu’il n’y a pas de valeur pratique, mais merci de vous en souvenir.

Mais les conséquences pour le droit international seront monstrueuses. Après tout, c’est l’effondrement des fondations, des principes du droit. Y compris des postulats sur l’inévitabilité de la responsabilité. Maintenant, personne n’ira dans les organismes internationaux, tout le monde sera d’accord entre eux. Toutes les décisions stupides de l’ONU et d’autres structures vont éclater. Un sombre coucher de soleil de tout le système des relations internationales approche. La confiance est épuisée.

Encore une chose. Les juges de la CPI étaient inutilement agités. Regardez, disent-ils, nous sommes courageux, nous n’avons pas osé lever la main contre la plus grande puissance nucléaire. Hélas, messieurs, tout le monde marche sous Dieu et les fusées. Il est tout à fait possible d’imaginer l’application ponctuelle d’un transporteur hypersonique de la mer du Nord d’un navire russe au palais de justice de La Haye. Il ne peut pas être abattu, hélas. Et la Cour n’est qu’une organisation internationale misérable, pas la population d’un pays de l’OTAN. Par conséquent, la guerre ne sera pas commencée. Ils auront peur. Et personne ne le regrettera. Alors, citoyens juges, regardez attentivement le ciel…

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de SAINT PIERRE Michel, ‘Le drame des Romanov 1/3’.

Michel de Saint Pierre (1916-1987) fut un écrivain prolifique de XXème siècle, ancien résistant, plutôt conservateur, un peu « catho-tradi », un peu « Algérie française », anti-communiste féroce, presque tombé aux oubliettes de la littérature. Il n’en demeure pas moins l’auteur de nombreux romans, essais, dont on a parlé à l’époque. Le « Drame des Romanov » n’est sans doute pas un livre historique au sens scientifique du terme mais le récit d’un écrivain passionné par la Russie et fasciné par le destin tragique de cette famille de tsars qui l’a dirigée d’un main de fer.

Ce premier tome part de l’avènement de la dynastie Romanov jusqu’à la victoire de la Russie, emmenée par le tsar Alexandre 1er, contre Napoléon. Ivan IV le Terrible puis Boris Godounov de la dynastie de Rurik ont fondé l’Etat russe entre 1547 et 1605 avant de passer la main au premier Romanov après le rocambolesque épisode du « faux Dimitri » qui se faisait passer pour le fils d’Ivan le Terrible. Une fois Dimitri assassiné, la voie était libre pour Mikhail, le premier tsar Romanov de 1613 à 1645. Alexis, Féodor et la régente Sophie précédèrent l’arrivée de Pierre 1er (dit « Pierre le Grand »), tsar de 1689 jusqu’à sa mort au pouvoir en 1725.

Pierre le Grand va agrandir l’empire russe vers la mer d’Azov, la mer Baltique, le moderniser, créer ce qui est devenu Saint-Pétersbourg, mener moulte guerres (victoires et défaites contre la Suède et l’empire Ottoman notamment), ouvrir le pays à l’extérieur, soumettre le pays à la religion orthodoxe, voyager en Occident, écraser des rébellions intérieures, ouvert un conflit avec son fils Alexis qui se terminera par la condamnation à mort de celui-ci après de sévères tortures. Saint Pierre note que « La Russie de Pierre le Grand n’a que deux ennemis au monde : l’athéisme et l’Asie ».

« Les grands Empires ne sauraient se passer de ports de mer : ce sont les artères qui font battre le cœur d’un Etat de façon plus saine et régulière »

Pierre 1er

A sa mort c’est sa seconde femme qui hérite du poste sous le nom de Catherine 1ère pour deux années (1725-1727), puis Pierre II prend la relève, puis Anne 1ère, puis Ivan VI et, enfin, Elisabeth qui laisse la place à Pierre III « le tsar fou », petit-fils de Pierre 1er, pour quelques mois de 1762 avant de mourir assassiné dans un complot ourdi par sa femme, qui deviendra Catherine II, et déclara : « Il était le premier à conspirer contre lui-même« .

Il laisse donc la place à son épouse qui fut surnommée « la Grande Catherine » de 1762 à 1796. Elle était prussienne sans une goutte de sang slave et dut se convertir à la religion orthodoxe pour épouser Pierre III. Elle agrandit considérablement l’empire en dépouillant la Pologne (déjà) avec la Prusse et l’Autriche et une partie de l’empire Ottoman (encore). Catherine, féminine et philosophe, va innover pour son pays d’adoption en matières juridiques, législatives et institutionnelles, multiplier les amants qu’elle place aux postes du pouvoir, correspondre avec Voltaire, investir dans l’éducation, le tout dans le cadre de l’autocratie et du « droit divin ».

Son fils Paul lui succède pour un bref règne qui se termine en 1801. Il est détesté par sa mère et accusé d’être trop proche de la Prusse. Il est assassiné à l’issue d’un complot comme la Russie sait en provoquer. Alexandre 1er, petit-fils de Catherine II, prend alors le pouvoir et son règne va être marqué par l’affrontement avec Napoléon.

Les deux autocrates vont à la fois se séduire et se faire la guerre. Celle-ci se terminera par la retraite de Russie, crépuscule de l’empire napoléonien. Alexandre 1er est alors considéré en Europe comme le vainqueur de l’empire français ce qui donne un poids considérable à la Russie. Ses troupes sont entrées dans Paris en 1814 avec Alexandre à leur tête. Un triomphe !

L’agrandissement de l’empire initié avec constance par ses prédécesseurs reste son but et il participe en personne au congrès de Vienne de 1815 qui redéfinit l’Europe après la défaite française de Waterloo. Autocrate éclairé il tente de remettre en cause le statut du serf qui pèse encore sur le monde rural russe et participe au maintien d’une écrasante inégalité dans la population, sans doute bien au-delà de celle régnant dans les pays d’Europe. Il y renonce finalement devant le poids de l’inertie générale et des intérêts de la noblesse. Il maintient son pays sous contrôle policier, s’égare dans des crises mystiques, et rend l’âme fin 1825, laissant la Sainte Russie au summum de sa gloire.

En 1825 l’empire est devenue l’un des plus importants fournisseurs de produits agricoles et de matières premières sur les marché mondiaux mais le régime reste moyenâgeux et le pays est tellement immense qu’il est impossible à gérer et à moderniser. La révolution est déjà passée en France, elle rôde en Russie où le régime impérial échoue à se réformer.

Lire aussi :
de SAINT PIERRE Michel, ‘Le drame des Romanov 1/3’.
de SAINT PIERRE Michel, ‘Le drame des Romanov 2/3 « La menace »‘
de SAINT PIERRE Michel, ‘Le drame des Romanov 3/3 « La Chute »‘

Le Mali franchit le Rubicon à l’ONU

L’assemblée générale des Nations Unies (ONU) a voté ce 23 février une résolution demandant le retrait des troupes russes de l’Ukraine. 141 sur des 193 Etats membres se sont prononcés :

  • 7 ont voté contre – Russie, Biélorussie, Syrie, Corée du Nord, Mali, Nicaragua, Erythrée
  • 32 se sont abstenus, dont la Chine, l’Inde, l’Afrique du Sud
  • Et donc 102 ont voté pour

Cette résolution mentionne qu’elle « exige de nouveau que la Fédération de Russie retire immédiatement, complètement et sans condition toutes ses forces militaires du territoire ukrainien à l’intérieur des frontières internationalement reconnues du pays, et appelle à une cessation des hostilités » (https://news.un.org/fr/story/2023/02/1132607)

Le délégué russe s’est exprimé au cours du débat précédant le vote pour rappeler la position de son pays, c’est-à-dire celle d’une « guerre contre l’Occident pour la survie, pour l’avenir de notre pays et de nos enfants, et pour notre identité » et celle de « la renaissance du néo-nazisme en Ukraine et la glorification de criminels du nazisme » qui justifierait aussi le combat russe.

Rien de nouveau à ce stade, une partie de ce que dit la Russie, avec excès bien entendu, n’est d’ailleurs pas tout à fait inexact mais son péché originel restera d’avoir déclenché la guerre et que son armée et ses milices se comportent sur le terrain comme des forbans sans foi ni loi ce qui, vu de « l’Ouest collectif », est contraire au droit international, mais pour les pays qui la soutiennent et ceux qui se sont abstenus (c’est à dire la majorité de la population de la planète) est un mode de gouvernance « normal ». Là est le souci de l’Occident : il est minoritaire en nombre mais semble néanmoins présenter quelque intérêt pour tous ces autocrates et oligarques qui investissent massivement en Occident et envoient leurs enfants dans les universités américaines. La vraie question serait de comprendre pourquoi un oligarque russe dépense des dizaines de millions pour acquérir des villas de nabab à Saint-Jean Cap-Ferrat plutôt que sur les bords de Mer Noire ? Pourquoi un milliardaire chinois rachète à grand frais des vignes dans le Bordelais plutôt que de se lancer la viticulture dans son pays d’origine ?

L’attractivité de « l’Ouest collectif » pour ces régimes autoritaires, dits par fois « illibéraux », reste forte. La guerre d’Ukraine va probablement rebattre les cartes. Déjà les oligarques russes qui l’on put sont allés ancrer leurs yachts clinquants sur les bords de la Mer de Marmara ou dans le Golf persique. La mise sous sanctions occidentales d’un certain nombre de hiérarques russes va probablement leur faire mieux comprendre le concept de « risque politique » : quand on investit à l’étranger, cela peut rapporter plus mais on est aussi soumis aux potentielles humeurs du pays où l’on dépense ses sous, risque qui est moindre lorsqu’on investit chez soi où, cependant, existe un risque fiscal significatif. La Russie pourra toujours investir chez ses nouveaux amis mais il n’est pas sûr que le Mali ou le Nicaragua attisent véritablement l’appétit des investisseurs russes.

L’Histoire dira si l’Occident, même minoritaire au niveau « des valeurs » dans cette guerre d’Ukraine, reste néanmoins le leader en termes d’attractivité, d’innovation et de réussite économique ! En cela, cette guerre sauvage annonciatrice de révisions déchirantes pour le monde de demain, ou pas !

Déclaration du délégué russe

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a souligné qu’il y a un peu plus d’un an, « l’Ukraine et ses parrains occidentaux » ont convoqué la onzième session extraordinaire d’urgence de l’Assemblée générale des Nations Unies, ce qui a prêté à confusion pour de nombreux États. Depuis lors, de nombreux pays ont compris ce qui s’est passé et ce qui se passe, et le camp occidental a beaucoup plus de difficulté à mobiliser les États Membres de l’ONU en faveur de leur croisade contre la Russie, a-t-il dit. Ceci est également attesté « par un projet de résolution au rabais » qui sera mis aux voix, a relevé le représentant en le qualifiant de « texte antirusse et malveillant ». Il a rappelé que « le régime nationaliste criminel », qui est arrivé au pouvoir à Kiev grâce au soutien occidental par un coup d’État anticonstitutionnel, a mené une guerre sanglante contre les habitants du Donbass dont le seul défaut était qu’ils voulaient rester russes.

Le délégué a relevé que grâce aux révélations bien connues d’un certain nombre de dirigeants occidentaux à la retraite, il ne fait aucun doute que les accords de Minsk, approuvés par le Conseil de sécurité, avaient pour but de préparer l’Ukraine à une guerre contre la Russie. Toutes ces années, le « régime de Kiev » a poursuivi selon lui sa politique inhumaine de bombardement des villes pacifiques des républiques populaires de Donetsk et de Lougansk. Au vu des actes des Occidentaux en Ukraine, nous n’avions pas d’autre choix que de protéger la population du Donbass et assurer la sécurité de notre pays par des moyens militaires, a—t-il justifié. Il a exprimé les préoccupations russes de voir s’étendre l’infrastructure de l’OTAN jusqu’à ses frontières, alors que des déclarations « hypocrites » font croire que c’est la Russie qui est responsable de la destruction des systèmes de sécurité régionaux et mondiaux. Il a rappelé que fin 2021, la Russie avait pourtant avancé un certain nombre d’initiatives de désescalade et de renforcement de la confiance dans la zone euro-atlantique. Nous avons invité les États-Unis et l’OTAN à signer des accords de garanties de sécurité, a-t-il dit. Nous avons donné une chance à la diplomatie, a-t-il poursuivi, soulignant que ces propositions furent rejetées avec arrogance par les États-Unis et leurs alliés. Pourtant, si elles avaient été mises en œuvre, ces initiatives auraient permis d’éviter ce que nous voyons aujourd’hui, a-t-il regretté.

Le délégué a affirmé qu’un an après le début de la phase active de la crise ukrainienne, peu de gens doutent aujourd’hui du fait que la Russie n’est pas en guerre avec l’Ukraine, qui a gaspillé son potentiel militaire dans les premières semaines du conflit, mais plutôt avec « l’Ouest collectif » représenté par les États-Unis et leurs alliés de l’OTAN et de l’UE. Non seulement ils fournissent armes et munitions à Kiev, mais ils lui communiquent également des informations du renseignement et s’entendent sur des cibles pour les frappes de missiles. Il a dit que ces alliés ont abandonné toute pudeur et fixé un objectif : armer l’Ukraine, infliger une défaite stratégique à la Russie, puis la démembrer et la détruire. Au nom de cet objectif, a-t-il relevé, ils ont fermé les yeux en Occident, et les ferment encore maintenant, sur la renaissance du néo-nazisme en Ukraine et la glorification de criminels du nazisme. Il a ensuite évoqué l’hégémonie des États-Unis et de ses alliés qui ne veulent laisser personne gouverner la planète, parce qu’ils la considèrent comme la leur et seulement la leur.

Quant à notre pays, a expliqué le représentant, nous percevons tout cela comme une guerre contre l’Occident pour la survie, pour l’avenir de notre pays et de nos enfants, et pour notre identité. Une guerre dans laquelle, comme il y a 80 ans, nous avons été défiés par un ennemi insidieux et puissant qui voulait nous soumettre, a-t-il expliqué en évoquant des chars allemands à nouveau envoyés afin de tuer les Russes. Et l’Ukraine, dans tout ce schéma, n’est rien de plus qu’une monnaie d’échange, a-t-il analysé. Selon lui, le texte soumis par l’Ukraine ne contribuera pas à la paix, car il vise plutôt à encourager l’Occident dans ses actions, à donner à nos adversaires une raison de prétendre que la Russie est soi-disant isolée dans le monde. « Cela signifie continuer la ligne militariste russophobe, en se cachant derrière un prétendu soutien des États Membres de l’ONU. » De plus, dans les conditions où beaucoup d’entre vous font face à la pression la plus sévère et le chantage de Washington et ses alliés, a lancé le représentant à l’endroit des délégations, il faut soutenir les « amendements d’équilibrage » qui sont devant vous et qui ont été présentés par le Bélarus. Si ces derniers sont rejetés, alors le projet de la résolution restera tel qu’il est maintenant : unilatéral et dénué de toute réalité, a-t-il conclu.

Source : https://press.un.org/fr/2023/ag12491.doc.htm

Engels toujours là

A l’occasion d’un bombardement par un drone ukrainien sur une base aérienne russe pour bombardiers à long rayon d’action en décembre dernier on découvre que la base s’appelle « Engels » du nom du copain de Karl Marx. Au moins en Russie il n’y a pas de wokisme ni de déboulonnage des idoles !

La Russie vue par Michel de Saint Pierre en 1967

Relire l’essai de Michel de Saint Pierre (1916-1987) « Le drame des Romanov » est intéressant. Il fut un écrivain prolifique de XXème siècle, ancien résistant, plutôt conservateur, un peu « catho-tradi », un peu « Algérie française », anti-communiste féroce, tombé aux oubliettes depuis. Il n’en demeure pas moins l’auteur de nombre de romans, essais, dont on a parlé à l’époque. Le « Drame des Romanov » n’est sans doute pas un livre historique au sens scientifique du terme mais le récit d’un écrivain passionné par la Russie et fasciné par le destin tragique de cette famille de tsars qui l’a dirigée d’un main de fer.

Dans le premier chapitre, Saint Pierre trace un sentiment global de ce qu’est « l’âme russe » en citant certains auteurs russes. Certaines d’entre elles sont édifiantes à la lumière de la guerre d’Ukraine menée aujourd’hui par Moscou.

Le Russe a toujours besoin de dépasser la mesure, d’arriver au précipice, de se pencher sur le bord pour en explorer le fond et souvent même s’y jeter comme un fou. C’est le besoin de la négation chez l’homme le plus croyant, la négation de tout, la négation des sentiments les plus sacrés, de l’idéal le plus élevé, des choses les plus saintes de la patrie. Aux heures critiques de sa vie personnelle ou de sa vie nationale, le Russe de déclare avec une précipitation effrayante pour le bien ou pour le mal.

Dostoïevski (Journal d’un écrivain)

Une définition des Romanov :

Dans la maison des Romanov comme dans celle des Atrides une malédiction mystérieuse passe de génération en génération. Meurtre sur adultère, du sang sur de la boue, « le cinquième acte d’une tragédie jouée dans un lupanar », Pierre 1er tue son fils, Alexandre 1er tue son père, Catherine II tue son époux. Et, parmi ces victimes célèbres, les petits, les inconnus, les malheureux avortons de l’autocratie, dans le genre d’Ivan Antonovitch, étranglés comme des souris dans les recoins obscurs, dans les cachots de Schlusselbourg. Le billot, la corde, le poison, tels sont les vrais emblèmes de l’autocratie russe. L’onction de Dieu sur le front des tsars s’est transformée en la marque et la malédiction de Caïn.

Merejkowski (écrivain et critique littéraire russe 1865-1941)

La Russie, un empire nihiliste qui respecte ses traditions malgré le temps qui passe.

Les experts de plateaux télévisés

Coco/Charlie Hebdo (28/12/2022)

Dans la guerre d’Ukraine l’armée russe semble reprendre du poil de la bête. Alors que les « experts » de plateaux télévisés l’avait déjà enterrée après la contre-offensive ukrainienne plutôt victorieuse de l’été dernier, ils sont en train d’avaler leurs képis et, finalement, d’admettre du bout des lèvres que la soldatesque russe dispose encore d’une certaine capacité de nuisance contre l’Ukraine et l’Occident. Outre l’inquiétude de voir cette guerre encore perdurer, cela pose la question de la crédibilité de la presse télévisuelle française quasi-unanimement pro-ukrainienne et antirusse. Les généraux en retraite qui peuplent les plateaux, experts d’un jour à fort égo, généralement formés à l’ombre de la guerre froide et de l’anticommunisme, dévident à longueur de programmes des banalités et des certitudes sur les sujets militaires pour lesquels ils ne sont évidemment pas dans le secret des opérations.

D’une façon plus générale il est des sujets qu’il ne fait pas bon aborder en ce moment sous peine d’être taxé d’être un « munichois », un défaitiste voire un traître. L’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne qui va entraîner des révisions déchirantes pour les pays fondateurs, la cohabitation future avec une Russie génétiquement anti-occidentale, les coûts de la reconstruction qui vont s’accroissant à chaque jour de guerre qui passe, les accords de Minsk qui n’ont jamais été appliqués par les parties mais qui restent probablement un bon plan de départ pour une future négociation, la volonté occidentale d’éviter de mettre les doigts dans une guerre directe avec la Russie pour éviter une guerre mondiale… tous ces sujets sont globalement interdits pour le moment. Ils reviendront sur le devant de la scène forcément un jour.

En attendant la guerre continue et les experts de plateaux télévisés n’ont guère de solution à proposer si ce n’est la victoire militaire totale de Kiev qu’ils estiment, dans la phrase suivante, peu probable. Quelques voix plus politiques, comme celles de l’ex-ambassadeur Araud ou l’ancien ministre Lelouche écrivent des articles pour dire qu’il est temps maintenant de parler paix pour arrêter une guerre ravageuse initiée par le clan au pouvoir au Kremlin, et même envisager des compromis pour ce faire avec l’éternel ennemi : la Russie. Ils sont plutôt ostracisés, voire insultés, sur les plateaux d’experts qui certifiaient encore il y a deux mois que la Russie avait perdu la guerre.

Malgré tout il faut bien arrêter cette guerre qui dévaste les hommes… et les budgets. Le concept d’’autodétermination des peuples pourrait être mis en œuvre pour les régions contestées dans un cadre légal international comme proposition pur mettre fin aux hostilités ? Le modèle appliqué par la France en Nouvelle Calédonie pourrait être un exemple à suivre. Quelle que l’issue de la guerre d’Ukraine, la Russie restera une puissance maléfique qui n’aime pas l’Occident. Il faudra en tenir compte pour quelques siècles dans le futur avant, peut-être, de pouvoir une relation « normale » entre voisins.

Le martyr de Moscou

https://t.me/varlamov_news/38074

Le président russe a présenté ses vœux à son pays devant un parterre de militaires sous la forme d’une litanie auto-justificatrice de la guerre d’Ukraine entamée par la Russie le 24/02/2022. Il s’étend sur l’agression dont la Russie serait victime de la part de l’Occident qui « encourage les néo-nazis ukrainiens » et rend hommage à l’héroïsme des combattants russes qui aurait la morale de leur côté :

L’essentiel est le sort de la Russie. La défense de la patrie est notre devoir sacré envers nos ancêtres et nos descendants. La droiture morale et historique est de notre côté.

Cette envolée venant du premier dirigeant du plus grand pays de la planète Terre qui a déclaré une guerre pour envahir son voisin, a déjà annexé unilatéralement une partie du territoire de ce dernier et dont l’armée et ses supplétifs se distinguent depuis lors par ses actes de violence et de barbarie dans les territoires qu’ils occupent et via les bombardements réguliers sur des infrastructures du reste de l’Ukraine, ne manque pas d’ironie.

Probablement croit-il sincèrement à ce qu’il assène. Sans doute le peuple russe qui n’a guère de considération pour ses « frères » ukrainiens est tout prêt à avaler cette fable de la « droiture morale ». Le mieux aurait été sans aucun doute pour la Russie, l’Ukraine et le reste de la planète, que Moscou reste tranquillement à l’intérieur de ses frontières reconnues par le droit international et consacre toute sa belle énergie à développer son pays plutôt que d’aller chercher noise à ses voisins.

TRADUCTION Microsoft

Poutine a prononcé un discours du Nouvel An :

• « Ce fut une année de décisions difficiles et nécessaires, les étapes les plus importantes vers l’acquisition de la pleine souveraineté de la Russie et la puissante consolidation de notre société. Ce fut une année qui a beaucoup mis à sa place, séparant clairement le courage et l’héroïsme de la trahison et de la lâcheté. Il a montré qu’il n’y a pas de pouvoir plus élevé que l’amour pour ses parents et amis, la loyauté envers les amis et les compagnons d’armes, le dévouement à sa patrie.

• « Ce fut une année d’événements vraiment cruciaux et fatidiques. Ils sont devenus la frontière qui jette les bases de notre avenir commun, de notre véritable indépendance. C’est ce pour quoi nous nous battons aujourd’hui, en protégeant notre peuple dans nos propres territoires historiques, les nouvelles régions de la Fédération de Russie.

• « L’essentiel est le sort de la Russie. La défense de la patrie est notre devoir sacré envers nos ancêtres et nos descendants. La droiture morale et historique est de notre côté. »

Pendant des années, les élites occidentales nous ont hypocritement assurés de leurs intentions pacifiques, y compris la résolution du grave conflit dans le Donbass. En fait, ils ont encouragé les néo-nazis de toutes les manières possibles, qui ont continué à mener des actions militaires ouvertement terroristes contre des citoyens pacifiques des républiques populaires du Donbass. L’Occident a menti sur la paix et se préparait à l’agression. »

« Ils [les combattants morts] ont donné leur vie pour protéger la vie des autres. Je comprends à quel point il est difficile maintenant le soir du Nouvel An pour leurs femmes, leurs fils, leurs filles, leurs parents, qui ont élevé de vrais héros. Nous ferons tout notre possible pour aider les familles de nos camarades tombés au combat, élever leurs enfants, leur donner une éducation décente, trouver un métier. De tout mon cœur, je partage votre douleur et je vous demande d’accepter des paroles sincères de soutien. »

• « Ensemble, nous surmonterons toutes les difficultés et garderons notre pays grand et indépendant, nous n’irons qu’à l’avant, à gagner pour le bien de nos familles et pour le bien de la Russie, pour le bien de l’avenir de notre seule patrie bien-aimée. Bonne année, chers amis. »

La Russie s’enfonce dans une logique guerrière sans retour

Pendant qu’une compétition mondiale de fouteballe bat son plein dans le Golfe Persique au point que le président de la République française estime nécessaire de se déplacer à Doha mercredi prochain aux frais des contribuables (n’a-t-il rien de mieux à faire à Paris ?), la guerre d’Ukraine dérive vers une nouvelle tactique russe visant à détruire les infrastructures publiques pour nuire à la vie quotidienne des civils en espérant qu’ils pousseront leur gouvernement à compromettre avec l’ennemi russe. A défaut de victoires militaires nettes sur le terrain, le conflit se transforme en guerre de tranchées sans issue nette prévisible à court terme. Les destructions causées par Moscou rendent difficiles la vie des civils ukrainiens, souvent privés d’alimentation électrique et d’eau potable alors que l’hiver, plutôt rude dans ces contrées, arrive. L’armée ukrainienne commence de son côté à bombarder le territoire russe, se limitant pour le moment aux cibles militaires, mais pour combien de temps ?

A chaque fois que l’armée russe est poussée en dehors des territoires qu’elle a occupés depuis le déclenchement de cette « opération militaire spéciale » on découvre l’ampleur des exactions qu’elle a commises contre les populations civiles antirusses : salles de torture, viols, déplacements de populations… bref tous les sévices qui sont le lot habituel des armées de forbans dirigés par des dirigeants politiques sans états d’âme. Le président russe a même poussé le bouchon jusqu’à décorer les unités a priori exécutantes des crimes de guerre découverts à Boutcha qui fut la première ville reconquise par l’armée ukrainienne où fut révélé au grand jour le niveau de sauvagerie de l’occupation.

Alors se pose toujours la lancinante question de savoir comment et pourquoi la Russie a pu en arriver à s’enferrer dans une situation guerrière désormais inextricable ? Les deux pays sont soi-disant « frères » mais Kiev lorgnait vers l’Ouest en voulant manifestement s’émanciper de Moscou et de ses pratiques soviétiques d’un autre âge. C’en était trop pour la Russie. L’Occident a évidemment sous-estimé la puissance de la haine et du rejet qu’il inspirait au plus grand pays de la planète. Malgré les exemples soviétiques d’invasions des « pays frères » au cours de la seconde moitié du XXème siècle : Allemagne de l’est (1953), Hongrie (1956), Tchécoslovaquie (1968), Afghanistan (1979), l’aide à la répression en Pologne lors de la contestation menée par Solidarnosc (1981) ; malgré les exemples d’invasion de la Fédération de Russie : Transnistrie (1990), Géorgie (2008), Crimée (2014), l’aide à la répression en Syrie depuis le déclenchement de la guerre civile en 2011, sans parler des guerres civiles de Tchétchénie interne à la Fédération en 1994 et 1999… malgré tous ces évènements violents et mortifères l’Occident a toujours espéré convaincre la Russie d’adopter le droit international et le mode de vie de ses démocraties, amadouer l’ours russe pour qu’il se concentre sur son développement intérieur plutôt que de vouloir encore agrandir son territoire qui est déjà le plus vaste de la planète. C’est un échec, incompréhensible vu de l’Ouest, mais un désastre bien réel.

On s’est souvent demandé comment la patrie de Goethe et de Brahms a pu engendrer la barbarie nazie. On s’interroge de même aujourd’hui sur le pays de Dostoïevski et de Chostakovitch qui préfère envahir ses voisins à la recherche d’un illusoire retour à la puissance, plutôt que de gérer sa population répartie sur son vaste territoire en bon père de famille. L’affrontement militaire plutôt que la lutte par le développement économique et culturel, c’est un combat de géants dont l’issue est encore improbable mais qui, quelle qu’elle soit, laissera les combattants et leurs soutiens sur le flanc, face à des générations pétries de haines respectives qui devront payer pour reconstruire ce qui a été détruit par le fait de la bêtise des hommes et qui ne résoudra pas la question existentielle de la Russie : pourquoi la très grande majorité des « pays frères » cherche à s’éloigner d’elle pour se rapprocher de l’Occident ? Un peu d’introspection sur ce sujet serait probablement bienvenu à Moscou…

La Russie bombarde

Riss / Charlie Hebdo (11/05/2022)

Avec constance les experts militaires de plateaux télévisés, généralement des militaires en retraite ou des journalistes abonnés à « Air & Cosmos », prédisent la fin des stocks de missiles russes. Avec la même régularité ils sont démentis par les faits et des pluies de nouveaux missiles s’abattent sur l’Ukraine, de façon particulièrement intense après chaque revers de l’armée russe sur le terrain. La tactique russe est de détruire les infrastructures d’eau et d’électricité afin de pourrir la vie des civils ukrainiens. Quelques bombes tombent aussi sur les civils, plus ou moins par hasard, faisant des morts et blessés civils tous les jours dans le pays.

La ville de Kherson est symbolique de cette tactique. Elle a été évacuée par l’armée russe il y a deux semaines devant l’avancée de l’armée ukrainienne mais les soldats russes se sont installés à quelques kilomètres, de l’autre côté du fleuve, à portée de canons, et ils bombardent consciencieusement depuis tout ce qui bouge à Kherson afin de rendre infernale la vie des habitants qui ont eu l’outrecuidance d’accueillir les soldats ukrainiens en héros après leur propre évacuation. Le côté inextricable de ce champ de bataille est que dans l’esprit des Russes la ville de Kherson est… russe puisque cette région a été annexée par la Fédération. La Russie bombarde la Russie !

Dans le même temps, les civils ukrainiens qui le peuvent évacuent la ville de Kherson qui devient invivable, une petite victoire politique pour Moscou après la défaite militaire.

Lire aussi : Les inextricables imbroglios juridiques de la guerre d’Ukraine

Les inextricables imbroglios juridiques de la guerre d’Ukraine

Dutreix / Le Canard Enchainé (21/09/2022)

A défaut de victoire nette sur le terrain militaire en Ukraine, la Russie s’efforce de tisser une toile juridique pour lier une partie de l’Ukraine à son territoire de façon désordonnée et quasiment inextricable. Quand on connaît le peu de cas que fait Moscou du droit international en général, cette tactique serait plutôt risible mais est annonciatrice de vraies difficultés lorsqu’il faudra défaire ce qui a été fait, si l’Ukraine et la communauté internationale y arrivent un jour et ce, quelque soit l’issue de la guerre en cours.

La constitution russe a été modifiée pour entériner l’annexion de quatre régions ukrainiennes et l’augmentation conséquente du territoire de la Fédération de Russie alors que l’armée russe n’avait pas encore conquis la totalité de ces régions. Depuis cette annexion célébrée en grande pompe à Moscou par le président russe et les responsables ukrainiens prorusses de ces régions, l’armée russe a perdu du terrain et même abandonné la ville de Kherson, capitale d’une des quatre régions, qu’elle ne pouvait plus tenir. À la suite de la mobilisation partielle de ses citoyens, la Russie mobilise maintenant aussi dans ces quatre régions annexées mais non totalement conquises puisqu’elles sont formellement devenues russes… envoyant sur le front contre l’Ukraine des citoyens ukrainiens devenus russes comme effet de cette annexion. Tous ne sont sans doute pas prorusses mais se retrouvent potentiellement enrôlés dans l’armée russe du fait d’une simple signature sur un décret…

Plus pernicieux, la Russie a saisi l’occasion de son occupation militaire sur une partie de ces régions pour procéder à des déplacements de population importants (une ancienne habitude soviétique) de ces territoires vers la Russie, le plus souvent sous couvert de « raisons humanitaires », pour les « protéger » des attaques ukrainiennes. Des milliers de passeports russes ont également été délivrés à des citoyens « ex-ukrainiens » selon l’entendement de Moscou mais pas forcément de celui des personnes concernées. Certains sont prorusses et ne verront pas cette démarche d’un mauvais œil mais ce n’est sûrement pas le cas de tous. Il semble que nombre d’enfants isolés sans leurs parents (que ceux-ci soient au front sous les couleurs ukrainiennes ou soient morts), aient été aussi « déportés » en Russie pour y être russifiés. Le moment venu, il sera bien sûr extrêmement difficile à leurs familles de les retrouver et de les récupérer.

Tout ceci est bien entendu en totale contradiction avec le droit international et le « droit de la guerre », mais cela est fait tout de même par Moscou qui suit ainsi une feuille de route machiavélique. Lorsque cette guerre se terminera, et qu’elle qu’en soit l’issue, ces manœuvres juridiques sont annonciatrices d’un chaos inédit probablement accompagnés de règlements de comptes entre ukrainiens, les prorusses et les fidèles à Kiev. Ceux-ci ont d’ailleurs déjà commencé dans les territoires annexés repris par l’armée ukrainienne.

La France a connu ce genre de circonstances dans son histoire contemporaine avec l’Alsace-Lorraine annexée par l’Allemagne en 1871 après la défaite française contre la Prusse, récupérée en 1918 après la défaite allemande, réoccupée et annexée de facto par le IIIème Reich en 1940 puis de nouveau « francisée » en 1945. Cette situation provoqua des tragédies comme celle des « malgré-nous » qui furent incorporés de force sous le drapeau nazi et qui, pour certains, subirent les affres de l’épuration après la libération en 1945. Ces annexions juridiques sont toujours synonymes de quasi-guerre civile pendant leur déroulement et après, si elles sont « démontées ». Il est à craindre que cela ne sera guère différent dans les régions ukrainiennes reconnues par le droit international et annexées par la Russie.

La Russie se révèle

Riss / Charlie Hebdo (02/03/2022)

La guerre d’Ukraine menée par la Russie depuis fin février a révélé ce pays tel qu’il est et il faudra sans doute plusieurs générations avant qu’il ne se rapproche à nouveau de l’Occident, s’il ne s’en rapproche jamais. Depuis la fin de l’Union soviétique en 1991, l’Occident a pensé pouvoir « amadouer » la Fédération de Russie en commerçant avec elle, en l’intégrant au G7 devenu G8 en 1997 avant de redevenir G7 après l’exclusion de la Russie par suite de son annexion de la Crimée en 2014, en investissant sur son territoire, en abritant les investissements de ses oligarques en Europe, en recevant ses dirigeants avec faste, bref en cherchant à traiter avec ce pays comme s’il était membre de la communauté occidentale. On a même entendu le président français déclarer le 19/08/2019 en présence de son homologue russe qu’il recevait au fort de Brégançon :

Je sais une autre chose : c’est que la Russie est européenne, très profondément, et nous croyons dans cette Europe qui va de Lisbonne à Vladivostok. Un grand auteur russe, DOSTOÏEVSKI, dans L’adolescent disait, et je le cite imparfaitement, de mémoire, que le Russe avait cela de particulier par rapport à l’Allemand, au Français ou autre, c’est qu’il était le plus russe quand il était le plus européen, et en quelque sorte son nationalisme était toujours plus grand que lui-même et devait embrasser le fait européen, et je crois très profondément à cela.

Emmanuel Macron (19/08/2019)

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A force de vouloir que la Fédération de Russie adopte les modes de fonctionnement européen on a fini par croire qu’un pays qui a donné naissance à Chostakovitch et Dostoïevski ne pouvait pas être animée par des valeurs autres que la démocratie, l’état de droit, la liberté d’expression, les droits de l’homme, etc. Eh bien, l’Occident s’est trompé comme l’illustre la tentative d’invasion de l’Ukraine et la façon dont cette guerre se déroule : sauvage et désordonnée, agrémentée de probables crimes de guerres. La Russie est restée fidèle à ses modes de pensée et de fonctionnement tsaristes ou soviétiques.

Certains de ses dirigeants rivalisent de provocations infantiles qui prêteraient à sourire s’il ne s’agissait de guerre et de ses milliers de morts déjà à déplorer des deux côtés. Ainsi M. Medvedev, ancien premier ministre, ancien président et actuel vice-président du conseil de sécurité de la Fédération qui twitte compulsivement pour ses 900 000 abonnés sur le réseau dit « social » Telegram :

Traduction Microsoft

POURQUOI NOTRE CAUSE EST JUSTE
Des réponses à des questions simples à l’occasion de la Journée de l’unité nationale

Pour quoi nous battons-nous ? La Russie est un pays immense et riche. Nous n’avons pas besoin de territoires étrangers, nous avons tout en abondance. Mais il y a notre terre, qui est sacrée pour nous, sur laquelle nos ancêtres ont vécu et sur laquelle notre peuple vit aujourd’hui. Et que nous ne donnerons à personne. Nous protégeons notre peuple. Nous nous battons pour tous les nôtres, pour notre terre, pour notre histoire millénaire.

Qui se bat contre nous ? Nous luttons contre ceux qui nous haïssent, qui interdisent notre langue, nos valeurs et même notre foi, qui haïssent l’histoire de notre patrie.

Contre nous aujourd’hui fait partie d’un monde mourant. C’est une bande de toxicomanes nazis fous, un peuple confus et intimidé et une grande meute de chiens qui aboient de chiens occidentaux. Avec eux se trouve un patchwork de cochons grognons et de philistins à l’esprit étroit de l’empire occidental désintégré avec de la salive dégoulinant sur leur menton de dégénérescence. Ils n’ont aucune foi et aucun idéal autre que les habitudes honteuses qu’ils ont inventées et les normes de double pensée qu’ils imposent qui nient la moralité accordée aux gens normaux. Par conséquent, en nous soulevant contre eux, nous avons acquis un pouvoir sacré.

Où sont nos anciens amis ? Nous avons été abandonnés par des partenaires effrayés – et nous leur avons craché dessus. Donc, ils n’étaient pas nos amis, mais juste des compagnons de voyage aléatoires, des autocollants et des cintres.

Des traîtres lâches et des transfuges cupides sont tombés sur les terres des Tri-Nine – laissez-les pourrir leurs os dans un pays étranger. Ils ne sont pas parmi nous, mais nous sommes devenus plus forts et plus purs.

Pourquoi sommes-nous restés silencieux pendant longtemps ? Nous étions faibles et dévastés par l’intemporalité. Et maintenant, nous nous sommes débarrassés du sommeil collant et du bourbier morne des dernières décennies, dans lesquelles nous étions plongés par la mort de l’ancienne patrie. Notre réveil a été attendu par d’autres pays violés par des seigneurs des ténèbres, des propriétaires d’esclaves et des oppresseurs qui rêvent de leur passé colonial monstrueux et aspirent à maintenir leur pouvoir sur le monde. De nombreux pays ont longtemps ignoré leurs absurdités, mais jusqu’à présent, ils en ont peur. Bientôt, ils se réveilleront complètement. Et quand l’ordre mondial pourri s’effondrera, il enterrera sous le nuage de plusieurs tonnes de ses décombres tous ses prêtres arrogants, ses adeptes assoiffés de sang, ses serviteurs moqueurs et ses mankurts sans paroles.

Quelles sont nos armes ? Les armes sont différentes. Nous avons la capacité d’envoyer tous les ennemis dans un enfer de feu, mais ce n’est pas notre tâche. Nous écoutons et obéissons aux paroles du Créateur dans nos cœurs, et ces paroles nous donnent un but sacré. Le but est d’arrêter le souverain suprême de l’enfer, quel que soit le nom qu’il utilise – Satan, Lucifer ou Iblis. Car son but est la perdition. Notre but, c’est la vie.

Son arme est un mensonge complexe.

Et nos armes sont la Vérité.

C’est pourquoi notre cause est juste.

C’est pourquoi la victoire sera la nôtre !

Félicitations!

1,2 million views 07:00 le 04/11/2022

Fallait-il pour autant ne pas essayer d’embarquer la Fédération de Russie dans l’aventure démocratique qui a tout de même produit quelques bonnes choses depuis le XXème siècle ? Sans doute non ! En tout cas c’est l’option qui a été adoptée en Occident avec plus ou moins d’enthousiasme, elle n’a pas atteint ses objectifs, c’est le moins que l’on puisse dire. Gageons que l’Occident sera maintenant vacciné pour un moment de reprendre langue avec ce pays avant, qu’un jour, des discussions ne s’ouvrent de nouveau car la géographie étant ce qu’elle est, la Russie restera frontalière de l’Europe tant que la dérive des continents ne produira pas suffisamment ses effets.

Il faut oser

Il semble que l’armée russe ait acquis des drones « suicide » à l’Iran qu’elle utilise de façon importante contre l’Ukraine depuis une semaine pour détruire ses infrastructures énergétiques civiles. Moscou nie cette acquisition et explique que ces diaboliques petites machines sont russes, elles ont d’ailleurs été rebaptisés d’un nom russe, mais leur origine iranienne ne semble faire guère de doutes parmi les « experts de plateaux télévisés ».

Avec un certain culot, les puissances occidentales accusent Téhéran de violer on ne sait plus quel traité en vendant des armes à la Russie. Quand on voit les quantités astronomiques d’armes que le même Occident déverse sur l’Ukraine depuis des mois, on se demande s’il est bien sérieux d’utiliser les mêmes moyens de propagande que Moscou, et surtout à quoi cela sert-il ? Que la Russie soit réduite à aller acheter de l’armement à un pays en développement ne devrait pas forcément être une trop mauvaise nouvelle pour l’Occident. Prendre ensuite des sanctions contre la compagnie iranienne produisant ces drones comme l’ont fait les Occidentaux fait partie des règles du jeu. Mais critiquer un Etat iranien qui fait exactement la même chose que les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la France et tous les autres, c’est-à-dire livrer des armes au belligérant pour qui on a pris parti : est-ce bien nécessaire ?

Le chaos après la bataille

Coco / Charlie Hebdo (20/09/2022)

La guerre d’Ukraine va bien se terminer un jour. On ignore quand. La seule certitude à ce jour est que l’ensemble Ukraine-Russie sera exsangue après la bataille et qu’il faudra des années, voir des décennies, pour redonner bonne figure à ces deux pays. Le chaos sera total et durable, sans parler des dommages collatéraux subis par le reste de la planète qui a pris parti pour l’un ou l’autre des belligérants.

Le désastre va être humain : on parle déjà de bilans à ce jour de 20 à 30 000 morts de chaque côté et la statistique militaire a l’habitude de multiplier le chiffre des morts par deux ou par trois pour estimer le nombre de blessés. Il sera aussi financier, et dans les grandes largeurs, pour reconstruire l’Ukraine et financer son Etat et les contribuables européens sont les meilleurs candidats pour assurer ce financement. Par ailleurs, il est plus que probable que les aides actuelles, budgétaires et en matériels militaires, ne seront jamais remboursées. Le chaos sera probablement aussi militaire, des quantités considérables d’armements, souvent sophistiqués, ont été déversés sur l’Ukraine et personne ne peut assurer que l’Etat ukrainien, ou ce qu’il en restera après la guerre, sera capable de contrôler ces équipements et d’éviter qu’ils ne soient un jour retournés contre leurs donateurs ou se retrouver dans les mains des mafieux de tous ordres qui pullulent à l’Ouest comme à l’Est.

Le chaos sera aussi politique tant l’Union européenne va être bouleversée par les suites de cette guerre et, notamment, par l’adhésion annoncée de l’Ukraine et de la Moldavie et celles des pays balkaniques occidentaux à venir déjà inscrits sur la liste (l’Albanie, la Macédoine du Nord et la Bosnie-Herzégovine, en attendant la Serbie, le Kosovo et le Monténégro). En cas de victoire ukrainienne on peut facilement imaginer la capacité de Kiev quand elle siégera à Bruxelles à se draper derrière le sang versé pour s’être battu « pour préserver l’Europe de la barbarie russe ». Qui osera s’opposer aux demandes de l’Ukraine dans les instances européennes ? Et même si les pays occidentaux de l’Europe avaient l’audace de le faire ils seraient rapidement emportés par la vague de l’Europe centrale et orientale. Et si l’Ukraine perdait la guerre, on ne sait pas encore bien ce qui adviendrait à l’Occident…

Pour la Russie le chaos semble aussi inévitable. Si elle perd la guerre il est probable que le président actuel et son clan seront déposés, voire éliminés, et qui sait qui les remplacera, ni quelles seront les réactions du peuple, des peuples de la Fédération ? Si elle gagne elle devra occuper une Ukraine ou une partie d’Ukraine dont un pourcentage de la population lui sera hostile comme le reste de l’Occident qui maintiendrait alors ses sanctions économiques.

Le mieux aurait été de ne pas faire cette guerre surtout que la Fédération de Russie est déjà le plus grand pays de la planète, quel besoin avait-elle de vouloir encore augmenter son territoire sinon pour satisfaire des égos surdimensionnés de dirigeants de rencontre préoccupés de laisser des traces dans une histoire qu’ils s’évertuent à réécrire avec le soutien plus ou moins affiché d’une partie de leurs citoyens ? Comme tout ceci est vain et inutile !

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