L’Allemagne fête (plutôt
discrètement d’ailleurs) le trentième anniversaire de sa réunification en 1989 :
République fédérale d’Allemagne (RFA) et République démocratique d’Allemagne (RDA).
La presse qui aime bien de genre de célébration, surtout lorsqu’elles sont un
peu pleurnichardes, repasse en boucle des interviews d’allemands ex-de l’est ânonnant
« c’était mieux avant » ou « la RFA n’a pas réunifié mais a prononcé
un anschluss contre la RDA »,
etc. etc.
Cela fait longtemps que l’illusion
de la troisième voie entre capitalisme et socialisme s’est envolée. Le remède a
été brutal une fois la décision de réunification prise. C’est début 1990 que
les premières élections libres ont eu lieu coté Est et ont porté au pouvoir une
majorité composée des partis conservateurs pro-unification. Le processus s’est
ensuite déroulé rapidement et fin août le parlement de l’Est votait l’adhésion
avec effet au 03/10/1990. On ne parle déjà plus de réunification mais d’adhésion
de la RDA à la RFA, cela veut bien dire ce que cela veut dire. Cette première
disparaît dans l’instant avec son idéologie, ses attributs de pouvoir, y
compris sa monnaie avec une parité de 1 pou 1 entre le Deutsche mark et son équivalent
de l’est, ce qui fut déjà un fantastique cadeau monétaire offert à l’est. Mais
le plus fort à mangé le plus faible, Darwin toujours…
L’économie est-allemande
fut ensuite privatisée, voire démantelée, à marche forcée et 50% des
travailleurs de l’est se retrouvèrent au chômage, notion inexistante dans la
République démocratique qui truquait allègrement des statistiques officielles
pour cacher la misère. Il n’en reste pas moins que le système était extrêmement
redistributif, la notion de profit étant verboten la population active finançait via l’Etat la population improductive, la police
politique s’occupant des éventuels opposants.
Evidemment le choc
socio-économique a été dévastateur ; la mise à niveau, toujours
incomplètement réalisée d’ailleurs, fut violente mais la liberté occidentale
fut offerte en échange. Personne n’ayant eu d’autre programme de transition à
proposer, elle fut ainsi appliquée aux forceps ! Et si cela n’a pas plu, eh
bien il suffisait de ne pas voter pour… C’est un peu comme les fusions entre
entreprises ; celles qui sont présentées comme une « fusion entre
égaux » sont des échecs, voire des escroqueries. La seule façon de réussir
ces rapprochements c’est que le plus fort prenne le pouvoir rapidement pour
imposer sa gestion et ses principes de façon carrée et rapide. Une fois la
machine relancée sur de nouvelles bases, il est toujours temps d’être un peu
plus flexible, ou pas. Mais si l’on commence à prendre la main des uns et des
autres pour connaître leurs états d’âme, la fusion se termine en enterrement du
tout, et donc des parties qui le composent.
Aujourd’hui les allemands
mécontents, de l’est comme de l’ouest, votent pour les partis d’extrême droite,
triste retour vers le passé. Sur les plateaux télévisés en cette année
anniversaire, on se lamente sur les inconvénients de la réunification, on passe
les avantages sous le tapis et personne n’a de meilleures idées sur comment le
processus aurait dû être mené ! Mais l’Allemagne a été rétablie dans ses
frontières d’avant la guerre, juste un peu rognées à l’est (la ligne Oder-Neisse)
et au sud (les Sudètes en Tchécoslovaquie), le Reichstag est réinvesti à
Berlin, les armées fusionnées, les dettes partagées, la monnaie unifiée… et
tout ceci en un ou deux ans. Personne n’aurait cru un instant une telle action
possible, et pourtant elle fut, grâce entre autres à la volonté du chancelier
de RFA, Helmut Kohl (1930-2017) qui a su insuffler l’énergie et la vision
nécessaires à un tel chef d’œuvre politique et économique.