Bonjour les gogos

On ne dit plus « influenceuse » mais « créatrice de contenu » !

Sur le fond rien n’a changé, on parle toujours de nunuches à gros seins assurant la promotion de marques de vernis à ongles histoire de vendre à des gogos des produits dont ils n’ont pas besoin.

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Résilience, quand tu nous tiens

Aujourd’hui, si u ne dis pas le mot « résilience » dans une phrase, un discours ou un programme, tu as raté ta vie. Le dictionnaire en ligne Larousse définit le mot ainsi :

Résilience – nom féminin – (anglais resilience, rebondissement)

1. Caractéristique mécanique définissant la résistance aux chocs d’un matériau. (La résilience des métaux, qui varie avec la température, est déterminée en provoquant la rupture par choc d’une éprouvette normalisée.)

Psychologie
2. Aptitude d’un individu à se construire et à vivre de manière satisfaisante en dépit de circonstances traumatiques.

Écologie
3. Capacité d’un écosystème, d’un biotope ou d’un groupe d’individus (population, espèce) à se rétablir après une perturbation extérieure (incendie, tempête, défrichement, etc.).

Informatique
4. Capacité d’un système à continuer à fonctionner, même en cas de panne.

En gros, être résilient c’est être capable de faire face à l’adversité, de continuer à vivre même en cas de pépin. Comme c’est un mot qui ne fait pas encore vraiment partie du langage commun, cela en jette de l’employer à tour de bras, tout spécialement dans les discours politiques, cela impressionne le populo !

En 2021 a été lancé le Plan national de relance et de résilience (PNRR) par le ministère des finances et qui présente les investissements pour lesquels la France sollicite un financement européen à hauteur d’environ 40 milliards d’euros afin de renforcer l’efficacité des investissements et le potentiel de croissance de l’économie française. On voit bien la logique de relance : on dépense de l’argent aujourd’hui en espérant que cela rapportera demain, mais on comprend difficilement où est la résilience ?

La même année a été promulgué la Loi climat et résilience afin d’accélérer « la transition de notre modèle de développement vers une société neutre en carbone, plus résiliente, plus juste et plus solidaire. Elle a l’ambition d’entraîner et d’accompagner tous les acteurs dans cette indispensable mutation. »

Il existe même un Haut comité français pour la résilience nationale (HCFRN) qui est « une association loi 1901 qualifiée d’intérêt général. Par ses activités d’événementiel, de veille, d’analyse et de labellisation, l’association aide ses membres à améliorer leurs dispositifs de sécurité-sûreté, afin d’être plus résilients face aux risques et aux menaces majeurs. »

Et il doit y en avoir bien d’autres…

On ne dit plus…

On ne dit plus « carte de stationnement pour handicapé » mais « carte mobilité inclusion ».

Le langage change, les faits stagnent

On ne dit plus « le tiers-monde » depuis longtemps. L’expression avait d’abord été remplacée par « les pays les moins avancées » puis, parce que celle-ci était toujours vécue comme dévalorisante, par « les pays en développement ». Tout ceci n’existe plus aujourd’hui où l’on parle désormais de « Sud global ». La notion recouvre à peu près la même chose, c’est-à-dire les pays qui affichent un faible Produit Intérieur Brut (PIB)/habitant, en y ajoutant une vague notion d’anti-occidentalisme que partageraient ces pays.

Tic verbal compulsif

On ne dit plus : « le gouvernement accepte de dépenser plus d’argent public pour contenir la colère du peuple » mais :

Le gouvernement procède à un bougé.

Le dictionnaire Larousse en ligne donne la définition suivante du « bougé » :

Mouvement de l’appareil de prise de vue au moment du déclenchement, qui produit une image plus ou moins floue.

On dirait que l’emploi de ce terme « bougé » en politique vient d’être inventé par l’actuelle majorité au pouvoir. On se demande à quoi cela sert ? Le dictionnaire de la langue française n’est-il pas suffisamment riche pour éviter d’avoir à détourner le sens des mots ?

Publié le
Catégorisé comme Tics verbaux

Mobilité, blablabla…

On ne parle plus de « question migratoire entre la France et l’Algérie » mais de « mobilité et circulation » (président Macron, discours à Alger les 25/08/2022).

Comment attraper le gogo

Juin / Charlie Hebdo (22/07/2022)

On ne dit plus « économies d’énergie » mais « sobriété énergétique ».

Maintenant que la Russie a repris son rôle favori de perturbateur de l’Occident tout en continuant à fournir l’Europe de l’Ouest en gaz et pétrole, les dirigeants des pays acheteurs rivalisent d’expressions tempérées pour ne pas affoler le gogo. Le consommateur-électeur occidental est particulièrement chatouilleux sur le sujet de son confort et il s’agit surtout de ne pas le brusquer. On utilise donc les termes appropriés pour cacher la vérité à Mme. Michu : l’énergie fossile va disparaître un jour et, plus on se rapprochera de l’échéance plus cette énergie sera rare et donc chère.

Poussés par la rareté et le conflit russo-ukrainien les produits pétroliers connaissent déjà une hausse sensible de leurs cours dont se réjouissent les pays producteurs, la Russie la première. Pour le moment on transfère sur le contribuable le coût que le consommateur ne veut (ou ne peut) pas payer atténuant ainsi l’impact de l’effet prix sur la réduction de la consommation des produits pétroliers amenés à se raréfier.

L’Etat est soumis à des « injonctions contradictoires » : réduire la consommation des produits pétroliers pour des raisons écologiques et de rareté de la ressource d’une part, ne pas trop mécontenter ses électeurs possesseurs de véhicules thermiques ou de chaudières à fuel ou à gaz. Pour le moment, il a arbitré en faveur du deuxième facteur de l’équation et remplacé le terme « économie » par celui de « sobriété », plus neutre et moins effrayant.

Un « commandant » en chocolat

On ne dit plus le « chef de guerre islamiste afghan Massoud » mais le « légendaire commandant Massoud » !

Ce guerrier (1953-2001) a toujours été encensé, en France notamment, à la suite de commentaires élogieux des Bernard-Henri Levy (BHL) et consorts. Assassiné en 2001 par l’organisation islamiste Al Qaïda, le « commandant » Massoud a gagné sa notoriété en luttant contre l’occupant soviétique dans les années 1980 au cœur de son bastion du Panchir. Après la reddition et le départ de l’armée soviétique, il va continuer la guerre, devenue « civile » pour prendre la capitale, s’alliant et se désalliant à d’autres milices de chefs de guerre au gré de ses intérêts, du sens du vent et des retournements des uns et des autres sur des motifs tribaux ou religieux, passant et désavouant des alliances successives avec les saoudiens, les iraniens, les pakistanais ou les… américains. Devenu ministre de la Défense au début des années 1990, il continue la guerre des milices qui ravage le pays et notamment sa capitale Kaboul. Cette guerre civile et l’incapacité des milices locales, plus proches de gangs mafieux que de partis politiques, a dévasté l’Afghanistan, peut-être plus encore que l’invasion soviétique et annonce l’arrivée du pouvoir Taliban, chassé en 2001 par les troupes internationales et rétablit par les mêmes en 2021.

L’Occident et BHL appréciaient M. Massoud car il était un peu moins extrémiste que les autres chefs de guerre mais il était néanmoins religieux et traditionnaliste, c’est-à-dire, l’inverse de ce qui est habituellement considéré comme nécessaire pour mener une démocratie « à l’occidentale ». Comme de plus il était anti-Taliban il n’en fallait guère plus pour devenir le héraut de l’Ouest avec le résultat que l’on sait… Son fils a pris la relève et BHL l’aime beaucoup ce qui n’est pas forcément un gage de succès pour l’avenir.

On a connu à peu près le même phénomène avec le soutien français indéfectible aux populations Touaregs depuis le XIXème siècle, glorifiées à Paris comme le « noble peuple du désert » sur ses chameaux. Nombre de films, documentaires, récits et romans ont été réalisés en France à la gloire des Touaregs insistant sur l’aspect mystique de cette ethnie au milieu de ses dunes et en passant sous silence leur tendance à l’esclavagisme et à la razzia comme modèle économique. Le « noble peuple » en question avait donné du fil à retordre à l’armée coloniale française en son temps. Depuis les indépendances africaines ils continuent à harceler les pouvoirs indépendants, majoritairement au Mali, en luttant par les armes pour leur indépendance, et en s’alliant avec les mouvements terroristes religieux, dont Al-Qaïda, celui-là même qui a assassiné M. Massoud en 2001, pour prendre le pouvoir au Mali.

Guide et médiation

On ne dit plus un « guide » dans un musée mais on parle de « médiation ». Dans les musées parisiens, les ex-guides portent désormais un badge « Médiation ».

De plus en plus de jargonnage

On ne dit plus « un parti politique dirigé par des nunuches ambitieux et indécis » mais « une famille politique en déficit d’incarnation ».

La chienlit et le gaz

On ne dit plus : « c’est la chienlit » mais « c’est un contexte gazeux » !

Camping Paradis

On ne dit plus : un camping, mais une « Hôtellerie de Plein-Air » !

Ripolinage de façade pour pas cher

On ne dit plus une « gare ferroviaire » mais un « pôle d’échanges multimodal » ! Vous prenez une gare SNCF de sous-préfecture, vous y accolez la station de cars qui était installée 100 mètres plus loin, vous construisez un parking à bicyclettes, vous ajoutez un WiFi gratuit et hop! le tour est joué vous vous retrouvez avec un « pôle d’échanges multimodal » pour pas cher et vos élus montrent leur constante vision pour un avenir moderne et connecté. On vit vraiment une époque formidable.

Innovations acronymiques

On ne dit plus LGBT (Lesbienne-Gai-Bisexuel-Transsexuel) mais LGBTQI+ (Lesbienne-Gai-Bisexuel-Transsexuel-Queer-Intersexe-plus) !

L, G, B ou T, on voit à peu près ce dont il s’agit et l’on pensait couvrir ainsi le champ complet des comportements non-hétérosexuels. Queer et Intersexe c’est un peu plus mystérieux, une petite recherche sur Wikipédia permet d’y voir plus clair, pour autant que les définitions de cette encyclopédie communautaire soient exactes.

Queer

Queer est un mot anglais signifiant « étrange », « peu commun », « bizarre » ou « tordu », il est utilisé pour désigner l’ensemble des minorités sexuelles et de genres : personnes ayant une sexualité ou une identité de genre différentes à l’hétérosexualité ou la cisidentité…

Intersexe

L’intersexuation, anciennement appelée intersexualité, est un terme biologique décrivant des personnes « nées avec des caractéristiques sexuelles qui ne correspondent pas aux définitions typiques de « mâle » et « femelle » », selon l’ONU3. C’est un terme générique, couvrant un large éventail de conditions anatomiques sexuelles atypiques, liées par leur signification sociale plutôt que par des causes ou des caractéristiques cliniques communes. Le qualificatif appliqué aux personnes correspondantes est « intersexes »…

On ne comprend pas bien la signification ni la nécessité du « + » ? Peut-être est-il ajouté dans l’hypothèse où de nouvelles catégories sexuelles seraient à inclure dans l’avenir en plus des six actuelles ? Déjà la catégorie A comme Asexuel se profile à l’horizon.

La ville de Paris affirme son soutien à la communauté LGBTQI+ en octroyant des subventions à différentes associations appartenant à cette mouvance et en participant à de multiples évènements liés à ces critères sexuels, dont l’élaboration en cours d’un « lieu dédié aux archives et à la mémoire des communautés LGBTQI+ » au 22 rue Mahler dans le 4e arrondissement de Paris.

Comme toujours en France, des minorités veulent à la fois être considérées « comme tout le monde » mais faire valoir leurs spécificités. La ville de Paris tombe dans cet écueil avec l’argent de ses contribuables. Ce n’est pas très grave, ni très utile.

Jargonnage féministe

Lorsque l’on est féministe, on ne dit plus « cumuler les galères » mais « affronter la discrimination intersectionnelle » ! En gros, si vous êtes femme et noire, vous souffrirez à la fois du paternalisme et du racisme. C’est l’intersectionnalité.

Comme disait Francis Blanche : « il vaut mieux être riche et en bonne santé que pauvre et malade. » C’était, en langage populaire, les prémices de ce nouveau concept.

Dans une tribune publiée dans le journal Le Monde le 13/08/2020, Camille Froidevaux-Metterie, philosophe et professeure de science politique à l’université de Reims Champagne-Ardenne, répond à une autre tribune du 28/07/2020, plutôt dispensable, écrite par la romancière Mazarine Pingeot, dénonçant la haine qui guiderait le nouveau féminisme :

…Cette aspiration anime également celles et ceux qui défendent la cause féministe au prisme de l’intersectionnalité ; c’est le second aspect visé par ces tribunes dénonçant les « nouveaux maccarthystes ». Ainsi que la crise sanitaire l’a cruellement montré, des millions de femmes endurent un faisceau croisé de discriminations, où le genre se superpose à la classe sociale et à la condition racisée pour produire des modalités d’existence insupportables et indignes. C’est ce que mettent au jour les analyses intersectionnelles. Il a fallu quelques décennies pour que les féministes françaises se débarrassent de leur solipsisme blanc et les intègrent. Nous sommes dans le moment de cette prise de conscience où le féminisme croise le chemin de l’antiracisme, et cela génère quelques remous, comme à chaque fois qu’il faut accepter de remettre en cause des privilèges aussi prégnants qu’impensés…

Camille Froidevaux-Metterie (Le Monde 13/08/2020)

Il faut suivre…