« Je vous salue salope : La misogynie au temps du numérique » de Léa Clermont-Dion et Guylaine Maroist

Ce documentaire détaille quatre cas de cyberharcèlement subis par quatre personnes dans quatre pays. En Italie, par la présidente de l’assemblée nationale, aux Etats-Unis, par une élue du Vermont, en France, par une réalisatrice, et au Canada, par une enseignante québécoise.

C’est à chaque fois une histoire un peu similaire : un déchaînement d’injures, de menaces de viol, de mort, qui s’abat soudain sur ces personnes via les réseaux dits « sociaux », pour n’importe quelle raison, qu’elles soient célèbres ou inconnues, engagées politiquement ou pas, noires, blanche ou d’une autre couleur, pour des motifs politiques ou pas, sexuels ou non, parfois juste pour le plaisir de nuire. Certaines victimes y résistent courageusement, d’autres prennent peur et cèdent pour mettre fin à la menace.

Le cyberharcèlement se montre surtout sous son vrai jour : une avalanche de bêtise crasse déversée par des décérébrés se sentant tout puissants derrière leurs écrans, ne se cachant même pas dans l’anonymat puisque la plupart revendiquent tout à fait publiquement leurs sordides actions numériques. Ce film expose au grand jour le niveau de dégénérescence dont souffre une partie de notre société à force de publicités abrutissantes, de télévisions débilitantes, de comportements politiques infantiles, de matchs de ballon aux accents racistes ou nationalistes, de « débats » menés par Cyril Hanouna et consorts…

Un certain nombre d’individus n’arrive pas à s’extraire de cet environnement déliquescent et libère bile et frustrations en nuisant à son prochain et utilisant la puissance du numérique. Ce n’est pas réjouissant !

« Le temps d’aimer » de Katell Quillévéré

Nous sommes au lendemain de la seconde guerre mondiale, Madeleine a accouché d’un garçon issu d’une liaison avec un officier allemand parti rapidement sur le front de l’Est. Elle l’élève seule en travaillant dans un hôtel de bord de mer breton où elle rencontre un jeune bourgeois atteint par la polio et à la sexualité indécise. Par la suite ils tiennent ensemble un bar à Châteauroux, ville de garnison pour GI’s américains. Un soldat se mêle à leurs ébats faisant réapparaître les tendances homosexuelles du mari de Madeleine qui l’amèneront à d’autres dérives. Pendant ce temps, le rejeton du soldat allemand se sent mal-aimé et le fait savoir avant qu’une petite-sœur ne s’annonce.

Ce film n’est pas inintéressant sur une époque trouble pour la France, mais une telle accumulation de traumatismes et de pathologies concentrée sur les personnages rend le film un peu irréaliste.

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« À toi de faire, ma mignonne », une exposition de Sophie Calle au musée Picasso

Pour la célébration du cinquantième anniversaire du décès de Pablo Picasso, Sophie Calle a investi les quatre étages de l’hôtel de Salé, siège du musée Picasso. L’artiste plasticienne-photographe jongle entre les souvenirs qu’elle a gardé de sa visite du musée durant le confinement en 2020 et certains des évènements de sa vie, durant cette période ou pas, comme elle a l’habitude de les mettre en scène.

Au rez-de-chaussée, à la place des tableaux du maître espagnol figurent les photos grandeur nature de ces mêmes tableaux qui avaient été empaquetés dans du papier kraft à l’occasion de la fermeture du musée due à la pandémie. On ne voit donc que les plis du papier, pas le tableau lui-même. Un peu plus loin, les vraies toiles sont en place mais derrière un voile qui les recouvrent et sur lesquels sont imprimés les réflexions que l’artiste a élaboré sur ces toiles qui étaient momentanément prêtées et qui lui ont été décrites par le personnel du musée. Une fois les toiles réinstallées, les commentaires écrits ont été imprimés sur le voile sur une surface qui recouvre exactement celle du tableau sous-jacent empêchant de voir celui-ci.

Au premier étage, Sophie Calle expose des vidéos filmées à Istanbul montrant des Turcs, sans doute paysans de l’intérieur du pays, voyant la mer pour la première fois. Plus loin, des photos du musée de Boston montrent les cadres vides de tableaux qui ont été volés et dont le musée a décidé d’exposer les cadres laissés par les voleurs, Sophie demande aux visiteurs ce qu’ils voient. A des personnes aveugles de naissance elle leur demande qu’elle pour eux l’image de la beauté, l’un d’eux répond « le vert, parce que tout ce que j’aime est, me dit-on, vert : les arbres, les feuilles, l’herbe… ». A la suite d’un vol de tableaux au musée d’art moderne en 2020 Sophie Calle écrit au voleur en prison pour lui demander son commentaire artistique sur les toiles subtilisées ; il préfère le Matisse au Picasso.

Et puis l’artiste expose son rapport à la mort sous tous ses angles. Celles de ses parents qu’elle a documentées avec force photographies et séquences vidéo, la sienne qu’elle anticipe en organisant sa succession de son vivant et l’on voit sur un écran un commissaire-priseur constituer et valoriser 400 lots composés de tout le bric-à-brac accumulé par l’artiste (à l’exception de ses propres œuvres) et… que l’on retrouve dans la pièce à côté : des photos, des animaux empaillés, des bijoux, etc.

Sophie Calle est une personne singulière, tellement originale que l’on se demande comment lui viennent toutes les idées saugrenues qu’elle met en scène depuis des décennies, généralement centrées autour d’elle et de la disparition. Il n’y a rien de beau ni d’émouvant dans ses scénarii et installations, mais juste une volonté de donner son interprétation des petits évènements de la vie de tous les jours, de donner à les voir sous un autre jour. Pour chacun d’entre eux elle tire le fil de leur existence et amène le spectateur à les vivre à travers ses yeux. Elle est bien sûr obsédée par la mort (mais qui ne l’est pas ?), celle de ses proches (humains et animaux) est l’un de ses sujets favoris. Et ce faisant elle prépare la sienne en permanence et avec froideur, comme une œuvre d’art.

« Sophie est tellement morbide qu’elle viendra me voir plus souvent sous ma tombe que rue Boulard. »

(sa mère)

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« Mark Rothko » à la fondation Louis Vuitton

Mark Rothko (1903-1970) est exposé à Paris par la fondation Louis Vuitton qui réunit 115 œuvres de l’artiste américain. Né Markuss Rotkovičs au sein de la Russie tsariste dans ce qui est devenu aujourd’hui la Lettonie, de confession juive, sa famille émigre à Portland aux Etats-Unis au début des années 1910 pour éviter la conscription impériale à ses fils. Rothko a suivi une éducation talmudique et approché les pogroms et persécutions antisémites de l’époque. Il adopte le nom de Mark Rothko en 1940 après avoir reçu la nationalité américaine.  

Je suis devenu peintre parce que je voulais élever la peinture au même degré d’intensité que la musique et la poésie.

Aspiré très tôt par le dessin il est un travailleur infatigable et va produire près de 850 œuvres répertoriées. Le début de cette exposition présente dans les premières salles un ensemble de toiles figuratives datant des années 1930, certaines inspirées par la mythologie, d’autres par des paysages urbains dans lesquels on distingue des personnages aux formes longilignes placés dans environnement fermés et étouffants, des stations de métro, des pièces aux plafonds bas… Un autoportrait est placé dans la première pièce. Assez vite il considère qu’il a échoué à représenter la figure humaine « sans la mutiler ». C’est ainsi qu’il se dirige vers l’abstraction et ses toiles de grandes dimensions qui sont devenues iconiques et sa marque de fabrique

Et petit à petit son standard apparaît comme d’immenses tableaux colorés sur le fond desquels sont étagés des rectangles de couleurs aux contours flous. L’artiste a toujours refusé la qualité de coloriste qu’on a eu tendance à lui attribuer face à la magnificence des couleurs de ses toiles. Sombres ou lumineuses, la superposition des couleurs et des rectangles sur les fonds de ces tableaux donnent un éclat très singulier à ces œuvres. La peinture elle-même est apposée en couches rendues d’autant plus visibles que Rothko travaille la matière et fait preuve d’inventivité. Il applique d’abord une couche de colle, puis des couches de peinture mélangées à des métaux, à de l’œuf… Ces mixtures improbables provoquent sans doute des réactions chimiques plus ou moins prévisibles qui donnent un rendu un peu brumeux des couleurs, des ombres et des traces parsemant ces toiles à l’aspect mystérieux. Les bords des rectangles sont eux-mêmes diffus, comme travaillés pour ne pas être nets, un peu comme des nuages qui s’effilochent dans un ciel monochrome.

Certaines séries sont de couleurs sombres, les « Blackforms » mais toujours merveilleusement assemblées par ce « non-coloriste » qui développait tout de même un goût exquis pour mêler les teintes idéales et harmonieuses. Il y a des verts, des bleus, des gris, on croirait le ciel atlantique un soir de tempête. La série « Black and Gray » est exposée dans une pièce où trônent des sculptures de Giacometti (sans doute des reproductions), artiste qui a inspiré Rothko. Ce sont des tableaux bi-couleurs composés d’une bande noire superposée avec une bande grise. Cette fois-ci ce ne sont pas des rectangles peints sur un fond coloré, mais deux bandes aux bords bien nets qui joignent les quatre côtés du tableau. Bien entendu, sur la dizaine de toiles de cette série il n’y a pas un noir ou un gris qui soit les mêmes.

A ceux qui pensent que mes peintures sont sereines, j’aimerais dire […] que j’ai emprisonné la violence la plus absolue dans chaque centimètre carré de leur surface.

Mark Rothko s’est donné la mort en 1970 un jour d’hiver dans son atelier New-Yorkais. Les hypothèses pour expliquer son geste sont un peu confuses : il était malade (atteint d’un anévrisme de l’aorte, son médecin lui avait déconseillé de continuer à peindre des toiles de grands tailles, injonction qu’il n’avait pas suivies), cigarettes et alcool n’arrangeaient pas les choses, mais peut-être surtout, une colère devant la faible reconnaissance de son œuvre dans le milieu artistique qui semblait plus excité par le pop’art naissant, le comble de la vulgarité commerciale, que par son propre travail qui lui avait demandé tant de passion, d’abnégation et d’engagement.

Ces dernières décennies lui ont finalement rendu son honneur et son œuvre est maintenant universellement portée aux nues. Peintre de l’absolu, il réussit à déclencher une troublante spiritualité chez le spectateur par le simple étagement de rectangles dans une phantasmagorie chromatique, le flou et la méditation réunis dans la même abstraction fruit des mains d’un artiste hors du commun !

Avec Nicolas de Staël exposé en ce moment au musée d’Art moderne, Rothko dans le bois de Boulogne, on pense à tant de ces artistes russes, exilés ou pas, qui ont aussi forgé cette vielle culture occidentale. Nabokov, Chostakovitch, Rachmaninov, Rothko, et tous les leurs, nous font souffrir d’avoir à déplorer les errements politico-militaires de la Russie d’aujourd’hui. Mais malgré la dictature étouffante, la créativité survit, c’est une bonne nouvelle !

Le spectateur comblé se dirige vers la sortie de l’exposition Rothko en se rappelant que ce bâtiment Louis Vuitton d’aspect lourdaud et tarabiscoté est toujours aussi peu adapté à l’exposition de grands tableaux.

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« Klimt & the Kiss » d’Ali Ray

La sympathique compagnie Seventh Art Productions continue à produire des « expositions au cinéma », aujourd’hui un film consacré au célèbre « Baiser » du peintre autrichien Klimt (1862-1918). Centré sur ce tableau, l’exposition revient également sur les immenses talents de portraitistes de Klimt commentés par des historiens de l’art et spécialistes de cette époque qui nous apprennent les techniques novatrices de l’artiste mêlant les métaux à la peinture pour donner ces ensembles flamboyants au service, le plus souvent, du corps humain et de celui des femmes qui ont traversé sa vie, dont Emilie Flöge dont on suppose que leur relation fut essentiellement platonique et artistique. Par contre, on apprend qu’une quinzaine de demandes de reconnaissance en paternité venant de différents modèles passées par son atelier émergèrent après sa mort…

L’artiste est aussi l’auteur de décors, souvent gigantesques, comme la célèbre Frise Beethoven présentée en 1902 et se référant à l’Ode à la joie du musicien (IXème symphonie). Celle-ci, peinte directement sur les murs au Palais de la Sécession, regroupement artistique monté par Klimt qui a pour objet de mettre un coup de pied dans la fourmilière du classicisme de l’art viennois. La Frise Beethoven fait parler d’elle lorsqu’elle est dévoilée, de part son modernisme et sa crudité. Elle représente l’aspiration au bonheur de l’humanité souffrante et se termine par l’union de deux amants, debout, vus de dos.

Le Baiser donne lieu aussi à de multiples interprétations : tendresse exprimée par les visages, ou violence faite à l’amante, serrée au cou par une main de l’homme d’où, peut-être, la crispation de sa propre main sur celle de son amant, présence du vide insondable derrière la femme dont les pieds débordent sur l’abîme, masculinité symbolisée par les rectangles blancs et noirs sur le vêtement de l’amant quand celui de la femme est tacheté de fleurs, tous deux agenouillés aussi sur un tapis de fleur au bord du vide…

C’est une passionnante analyse des tréfonds de ce tableau et d’hypothèses sur l’inspiration mystérieuse de son auteur qui se termine par le constat un peu amer de l’un des historiens sur le fait que Klimt est plutôt passé à la postérité pour le kitch de son œuvre alors qu’il fut un artiste complet et révolutionnaire.

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« L’Enlèvement » de Marco Bellocchio

C’est le film choc du cinéaste italien Marco Bellocchio (né en 1939) qui passe en revue, depuis le début de sa longue carrière, certains des traumatismes vécus par son pays. Il s’en prend cette fois-ci au Vatican en revenant sur l’histoire vraie de « l’affaire Mortara » apparue à la fin des années 1850. Un enfant juif d’une famille bourgeoise de Bologne est enlevé par l’Eglise catholique car il aurait été baptisé secrètement par la jeune fille qui le gardait et le croyait à l’article de la mort. Le gamin est amené à Rome et placé dans une institution pour jeunes juifs « convertis » qui sont élevés dans la dureté de l’enseignement catholique à l’époque et la froideur de prêtres dogmatiques. Mais l’embrigadement fonctionne et, malgré le combat des parents et de la communauté juive pour extraire le jeune Edgardo des griffes du Vatican, il va continuer dans la voie catholique et même devenir prêtre, jusqu’à vouloir convertir sa propre mère sur son lit de mort.

L’histoire vraie a peut-être été un peu romancée pour rentrer dans le format du film mais qu’importe, on sait l’Eglise catholique capable de ce dont elle est accusée par Bellocchio. C’est le pape Pie IX qui est aux commandes à l’époque du Vatican et des « Etats pontificaux ». Il est présenté dans le film comme un dirigeant aveuglé par le dogme et « l’infaillibilité pontificale », le teint gris, sûr de son idéologie mais voyant son pouvoir divin décliner, prêt à se battre pour le maintenir quoi qu’il en coûte.

Le film est intéressant en ce qu’il revient sur les errements des religions, capables d’enlever des enfants, oubliant toute humanité, pour les soumettre à leur volonté dominatrice. Cet évènement que l’on croirait d’un autre âge, mais ce n’était finalement qu’en 1858, fait tristement écho aux déportations actuelles d’enfants ukrainiens dont sont accusées les forces russes qui occupent une partie de l’est de l’Ukraine. Ces crimes sont relativement bien documentés et valent une inculpation devant la Cour pénale internationale (CPI) du président russe et de sa commissaire « aux droits de l’enfant », qui aurait d’ailleurs adopté l’un d’entre eux.

Pre-Trial Chamber II considered, based on the Prosecution’s applications of 22 February 2023, that there are reasonable grounds to believe that each suspect bears responsibility for the war crime of unlawful deportation of population and that of unlawful transfer of population from occupied areas of Ukraine to the Russian Federation, in prejudice of Ukrainian children.

https://www.icc-cpi.int/news/situation-ukraine-icc-judges-issue-arrest-warrants-against-vladimir-vladimirovich-putin-and

La Russie s’enorgueillit d’ailleurs officiellement d’avoir procédé à une « évacuation sanitaire » de ces milliers d’enfants pour les sauver. C’est une vieille histoire, des jeunesses hitlériennes (Hitlerjungend) aux jeunesses staliniennes (Komsomol) en passant par les actions du maréchal Pétain pour embrigader la jeunesse française après la défaite de 1940, la Russie d’aujourd’hui ne fait que perpétrer la volonté des dictatures de manipuler les cerveaux de ses enfants.

Le plus déplorable dans « l’affaire Mortara » narrée par Bellocchio est que l’église catholique se soit rendue coupable d’un tel embrigadement à une époque finalement pas si éloignée d’aujourd’hui. Outre cette défaite morale, le film montre aussi la fin d’un Vatican exerçant un pouvoir temporel sur ses « Etats pontificaux » face aux insurgés italiens républicains. C’est en 1870 que Rome est envahie et rattachée au royaume d’Italie. Depuis, le Vatican se contente de son micro-Etat autour de Saint-Pierre et d’un pouvoir uniquement intemporel. On sait depuis que l’Eglise catholique a eu à déplorer dans ses rangs d’autres méfaits contre les enfants. Les papes successeurs de Pie IX n’ont pas toujours été à la hauteur face à ces crimes. C’est un peu le problème avec le pouvoir « intemporel », on n’est responsable de ses actes que devant Dieu.

Ce film est aussi celui du crépuscule de l’institution catholique.

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« Immigrations est et sud-est asiatiques depuis 1860 » au Musée de l’histoire de l’immigration

Le Palais de la Porte Dorée retrace, rapidement, l’histoire des migrations est-asiatiques vers la France à travers deux salles. La première relate l’histoire de ces flux depuis 1860 jusqu’à nos jours : colonisation/décolonisation, guerres, communisme, dictatures. La seconde permet de revenir sur quelques faits divers qui ont touché la communauté asiatique en France dans les années 1990-2000, notamment la mort violente d’un des leurs lors d’une « bavure policière ». Ces évènements avaient déclenché à l’époque des manifestations de la communauté asiatique réclamant le droit de pouvoir vivre en paix en France sans être l’objet de discriminations racistes. Une petite dizaine d’écrans diffusent des interviews de citoyens d’origine asiatique parlant de leurs propres expériences en France, présentées comme plutôt bénéfiques d’ailleurs.

L’exposition insiste sur les « stéréotypes » qui collent à la diaspora asiatique, positifs comme négatifs. L’épisode de la pandémie du Covid19 a aussi marqué la communauté, les « Chinois » étant parfois qualifiés de virus lors de cette pandémie qui a démarré en Chine. Mais globalement, ces stéréotypes sont généralement plutôt favorables ; on parle d’une bonne intégration, des succès scolaires des enfants, d’un ascenseur social qui fonctionne encore, alors faut-il vraiment s’ingénier à voir des problèmes migratoires là où il y en a finalement peu pour le moment ?

On voit d’ailleurs dans les étages supérieures l’exposition « J’ai une famille » proposant aux visiteurs les œuvres contemporaines de dix artistes d’origine chinoise installés en France, dont celles de Yan Pei-Ming :

Yan Pei-Ming (sa mère)

Figure 1 – Yan Pei-Ming (sa mère)

D’autres installations sont un peu plus obscures mais le thème général de la famille évoque celle que ces artistes ont constituée en France, poussés vers l’exil par des convictions et des talents communs.

Transexpérience : un mot qui résume de manière vivante et profonde les expériences complexes que l’on vit quand on quitte son pays natal et que l’on va de pays en pays.

Chen Zen

A l’Hôtel de la Marine

Construit en 1748 sur la Place Louis XV, qui deviendra plus tard la Place de la Concorde, le futur Hôtel de la Marine est un bâtiment dédié au Garde-Meuble royal, organisme chargé de l’achat et de l’entretien du mobilier du roi. Il est ensuite le siège du ministère de la Marine pendant plus de 200 ans (la Kriegsmarine l’a même investit durant l’occupation allemande de la seconde guerre mondiale). Après le départ de son dernier occupant en 2015, le premier étage de l’hôtel a été magnifiquement rénové dans l’état où il était lorsqu’il avait la fonction de garde-meuble royal. C’est cette partie qui est ouverte à la visite avec un audio-guide légèrement infantilisant qui recrée des dialogues entre les personnages de l’époque au fur et à mesure du cheminement dans les pièces pour expliquer la destination de celles-ci : bureau, chambre, antichambre, salle-à-manger, etc.

Tout n’est que dorures, lustres, boiseries et meubles précieux. Toute la magnificence de l’artisanat du XVIIIème siècle s’exprime face au majestueux spectacle de la place de la Concorde avec l’assemblée nationale comme horizon. On imagine que les maris du ministère de la marine qui étaient encore présents dans le bâtiment il y a dix ans devaient s’en disputer les bureaux La pièce d’angle place de la Concorde / rue Saint-Florentin, avec vue en enfilade sur la rue de Rivoli, était sans doute affectée à l’amiral tant son exposition est superbe.

Un magnifique bâtiment historique !

« La Comédie Humaine » de Koji Fukuda

Ce film du réalisateur japonais Koji Fukuda date de 2008. Il est composé de trois histoires entremêlées où l’on retrouve le tragique et le comique dans lesquelles tombent le plus souvent les relations humaines. On suit les parcours de jeunes hommes et femmes engagés parfois dans des situations burlesques : deux femmes se rencontrent et échangent sur les choses de l’amour autour d’un spectacle de danse contemporaine, une photographe attend désespérément des visiteurs dans la galerie où elle expose ses photographies, un couple dont la femme est enceinte affronte le sujet de l’infidélité et le mari au bras droit amputé par suite d’un accident se trouve confronté au syndrome du « membre fantôme ».

Les acteurs passent d’une histoire à l’autre, on apprend dans le troisième sketch que le couple recomposé du premier est mort dans des conditions violentes, on retrouve au mariage des amis de la photographe de la deuxième histoire les actrices de la première, etc. Le réalisateur explique s’être inspiré de la Comédie humaine de Balzac et de sa capacité à observer la société des humains à travers les yeux de personnages évoluant dans leur époque. Le long métrage se regarde comme on lit Balzac, c’est social et… un peu long.

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« Les feuilles mortes » de Aki Kaurismäki

C’est le film finlandais un peu pesant et lugubre du réalisateur finlandais Aki Kaurismäki sur le choc de deux solitudes. Nous sommes dans un environnement industriel à Helsinki, les deux personnages errent entre chômage et usines, lui se console avec de la vodka, elle avec son chien. Et puis ils se croisent, se perdent et se retrouvent.

Tout se passe plutôt de nuit, dans les bars, dans l’appartement d’Hansa. Les environnements sont dépouillés, les couleurs plutôt sombres et travaillées, un peu à la manière d’Almodovar. Les sourires sont rares, les acteurs restent silencieux face à leur errance. De ci de là on voit des affiches des films de la nouvelle vague : Godard, Visconti… qui ont manifestement inspiré le réalisateur.

Le duo de sœurs finlandaises, la guitariste Anna Karjalainen et la claviériste Kaisa Karjalainen, jouent leurs propres rôles en expirant une chanson triste (Syntynyt suruun ja puettu pettymyksin) au cours d’un concert dans un bar fréquenté par nos héros et quelques autres zombies silencieux devant leurs verres d’alcool. Les mots las (traduits en français) sont aussi désespérants que la guitare aigüe et répétitive sur fond de nappes de claviers glacantes.

Finalement, on a l’impression que l’histoire se termine bien avec nos personnages qui partent tous les trois (y compris le chien) vers leur destin.

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« Coup de chance » de Woody Allen

Woody Allen

Une comédie de Woody Allen (87 ans) se déroulant à Paris, tournée avec des acteurs français. Une comédie, certes, mais avec tout de même deux cadavres… Nous suivons un couple dans un milieu « nouveaux riches », bien habillé, logé rue Alfred de Vigny à côté du Parc Monceaux dans un vaste appartement avec une servante à demeure, leur chauffeur les emmène le week-end dans une maison de campagne très cossue à Rambouillet au milieu des bois. Lui est financier aux activités, « enrichir les riches », que l’on suppose à la limite de la légalité. Elle, belle comme le jour, un peu nunuche aux dents blanches, travaillant dans une maison de ventes aux enchères (Artcurial), se laissant embarquer par son mari dans un monde ennuyeux et tape-à-l’œil, après avoir divorcé du précédent, musicien et drogué. On se laisse glisser avec douceur dans cet environnement luxueux où le seul bruit que l’on entend est celui de la Tesla glissant sur l’allée gravillonnée de Rambouillet et où tout est léger et inconsistant, sauf les nombreux zéros des comptes en banque. C’est alors que survient une rencontre inattendue et l’histoire ne va pas se terminer très bien pour tout le monde…

Le film est agréable mais manque un peu d’énergie. On regrette l’humour décapant du Woody Allen d’antan. Jusqu’à quand fera-t-il encore des films ?

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« Marc Riboud, 100 photographies pour 100 ans » au musée des Confluences de Lyon

Le musée lyonnais des Confluences célèbre le centenaire de la naissance du photographe Marc Riboud (1923-2016). Issu de la grande famille bourgeoise lyonnaise des Riboud, il emprunte des chemins plus artistiques que ses frères, capitaines d’industrie. Ingénieur centralien diplômé après la seconde guerre mondiale il préfère courir le monde avec son appareil plutôt que de construire des ponts. Il imprime sur la pellicule nombre des grands évènements de la deuxième moitié du XXème siècle : les indépendances africaines, la guerre d’Algérie, celle du Vietnam, l’ouverture de la Chine au monde, etc.

La présente exposition a sélectionné 100 photos parmi des dizaines de milliers issues de ses pérégrinations. Les clichés sont en noir-et-blanc, méthode favorite de l’artiste, centrées majoritairement vers l’Asie qui intéressait tant l’artiste. Certaines sont devenues iconiques comme celle de la manifestante américaine opposant des fleurs aux baïonnettes de la garde nationale lors d’une manifestation contre la guerre du Vietnam en 1976. D’autres sont terribles comme celles des gamins errant dans les ruines de la capitale impériale de Hué après les terribles bombardements américains en 1968.

Washington DC 1967, manifestation contre la guerre du Vietnam

Il y en a aussi de bien plus paisibles, montrant les paysages embrumés d’un lever du jour dans les Montagnes Jaunes ou de Dacca dans les fumées des braseros des cuisinières de rues.

Dans une interview il parle de sa technique et du regard que doit porter l’artiste pour réussir une photo. L’appareil n’est rien et le sien était loin d’intégrer tous les automatismes inclus dans ceux d’aujourd’hui. Il devait se débrouiller avec trois boutons : la vitesse, l’ouverture et la distance, tout en précisant qu’un pianiste doit quant à lui gérer bien plus de touches…

On sent le photographe appliqué à restituer le monde tel qu’il le voit : indéchiffrable s’agissant de la nature, le plus souvent dévastateur lorsque l’homme est alentour. Un univers en noir et blanc !

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« Nicolas de Staël » au musée d’Art Moderne de Paris

Nicolas de Staël (1913-1955) est exposé à Paris. Peintre né à Saint-Pétersbourg dans une famille noble qui émigre au moment de la révolution bolchévique en Pologne où ses parents décèdent, il est ensuite accueilli dans une famille aimante en Belgique avec ses deux sœurs où sa passion pour la peinture est révélée. Il poursuit ensuite son chemin en France (il est naturalisé en 1948) jusqu’à son suicide à Antibes à l’âge de 41 ans. Personnalité « intranquille et mélancolique » il vit des passions amoureuses tout au long de sa vie et l’éloignement de Jeanne Polge, le dernier amour de sa vie, n’est sans doute pas étranger à sa fin tragique. Jeanne lui avait été présentée par René Char avec qui le peintre entretint une forte amitié, parfois houleuse.

La rétrospective suit l’inspiration et le travail de l’artiste tout au long de sa trop courte vie, en commençant par les tableaux abstraits, un peu confus et torturés, à base de couleurs sombres, noir ou marron. Différents voyages et résidences au sud de la France et en Italie vont progressivement ouvrir le peintre à la couleur dont le musée d’Art Moderne présente nombre d’œuvres flamboyantes illustrant ses séjours à Antibes, en Normandie, au Lavandou, en Sicile, en Ile-de-France ; des paysages dessinés à gros traits entassés de peinture épaisse, des couleurs éclatantes et originales relatant la vision très singulière du peintre, des formes floues évoquant des personnages sur la plage ou des bateaux en mer, des perspectives très épurées ; mais aussi des portraits du même acabit, notamment celui de sa fille Anne qui raconte dans une vidéo qu’elle avait 11 ans quand son père l’a fait poser dix minutes dans la maison de Ménerbes pour peindre ensuite la toile présentée aujourd’hui, une merveille de couleurs, de silhouette esquissée et de formes floues et fuyantes dont la grâce restitue toute la fragilité de l’adolescente. Il y a aussi nombre de tableaux des femmes qui l’ont inspiré, toujours de la même veine, des formes de corps évoquées dans la couleur plus que de véritables portraits.

De Staël a commencé à vendre et exposer ses toiles dans les années 1950 et put sortir ainsi progressivement de la précarité matérielle qui a marqué ses débuts. Curieux et l’œil toujours en éveil il peint aussi des tableaux de grande dimension après avoir assisté à des concerts de musique, classique et jazz, ou à des matchs de football. Travailleur acharné il laisse de nombreuses toiles inachevées à sa mort en 1955.

Nicolas de Staël fut un peintre fulgurant, emporté par ses passions, qui a marqué son époque. Ami de Braque, de Char, de Boulez, il a développé une insatiable soif de vivre que son œil et son talent hors du commun lui ont permis de restituer sur des toiles magiques. Quelle tristesse qu’il n’ait pu résister au côté sombre de sa personnalité qui lui fit interrompre prématurément sa vie et une œuvre artistique importante !

Toute ma vie j’ai eu besoin de penser peinture, de voir des tableaux, de faire de la peinture pour m’aider à vivre, me libérer de toutes les impressions, toutes les sensations, toutes les inquiétudes auxquelles je n’ai jamais trouvé d’autres issues que la peinture.

Nicolas de Staël
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« Gertrude Stein & Pablo Picasso – l’invention du langage » au musée du Luxembourg

En 1905 la poétesse-écrivaine-féministe américaine Gertrude Stein, installée à Paris, rencontre Pablo Picasso, jeune peintre espagnol en devenir. Gertrude est par ailleurs collectionneuse d’art avec ses frères et uns solide amitié va se lier entre ces deux personnages. Par son œuvre littéraire et poétique, complexes, elle s’attache à inventer une nouvelle écriture, un usage réinventé des mots. Picasso de son côté œuvre au même objectif en dynamitant les normes de la peinture en ce début de XXème siècle. Il se dit qu’il n’a jamais lu les ouvrages de sa comparse mais qu’une étroite complicité est née dès leur rencontre pour révolutionner l’art d’écrire et celui de peindre. On dirait aujourd’hui qu’ils ont « déconstruit » les normes artistiques du moment avec une vision du réelle très singulière.

Le musée du Luxembourg présente cette collaboration improbable entre ces deux exilés et l’influence qu’elle eut sur l’art de l’époque : l’apparition du cubisme avec des toiles de Picasso, Braque, la musique avec John Cage, la danse avec Merce Cunningham… C’est dans la foulée de l’influence de Picasso et Stein que naîtra aussi la culture underground.

Le nom de Picasso dans le titre de l’exposition est attractif mais il y a finalement assez peu de toiles du maître qui sont montrées au Luxembourg, c’est plutôt de son influence dont il est question et de tout ce qui a suivi et accompagné son inventivité. Tout ceci est un peu étrange, voir hermétique, pour le visiteur lambda mais on sent ici le souffle de visionnaires qui ont façonné l’art moderne en Occident.

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« India Song » de Marguerite Duras

Ce film intemporel de Marguerite Duras est sorti en 1975, inspiré de son roman Le Vice-Consul publié en 1966. Nous sommes dans « les Indes » de l’empire britannique dans les années 1930, l’ambassade de France est encore située à Calcutta et nous suivons les déambulations d’Anne-Marie Stretter (jouée par Delphine Seyrig), épouse de l’ambassadeur dans les salons de la résidence où se déroule une réception diplomatique. On ne visualise que le salon où trône un piano à queue, et les cours de tennis dans le parc. Tout est filmé de nuit ou au crépuscule, le bâtiment est un peu décati comme le deviennent rapidement les immeubles, et les gens, sous les climats tropicaux (en fait le film a été tourné en France). Les personnages ne parlent pas, se contentant de glisser sur les tapis usés au milieu des miroirs et des fumées d’encens. Ce sont des voix off qui narrent l’ersatz d’histoire. Il y a Anne-Marie et quatre bellâtres, dont l’un qu’on imagine être l’ambassadeur, et le vice-consul de Lahore de passage à Calcutta. Ce dernier est follement amoureux de la femme de l’ambassadeur ce qui l’amène à des comportements inappropriés dans son exil du Pendjab : il tire au fusil sur les lépreux. La deuxième partie du scénario se déroule sur une ile sur le Gange, sorte de résidence d’été pour ce petit milieu diplomatique désœuvré.

Tout est lent, moite et pénible. Il est question de solitude, de tromperies et d’amour vain. Ce personnel français exilé à l’autre bout du monde vit dans son cocon où le plus grand danger semble venir les moustiques et de l’ennui qui les ronge. Les attachés d’ambassade sont préoccupés par la séduction d’Anne-Marie autant que par leur prochaine affectation.

La diction des voix-off est aussi mystérieuse (et parfois irritante) que le parti-pris du scénario d’une grande immobilité pour rendre le néant de la vie de ces Robinson du Bengale. On n’entend très peu de bruit de fond sinon quelques croassements de grenouilles et des bourdonnements de moustique. Tout est feutré et silencieux. Les personnages ne remuent pas les lèvres sauf pour effleurer parfois celles de l’ambassadrice. Ceux qui connaissent un peu le milieu diplomatique européen dans ces contrées tropicales y retrouvent quelques évocations de ce microcosme parfois lunaire.

Tout se termine mal pour le vice-consul amoureux et l’on apprend qu’Anne-Marie est enterrée à Calcutta… C’est un film étrange que l’on peut revoir aujourd’hui en version remastérisée. Il faut être patient et ouvert, Marguerite Duras n’est pas une créatrice simple.

Il y avait cinq spectateurs dans la salle Pathé au lancement du film ce samedi, nous n’étions plus que trois pour le générique de fin…

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« Un métier sérieux » de Thomas Lilti

Thomas Lilti a réalisé ce joli film sur la vie d’une équipe de professeurs dans un collège de la région parisienne, on croirait presque un documentaire tant semble réaliste cette tranche de vie dans un établissement qui ne semble ni trop favorisé ni pas assez. La fiction ne sombre pas dans le misérabilisme habituel lorsqu’on évoque le thème de l’éduction nationale, mais relate la vie « normale » d’une bande d’enseignants de tous âges dans l’exercice de leur métier, eux-mêmes soumis à leurs propres difficultés avec leurs enfants, leurs couples…

Le collège vit sa vie, au gré des petits évènements qui font son ordinaire, les enfants sont normalement agités, certains un peu plus que d’autres, l’équipe pédagogique est engagée dans sa noble tâche, discutaille sur les enfants dans la salle des professeurs, boit du champagne pour fêter l’anniversaire de leur aîné, se chamaille avec le directeur à la vision administrative, mais il faut bien administrer cette société, et tout ce monde cherche à faire fonctionner pour le mieux ce collège au service de l’éducation des plus jeunes.

Les acteurs sont à leur place et jouent avec humilité le rôle de ces milliers d’enseignants qui, bon an mal an, enseignent à nos enfants à travers la France : le jeune (Vincent Lacoste) qui découvre le métier, l’ancien (François Cluzet) qui apaise ses collègues et les enfants, les autres (Adèle Exarchopoulos, Louise Bourgoin…) chacun animé de ses convictions et de ses doutes. On est probablement là au cœur de ce qu’est un collège moyen en France, ni point de deal, ni rassemblement d’enfants de CSP+, avec une équipe de professeurs motivés et impliqués. Ainsi va l’enseignement en France qui, cahin-caha, prépare les jeunes générations à assumer la direction du pays lorsque les vieux seront à la retraite.

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« L’été dernier » de Catherine Breillat

L’histoire se déroule dans une famille bourgeoise, lui chef d’entreprise, elle avocate, toujours un verre à la main, hôtel particulier dans les bois, équitation pour les deux petites filles asiatiques adoptées, grosses voitures allemandes garées sur allées gravillonnées, lorsque le fils de son mari entre dans le paysage, sorte de post adolescent, mi-gouape mi-ange, et déclenche l’attirance physique de sa belle-mère.

Elle va se laisser aller à cette passion charnelle, pleine de remords et de désir. Lui y trouve du plaisir et une revanche contre son père. Mais il va aussi croire tomber amoureux. Lorsque l’affaire éclate au grand jour, elle nie pour sauver son couple et sa carrière, il l’attaque en justice pour se venger, peut-être pour préserver un amour impossible, peut-être pour y trouver un avantage financier, sans doute les deux. Le mari croit aux dénégations de son épouse avant de se rendre à l’évidence…

Ce film de Catherine Breillat relève du sujet de cœur de l’écrivaine-réalisatrice : le sexe, en l’occurrence, l’attirance d’une quinqua pour la chair fraiche. Il arrive que le désir fasse tomber les règles de bienséance ou empêche d’agir avec raison. C’est une vieille histoire, plutôt bien racontée dans ce film.

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« Anatomie d’une chute » de Justine Triet

Palme d’or 2023 du Festival de Cannes ce film démonte la mécanique infernale du soupçon et de la justice qui écrasent une mère et son fils de 10 ans à la suite du décès du père et mari de façon violente. Est-ce un meurtre ou un suicide ? Si nous sommes dans le premier cas, la mère est-elle coupable ? Elle est en tout cas inculpée et voit ressortir toute sa vie au procès auquel assiste son fils qui devra lui-même témoigner.

Le fils était parti en promenade avec son chien au moment du drame, c’est lui qui retrouve le corps de son père au pied du chalet de montagne qu’ils habitent tous les trois, un peu loin de monde. Seul le couple était sur place. Elle est écrivaine à succès, lui cherche à l’être et est professeur. Le couple est déchiré depuis quelques temps : bataille d’égos, frustrations de créateurs, affrontement des ambitions, amour à la dérive, prétentions à l’exclusivité de l’amour du fils (qui subit son handicap à la suite d’un accident alors qu’il était sous la responsabilité de son père) …

Tous ces ingrédients de vies relativement ordinaires ressortent au procès, sont utilisés et abusés par un avocat général persuadé de la culpabilité de cette femme allemande, à la froideur toute germanique, contrecarrés par l’avocat de l’accusé, à moitié amoureux de sa cliente. On a même l’intervention au procès du psychanalyste du défunt qui dévoilent ce qu’il a compris de sa personnalité. Le rôle du gamin cherchant sa vérité dans ce drame dont il est un des acteurs est magnifiquement joué. La mère est acquittée, son fils est rassénéré. La justice a parlé mais le spectateur peut s’en faire une autre idée.

Un beau film sur le thème du déraillement de la vie lorsqu’un grain de sable s’y faufile, en l’occurrence la mort d’un homme, et sur tous ces petits détails insignifiants de nos existences de tous les jours qui peuvent nous revenir en boomerang lorsqu’un processus judiciaire devient nécessaire. Crime ou suicide, on ne sait forcément si la vraie vérité est conforme à la décision de la justice. Mais que ce soit l’une ou l’autre des deux hypothèses, les dommages sont irréparables pour les survivants qui vont sans doute traîner doutes et regrets pour encore longtemps. Il faut être fort pour continuer à vivre avec les suites d’un tel bouleversement.

On aurait pu se passer de la déclaration incendiaire de la réalisatrice contre la réforme des retraites en France lors de la cérémonie de remise de son prix à Cannes, dans un pays où la culture reste encore significativement subventionnée par les contribuables. Il faut bien trouver l’argent quelque part…

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Musée de Pont-Aven

Au cœur de la charmante petite cité bretonne de Pont-Aven dans le Finistère sud, son musée retrace l’histoire des peintres qui sont venus s’y inspirer et créer de nouveaux styles pour dépasser l’impressionnisme. Les artistes ont été touchés par la symphonie des lumières, l’estuaire de l’Aven changeant au gré des marées, les magnifiques paysages maritimes adoucis sur les rives du golfe et l’accueil chaleureux de la population qui met aussi à profit la fréquentation de ces artistes bohèmes pour développer hôtels et bistrots. C’est l’américain Robert Wylie qui inaugure le lieu dès les années 1860, provoquant l’arrivée de nombre de ses collègues anglo-saxons. Puis Gauguin (1848-1903) rendit célèbre Pont-Aven où il séjourna à plusieurs reprises entre ses voyages en Polynésie.

Le peintre Maurice Denis (1870-1943) a théorisé ce nouveau style avec Paul Sérusier, Gauguin et d’autres, qualifié de « synthétisme ». C’est comme un passage de l’impressionnisme vers l’abstraction, une sortie du carcan de l’académisme de l’époque. Les toiles sont en « deux dimensions », les personnages sont vaguement dessinés sans plus de précision qu’un liseré noir qui en marque le contour, les paysages sont des plaques de couleurs réunies entre elles (parfois « cubistes »), la perspective est étouffée dans l’ensemble.

A la fin du XIXème siècle, une quête de mysticisme saisissait le monde artistique dont Gauguin fut l’un des plus célèbres parangons, se représentant parfois avec le Christ comme dans les célèbres tableaux de 1889 « Portait de l’artiste au Christ jaune », inspiré du Christ en croix de couleur jaune que l’on peut toujours voir à la Chapelle de Trémalo dans un petit bois au-dessus de Pont-Aven, ou du « Christ vert », reprenant le calvaire de l’église de Nizon un peu plus loin sur la commune de Pont-Aven.

Maurice Denis, Paul Sérusier et Paul Gauguin vont faire prospérer ce qui deviendra « l’école de Pont-Aven » à l’orée du XXème, à la fois quête de spiritualité et innovation artistique. Le petit bourg est ponctué de panneaux scriptovisuels devant les situations que l’on retrouve sur leurs peintures : les lavandières sur l’Aven, les baigneuses dans le Bois d’Amour, les moulins à grains au bord de l’eau…

Un peu plus tard, le poète breton Xavier Grall (1930-1980) poursuivra cette quête mystique à travers ses mots. Il est aussi fêté dans la ville avec un parcours dédié.

Nous referons cette Cornouaille mortelle, secrètement dans le lit des hautes herbes. Et ton corps aux semences mélangées engendrera tout un pays de fougères et de genêts.

Xavier Grall

Bien sûr, le modeste musée de Pont-Aven n’a pas pu acquérir les toiles que ces géants y ont peintes. Il expose néanmoins des tableaux intéressants d’artistes moins connus et les utilisent pour retracer le destin de cette petite cité du Finistère sud, endormie au bord d’une charmante rivière donnant sur l’océan, qu’un improbable hasard et l’exceptionnelle créativité des peintres qui l’ont découverte il y a plus d’un siècle, ont transformée en source d’inspiration pour une génération d’artistes majeurs.

Artistes Voyageuses

Une exposition temporaire est consacrée aux « Artistes voyageuses » de la fin du XIXème jusqu’à 1944. Les femmes ont alors des droits civiques limités. Elles ne peuvent notamment pas accéder à l’Ecole des Beaux-Arts. Certaines, précurseurs, vont secouer l’immobilisme de la société de la IIIème République et, en 1900, un atelier de peinture réservée aux femmes est ouvert aux Beaux-Arts dont nombre de nos artistes voyageuses sont issues.

Ces femmes valeureuses sont parties découvrir le monde, principalement eu sein de l’empire colonial qui s’étendait de l’Afrique à l’Indochine en passant par des possessions dans l’océan Indien.

Elles en ont rapporté des tableaux, des photographies et des récits. Alexandra David-Neel fut la première femme à rentrer dans Lhassa au tibet en 1924. Isabelle Eberhardt s’est attachée à sa découverte de l’Algérie en se convertissant à l’islam, en parlant arabe, en parcourant le désert en tous sens habillée en homme, y croisant Lyautey et en déplorant les méfaits de la colonisation avant d’être emportée par la crue d’un oued en 1904.

Lire aussi : CHARLES-ROUX Edmonde, ‘Nomade j’étais – Les années africaines d’Isabelle Eberhardt’.

Ces femmes ont beaucoup peint et dessiné. Des podcasts sont mis à disposition des visiteurs qui peuvent écouter des extraits de leurs récits. Le musée expose certaines de ces œuvres qui ont aussi aidé à faire connaître l’ailleurs et, parfois, à dévoiler la triste situation de la colonisation, largement cachée par les expositions coloniales.

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« Every day is Saturday” de Tom Wood au Centre d’art GwinZegal (Guingamp)

Tom Wood est un photographe né en Irlande en 1951, qui vécut une grande partie de sa vie près de Liverpool. Passionné par le dessin dès son plus jeune âge, il quitte l’usine de voitures dans laquelle il travaillait comme son père, pour suivre les cours d’une école d’art dont il ressort peintre avant de s’orienter vers la photo.

S’il réfute le qualificatif de photographe « documentaire » que lui a attribué Martin Parr, il dit être à la recherche de LA bonne photo quel qu’en soit le sujet. Il n’en demeure pas moins qu’il a « documenté » nombre de sujets sociaux car tel était l’environnement de sa jeunesse dans une ville en pleine décrépitude : libéralisme échevelé de la politique « thatchérienne » mise en œuvre à l’époque avec son cortège de fermeture d’usines, de chômeurs, de jeunesse désœuvrée…

Ses photos sont principalement des portraits de ces hommes et femmes de toutes générations, en groupe ou solitaires, prises dans le bus, dans les pubs, dans les usines, dans les banlieues décrépies… En couleurs ou en noir-et-blanc elles forment la mémoire de ce temps et marquent l’œil bienveillant de leur auteur. Une exposition de photos de Tom Wood c’est en fait un livre d’histoire.

C’est le Centre d’art GwinZegal qui expose Tom Wood aujourd’hui. L’ancienne prison de Guingamp a été reconvertie en lieux tourné vers la photographie, non seulement à titre de musée, mais surtout un espace de création avec des artistes en résidences, des ateliers pédagogiques sur l’image. D’ailleurs, après Wood, le visiteur poursuit dans une salle adjacente où il peut regarder l’exposition « Les yeux ouverts – l’école du regard », fruits photographiques du travail réalisé par des habitants de la région, encadrés par des artistes, pour matérialiser leur représentation du monde qui nous entoure.

Lire aussi : « Un village » exposition Madeleine de Sinéty au Centre d’Art GwinZegal de Guingamp

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