La niche fiscale dont bénéficient les titulaires de carte de presse en France leur permet une déduction sur leurs revenus imposables dont ne bénéficient pas les autres citoyens.

Le racolage des médias du groupe Canal+ et les règles de l’ARCOM

Riss / Charlie Hebdo (23/11/2022)

La ministre française de la culture, Rima Abdul Malak, a exposé dans une interview au journal Le Monde sa position concernant les médias du groupe Canal+, majoritairement indirectement détenu par la famille Bolloré, et dont les chaînes C8 et CNEWS atteignent un niveau himalayen de vulgarité et d’abrutissement des masses.

L’automne a été marqué par des débordements dans l’émission « Touche pas à mon poste ! », sur C8.

Les réponses apportées par l’Arcom vous paraissent-elles adaptées, suffisamment rapides, et à la hauteur de l’émoi suscité ?

Nous ne pouvons pas, d’un côté, reprocher à Cyril Hanouna de réclamer une justice expéditive pour le meurtre de Lola [une adolescente de 12 ans tuée à Paris, mi-octobre] et, de l’autre, faire appel à une forme de justice expéditive pour lui ! Nous sommes dans un Etat de droit, il faut respecter le temps des procédures – je rappelle qu’il est arrivé que le Conseil d’Etat donne tort à l’Arcom.
L’Autorité dispose d’un panel de moyens d’action et de sanctions prévu par la loi. Elle est intervenue une vingtaine de fois depuis 2019 à propos de C8 et de CNews. Il faut responsabiliser les présentateurs, les chroniqueurs, mais aussi les patrons de chaînes, pour leur rappeler que l’autorisation d’utilisation gratuite de leurs fréquences s’accompagne d’obligations, comme celle de traiter les affaires judiciaires avec mesure, celle de respecter le pluralisme des opinions, etc. Lorsqu’on arrivera, en 2025, au moment de l’analyse de leur bilan pour la reconduction de leurs autorisations de diffusion, l’Arcom saura regarder comment elles ont respecté ces obligations.

(https://www.lemonde.fr/culture/article/2023/01/16/rima-abdul-malak-la-vague-du-populisme-sera-tres-violente-pour-la-culture_6158000_3246.html)

Cette position, somme toute frappée au coin du sens, a déclenché un hourvari de réactions contre la ministre sur les médias du groupe Bolloré, accusée de censure et de tous les maux. C’est de bonne guerre mais il suffit de passer un peu de temps sur ces deux chaînes pour rendre hommage à la modération de la ministre.

Les deux conventions liant C8 et CNEWS sont disponibles en téléchargement sur le site web de l’ex-Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). Elles présentent la même structure avec un chapitre 2-3-4 consacré aux droits de la personne :

[L’éditeur] ne doit diffuser aucune émission portant atteinte à la dignité de la personne humaine telle qu’elle est définie par la loi et la jurisprudence.
Il respecte les droits de la personne relatifs à sa vie privée, à son image, à son honneur et à sa réputation tels qu’ils sont définis par la loi et la jurisprudence.
Il veille en particulier :
– à ce qu’il soit fait preuve de retenue dans la diffusion d’images ou de témoignages susceptibles d’humilier les personnes ;
– à éviter la complaisance dans l’évocation de la souffrance humaine ainsi que tout traitement avilissant l’individu ou le rabaissant au niveau d’objet ;
– à ce que le témoignage de personnes sur des faits relevant de leur vie privée ne soit recueilli qu’avec leur consentement éclairé ;
– …
Il fait preuve de mesure lorsqu’il diffuse des informations ou des images concernant une victime ou une personne en situation de péril ou de détresse.

Les engagements en faveur de l’honnêteté et de l’indépendance de l’information sont du même acabit, et guère plus respectés par ces deux médias d’opinion qui disposent à titre gratuit de fréquences de la télévision numérique terrestre (TNT) délivrées par l’ARCOM (ex-CSA) sous réserve qu’ils respectent leurs engagements formalisés dans les conventions.

Regardez 10 mn l’émissions de C8 « Touche pas à mon poste » (TPMP) et vous comprendrez rapidement que le respect de l’engagement sur les droits de la personne peut être discuté tant les monceaux d’ordure, de bêtise crasse et de racolage des bas instincts déversés sur les téléspectateurs sont écrasants. L’Arcom a déjà eu à décider d’amendes à l’encontre d’animateurs et des chaînes elles-mêmes pour non-respect des conventions d’attribution des fréquences TNT.

Il est bien sûr du devoir de l’autorité publique représentée par l’Arcom de vérifier si les engagements pris ont été suivis d’effet, ou pas, avant de réattribuer les fréquences qui sont un bien public. Canal+ peut s’égosiller contre l’Etat, il est juste demandé à ses affidés d’essayer de pousser leurs téléspectateurs vers l’intelligence plutôt que de les enfoncer dans un abrutissement désespérant.

Nous avons été profondément choqués par les propos tenus par Madame la Ministre de la Culture, Rima ABDUL MALAK, ce matin dans la matinale de France Inter. Près de cinq minutes de son intervention ont été consacrées à la critique de notre Groupe et à des invectives contre nos chaînes C8 et CNEWS. En laissant à nouveau entendre que les licences de nos chaînes ne mériteraient pas d’être renouvelées en 2025 alors même qu’elle se refuse de commenter la procédure de renouvellement d’autres acteurs de l’audiovisuel, Madame la Ministre prend parti, sort de sa réserve et ne respecte pas l’indépendance de notre régulateur sectoriel. Ce faisant. Madame la Ministre, garante de la liberté d’expression, porte non seulement atteinte à la crédibilité et à la probité de nos chaînes mais critique aussi le travail de nos équipes et suscite l’inquiétude de nos salariés en menaçant la pérennité de leur activité professionnelle. Le Groupe CANAL+ est fier du travail que réalise quotidiennement l’ensemble des collaborateurs de C8 et CNEWS qui rassemblent chaque jour près de 11 millions de citoyens.

Communiqué Canal+

Ces deux chaînes symbolisent ad nauseam la décadence intellectuelle et morale dans laquelle s’enfonce la France. Comment voulez-vous qu’un pays qui compte 7 millions de followers (10% de la population) du compte Twitter de Cyril Hanouna, animateur de TPMP, puisse être tourné vers l’avenir, l’innovation et l’intelligence ? Il n’est pas exclu par ailleurs que M. Hanouna soit titulaire d’une carte de presse lui octroyant ainsi le statut de « journaliste » et la niche fiscale indue qui va avec. D’ailleurs une partie de la dernière campagne présidentielle s’est tenue sur son plateau, les politiques compromettant ainsi avec la stupidité arguant que c’est la seule façon de joindre « les jeunes ». Jusqu’où faudra-t-il aller dans la compromission ?

Il serait œuvre de salut public de forcer ces deux chaînes à respecter leurs engagements !

Lire aussi : Une soirée sur Télé-Bolloré

La chaîne FR2 tente de se justifier

On se souvient de l’émotion crée dans ces colonnes par l’interview nauséabonde d’une gamine ukrainienne par la télévision publique France 2.

Lire aussi : Le racolage de journalistes indignes

Cette émotion fut telle que nous avons jugé utile d’en faire fart au « médiateur information » de la télévision publique ce 8 mars par le message suivant déposé sur la plateforme de France Télévisions.

« Date de diffusion : 26/02/2023

Le commentaire : Le JT du soir a présenté un reportage d’une famille ukrainienne de retour dans son village. Une adolescente est interviewée et il lui est fait raconter la mort de sa mère dans un bombardement russe, puis l’interview se termine avec la question « ta mère te manque ? ». Les larmes qui affleurent dans les yeux de la jeune fille sont éloquentes. Je trouve fort peu délicate cette interview d’une gamine sur ce sujet. BIen sûr que sa mère « lui manque » !!! Ne serait-il pas opportun que la journaliste face preuve d’un peu plus de subtilité, de sensibilité, devant la peine de cette ado ? Fallait-il vraiment la faire pleurer pour que le reportage soit diffusable ? Ce type d’interview m’apparaît peu éthique. On peut évoquer la tragédie de la guerre d’Ukraine sans accroitre encore le traumatisme des enfants qui la vivent. »

La réponse du médiateur est tombée dans la même journée :

« Bonjour Monsieur,

Merci pour votre message.

Nous pouvons totalement comprendre votre remarque. Cependant, si ce type de questions est posée par nos reporters, ce n’est pas pour faire « pleurer dans les chaumières » ni pour torturer ces victimes, mais pour rendre éloquentes les horreurs de la guerre. Bien sûr, certains téléspectateurs en ont déjà conscience et peuvent être choqués par ces interviews, mais d’autres mesurent l’étendue du drame seulement lorsque des images et des témoignages comme ceux-ci sont portés à leur connaissance.

Néanmoins, et encore une fois, nous vous accordons que cette question précise peut apparaitre comme déplacée. Nous transmettons donc votre message aux équipes du JT qui sont très attentives aux retours des téléspectateurs.

Bien cordialement,

Le service de la médiation de France Télévisions »

La réponse est un peu langue de bois en chêne massif mais éclaire sur la vision que les journalistes ont de leurs téléspectateurs considérant que sans « faire pleurer dans [leurs] chaumières » ils ne comprendront pas ce qui se passe dans cette guerre. C’est sans doute vrai lorsque l’on sait que la France est un pays qui compte plus de 7 millions de followers du compte Twitter d’un Cyril Hanouna et près de 3 millions pour Nabilla, mais cela ne devrait pas empêcher la télévision publique d’essayer d’améliorer le niveau moyen en s’interdisant le racolage médiatique et, dans le cas d’espèce, de traumatiser une gamine ukrainienne qui n’a vraiment pas besoin de ça pour le moment.

Notons quand même que le service « Médiation » de France Télévisions fonctionne à peu près correctement. Voyons maintenant si les « équipes du JT qui sont très attentives aux retours des téléspectateurs » réagiront.

Le racolage de journalistes indignes

Ce soir le journal télévisé de la chaîne publique France 2 interview deux gamines ukrainiennes de 12 et 16 ans, réfugiées en Allemagne avec leur père, après le décès de leur mère dans leur village ukrainiens. La « journaliste » demande à l’aînée de raconter l’épisode au cours duquel sa mère a reçu un éclat d’obus mortel et termine l’interview avec la question : « ta mère te manque ? ». Les larmes qui affleurent dans les yeux de la jeune fille sont éloquentes.

Comment le titulaire d’une carte de presse peut-il commettre des questions aussi stupides et indécentes ? Comment un être humain, même titulaire d’une carte de presse, peut-il ainsi torturer une gamine sur la mort de sa mère ? N’existe-t-il pas une commission d’éthique dans cette profession qui pourrait condamner ce genre d’ignominies journalistiques qui, hélas, se reproduisent trop régulièrement ?

Rappelons qu’en France le journaliste bénéficie d’une niche fiscale qui lui permet une déduction sur ses revenus imposables dont ne bénéficient les autres citoyens. Il faudrait a minima supprimer cet avantage fiscal indu aux bénéficiaires qui ignorent l’éthique, avant d’ailleurs de la supprimer à tous les journalistes puisqu’elle n’est pas justifiée.

Une soirée sur Télé-Bolloré

Riss/Charlie-Hebdo (30/01/2019)

Un petit zapping en soirée sur les chaînes détenues par l’homme d’affaires Vincent Bolloré permet de constater que la « ligne éditoriale » ne varie guère.

Sur CNEWS on regarde la Messe de l’Immaculée conception de la Vierge Marie à Cotignac, dite par un prêtre « issu de la diversité », ce qui ne manque pas de sel s’agissant d’une chaîne dont une bonne part du fonds de commerce est basée sur la critique de l’immigration. Sans doute considère-t-elle que l’Eglise est un « secteur en tension » nécessitant l’assouplissement de son dogme « immigration 0 ».

Sur C8 on voit dans l’émission menée par Cyril Hanouna une gamine, qui commence toutes ses phrases par « genre… » ou « j’étais en mode… » (ou encore « genre, j’étais en mode… »), expliquer comment à 14 ans elle envoyait des photos d’elle nue avec un « Youtuber » qu’elle accuse désormais de l’avoir mise sous emprise. Pour ceux qui l’ignore, rappelons qu’un « Youtuber », encore appelé « influenceur », est une personne qui diffuse des vidéos d’elle-même sur la plate-forme Youtube pour vanter les mérites d’une marque de vernis à ongles ou de shampoing. Elle est généralement rémunérée par lesdites marques et, pour les plus riches, installée à Dubaï, centre mondial du clinquant.

On se souvient de la légendaire intervention de Nabilla qui assurait la promotion de la cryptomonnaie bitcoin : Nabilla et le bitcoin.

Afin de poursuivre sa progression, M.  Hanouna a enrichi son équipe de commentateurs avec Jean-Marie Bigard, humoriste scatologique qui s’est illustré avec ses positions antivax durant la crise sanitaire de la Covid.

On se demande comment la famille Bolloré qui a démontré son intelligence et son efficacité dans le développement de ses affaires peut faire preuve d’une telle compromission dans des médias d’un si déplorable niveau ? Ce n’est sans doute pas par intérêt économique car ces médias sont généralement des gouffres financiers. Il s’agit probablement plus d’une question d’hubris pour la famille bretonne comme celui d’autres familles capitalistes françaises qui ont toutes acquis, ou pris des participations dans des médias : les Arnault (notamment Les Echos et Le Parisien), Pinault (Le Point et Point de vue), Dassault (Le Figaro), Drahi (Libération, BFM, RMC, L’Express), Niel (Télérama, La Vie, Nice Matin, Le Monde), Bouygues (TF1), etc. Alors que beaucoup ont investi dans les médias pour disposer d’un vecteur diffusant leur vision politique du monde (par exemple Dassault a acheté Le Figaro, journal « de droite », pas Libération, quotidien « de gauche »), la spécificité des Bolloré est d’avoir misé sur des médias abrutissant les masses. Elles sont effectivement un marché d’avenir mais quel plaisir cette famille peut-elle avoir de savoir que les animateurs qu’elle rémunère se vautrent dans la fange sans la moindre retenue ? C’est un mystère propre aux Bolloré. Un premier élément de réponse serait de savoir s’ils laissent leurs jeunes enfants regarder Hanouna le soir ?

Lire aussi : La pollution des neurones par les médias « populaires »

La Russie bombarde

Riss / Charlie Hebdo (11/05/2022)

Avec constance les experts militaires de plateaux télévisés, généralement des militaires en retraite ou des journalistes abonnés à « Air & Cosmos », prédisent la fin des stocks de missiles russes. Avec la même régularité ils sont démentis par les faits et des pluies de nouveaux missiles s’abattent sur l’Ukraine, de façon particulièrement intense après chaque revers de l’armée russe sur le terrain. La tactique russe est de détruire les infrastructures d’eau et d’électricité afin de pourrir la vie des civils ukrainiens. Quelques bombes tombent aussi sur les civils, plus ou moins par hasard, faisant des morts et blessés civils tous les jours dans le pays.

La ville de Kherson est symbolique de cette tactique. Elle a été évacuée par l’armée russe il y a deux semaines devant l’avancée de l’armée ukrainienne mais les soldats russes se sont installés à quelques kilomètres, de l’autre côté du fleuve, à portée de canons, et ils bombardent consciencieusement depuis tout ce qui bouge à Kherson afin de rendre infernale la vie des habitants qui ont eu l’outrecuidance d’accueillir les soldats ukrainiens en héros après leur propre évacuation. Le côté inextricable de ce champ de bataille est que dans l’esprit des Russes la ville de Kherson est… russe puisque cette région a été annexée par la Fédération. La Russie bombarde la Russie !

Dans le même temps, les civils ukrainiens qui le peuvent évacuent la ville de Kherson qui devient invivable, une petite victoire politique pour Moscou après la défaite militaire.

Lire aussi : Les inextricables imbroglios juridiques de la guerre d’Ukraine

Toujours plus bas

Charlie Hebdo (23/12/2020)

Jérôme Béglé, journaliste à l’hebdomadaire Le Point, passant une grosse partie de son temps sur les plateaux télévisés des chaînes appartenant à l’influenceur de l’ombre, homme d’affaires, Vincent Bolloré, chroniqueur « bon client » de la bande du Café du commerce de Pascal Praud, a comparé sur son plateau la ferveur des citoyens britanniques suivant les obsèques de leur reine Elisabeth II aux « obsèques de Johnny ». Sans le vouloir, ni sans doute le savoir, ce journaliste de circonstance, a illustré jusqu’à l’absurde ce qui différencie la noblesse de la vulgarité.

Qu’une telle comparaison ait pu germer dans son esprit en dit long sur le niveau de ses analyses et l’intérêt de ses articles.

Le journalisme et les statistiques

En ces temps de crise énergétique où l’accès au gaz est rendu plus onéreux du fait de la guerre entre la Russie et l’Ukraine, les plateaux télévisés suivent le niveau de remplissage des stocks de gaz français : 80%, 90%, 95%… semblant être satisfaits lorsqu’on approche les 100%. La crainte est de ne pas disposer d’assez de gaz pour les entreprises et les particuliers durant le prochain l’hiver. Très bien, mais personne ne pose la question de savoir combien de mois de consommation permettraient des stocks remplis à 100% ? Si la réponse est deux mois de consommation, par exemple, cela signifie que même remplis à 100% les stocks ne permettent pas de passer l’hiver.

Il est étonnant que des journalistes toujours prêts à lancer des sujets de polémique oiseuses ne posent pas cette question pourtant clé, préférant se focaliser sur un taux de remplissage qui n’a de sens que si on le complète par les informations de consommation. C’est l’éternel lien entre les flux et les stocks, concept qui semble un peu complexe pour les écoles de journalisme.

Rappelons cependant que les titulaires de carte de presse comprennent bien le fonctionnement de la niche fiscale dont ils bénéficient, sans trop de justifications évidentes, sous la forme d’un « abattement pour frais d’emploi » de 7 650 EUR/an. Le coût total de cette niche fiscale n’est pas documenté de façon transparente. Ce qui est certain est que si on la supprimait et qu’on en affectait le produit à la reconstitution des stocks de gaz on atteindrait plus vite les 100%. A moins que l’on ne subventionne les écoles de journalisme pour financer un cours d’économie sur les flux et les stocks ?

L’hystérie médiatique

Félix / Charlie Hebdo (17/06/2022)

Le résultat des élections législatives de juin dernier a donné une majorité de 250 députés au parti présidentielle qui reste la première force de l’assemblée nationale sans pour autant disposer d’une majorité absolue lui permettant de faire passer les lois de façon quasiment assurée à 100%. Les commentateurs de tous bords n’arrêtent pas de parler de situation « inédite ». On se demande bien ce qui justifie le choix de ce qualificatif tant la situation d’un parti présidentiel rencontrant des difficultés face à l’assemblée nationale ? Le général de Gaulle en 1958, M. Mitterrand en 1988 mais aussi nombre de pouvoirs bénéficiant de majorités dîtes « absolues » ont dû batailler contre leurs députés pour faire passer des textes. La plus emblématique fut la majorité socialiste du président Hollande qui s’est progressivement effritée avec l’émergence des « frondeurs » qui ont bloqué nombres de projets présidentiels. La situation politique d’aujourd’hui n’est donc pas inédite mais va nécessiter que le pouvoir négocie sa politique avec le parlement, ce n’est pas une hérésie, juste un changement d’habitudes !

Les mêmes commentateurs à la recherche de grands mots parlaient déjà de réélection « historique » du président Macron en avril qui aurait été le seul président depuis de Gaulle à être « réélu hors période de cohabitation ». Il est certain que si on élimine tous sont qui ont été réélus dans le passé le cas de Macron est « inédit ». La vérité est que sur huit présidents de la cinquième République, l’un est mort, un autre ne s’est pas représenté pour un second mandat, quatre ont été réélus et, donc, deux n’ont pas été réélus. Qualifier la réélection d’un président de la Vème République « d’historique » est inapproprié et relève du racolage médiatique.

Saint Bolloré et ses apôtres veillent sur leurs téléspectateurs

Félix / Charlie Hebdo (20/01/2021)

Les médias détenus par l’homme d’affaires breton Vincent Bolloré diffusent la bonne parole le dimanche. On connaît les convictions catholiques traditionnalistes du patron, alors elles sont déclinées le dimanche sur l’antenne. « En quête d’esprit » d’Aymeric Pourbaix le matin pour aborder « l’actualité d’un point de vue spirituel et philosophique », « Face à Rioufol » le soir. Véronique Jacquier, commentatrice pieuse et conservatrice, fait le lien entre les deux programmes auxquels elle participe.

Yvan Rioufol est chroniqueur au Figaro et sur CNEWS, plutôt anti-gouvernement actuel sans que l’on sache vraiment quelle offre politique emporterait son agrément, plus que sceptique sur les politiques sanitaires et climatiques appliquées ou envisagées, se plaignant régulièrement de la « dictature sanitaire » dans laquelle le fait vivre le pouvoir français. Il recevait ce soir Laurent Toubiana, chercheur épidémiologiste qui s’est rendu célèbre par des positions anti-establishment lors de l’épidémie de Covid, et Christian Gerondeau (84 ans), que les anciens connaissent comme le Délégué à la sécurité routière dans les années 1970, et qui consacre sa retraite à développer des thèses climato-sceptiques.

Lire aussi : Le Café du commerce sur CNews
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Rioufol et Jacquier ont du mal à cacher leur jubilation en écoutant ces invités dont ils partagent les convictions. De la religion le matin à l’actualité post-scientifique le soir, la chaîne Bolloré surfe sur le dogme. C’est une orientation qui rencontre de plus en plus de téléspectateurs et de militants. CNEWS en est l’un des piliers.

Le groupe Bolloré a récemment annoncé la vente de tout son business de logistique et de transport en Afrique, ce qui devrait lui rapporter quelques milliards d’euros. Vincent Bolloré (70 ans) que l’on qualifiait de « Mozart du cash-flow » à l’époque où il a construit son groupe risque d’investir ce nouveau trésor dans d’autres médias pour saturer le paysage audiovisuel de ses idées. Espérons que les médias plus orientés sur le journalisme que la croyance survivront pour pouvoir continuer à opposer la contradiction.

Les médias toujours à leur limite d’incompétence

Alors que le deuxième tour des élections présidentielles françaises doit se dérouler ce dimanche 24 avril, le traditionnel débat télévisé entre les deux candidats finalistes Marine Le Pen et le président actuel, Emmanuel Macron, est programmé demain mercredi. Les médias frétillent d’impatience et affichent une fébrilité sans borne face à cet affrontement de circonstance qu’ils chérissent car potentiellement porteur de petites phrases assassines, d’approximations à relever, voire de crises de nerfs des débatteurs, bref, d’une bonne audience garantie et donc d’un prix de la minute de publicité à la hausse pour cette soirée de duel.

Du coup, ces médias se consacrent depuis quelques jours quasi exclusivement à déblatérer sur les aspects mineurs de la préparation du débat de mercredi : l’espacement entre les candidats, la température, qui commencera et qui clôturera, comment et où se préparent les belligérants, etc. Et tous ces mêmes médias de se référer aux débats similaires des élections précédentes en ressortant des placards les journalistes qui opéraient à l’époque.

Plutôt que délayer sur des sujets annexes de peu d’importance, il serait plus utile pour leurs auditeurs et téléspectateurs qu’ils investissent dans l’analyse des programmes proposés qui vont régir la vie des Français pour les cinq années à venir. Mais cela nécessiterait qu’ils lisent et analysent lesdits programmes ce qu’ils n’ont manifestement ni l’envie ni le temps de le faire, préférant consacrer leurs talents à l’écume des choses.

Rappelons que la corporation des titulaires de cartes de presse bénéficie d’une niche fiscale sous forme d’un abattement forfaitaire sur leurs revenus imposables pour « frais d’emploi ». Ces subventions financées par les contribuables devraient, à tout le moins, générer un comportement responsable des journaux et journalistes qui en sont les bénéficiaires. Ils sont ainsi reconnus un peu comme service public, qualification qui devrait être un gage de qualité et non de beaufitude alors qu’aujourd’hui le mélange entre divertissement et information est de plus pratiqué.

On pourrait supprimer cette niche fiscale imméritée et en réorienter le produit au financement de l’amélioration de la qualité de la formation dans les écoles de journalisme. Ce serait juste et annonciateur d’un meilleur niveau de compréhension de la politique par Mme. Michu qui pratiquerait ainsi son droit de vote de façon plus éclairé.

Les consommateurs face à leurs contradictions

La compagnie pétrolière multinationale TotalEnergies, dont le siège social est en France, a beaucoup investi en Russie ces dernières décennies et fournit une partie de ses clients, multinationaux eux-aussi, à partir de ressources produites et achetées en Russie. Les bonnes âmes crient au scandale du fait que cette entreprise continue à opérer en Russie, tout en faisant le plein de leurs automobiles et en se plaignant du prix des carburants. TotalEnergies est accusée de « crimes de guerre » et autres joyeusetés sur les plateaux médiatiques et au Café du Commerce et personne ne se demande comment la cuve de fioul de Mme. Michu sera remplie, ou à quel prix, si Total coupe ses approvisionnements en Russie. La France ne produisant plus d’hydrocarbures il faut bien acheter ceux-ci à l’extérieur, si ce n’est pas en Russie, il faut les remplacer par une autre source ou alors réduire la consommation. Le problème est que la plupart des pays exportateurs d’hydrocarbures ne sont pas à proprement parler dirigés par des régimes en accord avec les valeurs démocratiques occidentales. C’est le dilemme auxquelles sont confrontées les compagnies comme TotalEnergies, elles vont le résoudre progressivement loin des indignations et des simplismes de plateaux télévisés.

L’Etat français est par ailleurs lancé dans une vaste opération de transfert des coûts de l’énergie des consommateurs sur les contribuables pour atténuer la hausse des prix sur le pouvoir d’achat de Mme. Michu. L’une des solutions possibles serait de supprimer la niche fiscale dont bénéficient les journalistes et d’en réaffecter les effets pour absorber cette hausse des prix de l’énergie, ce ne serait qu’une goutte d’eau dans la mer, bien sûr, mais cela permettrait à la presse d’être plus à l’aise pour critiquer les politiques de l’Etat, sans donner l’impression continuelle de cracher dans la bonne soupe.

Lisons le Traité de l’Atlantique Nord

Nombre de commentateurs trop paresseux pour s’informer à la source avancent que « l’article 5 » de la chartre de l’OTAN entraîne l’intervention immédiate de ses membres si l’un d’eux est attaqué, ce qui protègerait l’Ukraine si elle adhérait à cette alliance.

Relisons cet article :

Article 5

Les parties conviennent qu’une attaque armée contre l’une ou plusieurs d’entre elles survenant en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties, et en conséquence elles conviennent que, si une telle attaque se produit, chacune d’elles, dans l’exercice du droit de légitime défense, individuelle ou collective, reconnu par l’article 51 de la Charte des Nations Unies, assistera la partie ou les parties ainsi attaquées en prenant aussitôt, individuellement et d’accord avec les autres parties, telle action qu’elle jugera nécessaire, y compris l’emploi de la force armée, pour rétablir et assurer la sécurité dans la région de l’Atlantique Nord.

Toute attaque armée de cette nature et toute mesure prise en conséquence seront immédiatement portées à la connaissance du Conseil de Sécurité. Ces mesures prendront fin quand le Conseil de Sécurité aura pris les mesures nécessaires pour rétablir et maintenir la paix et la sécurité internationales.

https://www.nato.int/cps/fr/natohq/official_texts_17120.htm

Ce qui frappe est qu’en cas d’attaque d’une partie, les autres les assisteront « en prenant aussitôt, individuellement et d’accord avec les autres parties » les actions nécessaires. Il y donc quand même une discussion à avoir et un accord des membres de l’alliance. S’il fallait un jour déclarer la guerre à la Russie, que se passerait-il si l’Albanie ou le Monténégro n’était pas d’accord avec les « actions nécessaires » ?

Les vieilles badernes de plateaux télévisés

L’un des dommages collatéraux de la résurgence des conflits comme celui d’aujourd’hui entre la Russie et l’Ukraine est que les médias ressortent de la poussière Bernard-Henry Lévy (BHL, 73 ans) et Bernard Kouchner (82 ans). Ces deux-là font un retour inutile sur les plateaux télévisés et l’on voit le plaisir qu’ils en éprouvent. Cabotins invétérés ils goûtent ce qui risque d’être, au moins pour le second, leur dernière apparition médiatique, alors ils ne s’en privent pas.

BHL semble bien moins ramolli que Kouchner mais il a tendance à ressasser les mêmes vieilleries depuis des décennies. Dans le cas d’espèce il préconise de sanctionner la Russie et de se préparer à accueillir les réfugiés ukrainiens « que nous n’avons pas su protéger »… L’auteur de La barbarie à visage humain publié en 1977, ouvrage fondateur de la « nouvelle philosophie », se croit toujours investi de la mission d’ouvrir les yeux des peuples devant la barbarie des méchants dictateurs étrangers. Les choses ont un peu changé depuis 45 ans et la démocratie ne semble plus être l’unique modèle de société pour la planète, en tout cas, le prosélytisme pro-démocratique transfrontière n’est plus vraiment de mise et aboutit à bien des déceptions.

Le mieux serait que MM. Kouchner et Lévy laissent les analyses à plus jeunes qu’eux. Leurs vies et leurs engagements ont été magnifiques dans leur contexte, nous sommes maintenant au XXIème siècle et il leur faut maintenant tourner la page, peut-être en continuant à écrire des ouvrages mais surtout, en laissant leurs places sur les plateaux télévisés à la génération d’intellectuels suivante.

Un ex-journaliste sportif qui s’accroche à son rocher

Félix / Charlie Hebdo (20/01/2021)

Jean-Claude Dassier (80 ans aux fraises) est l’archétype de ce que la presse produit de plus inexistant mais qui occupe les écrans sans discontinuer. Après avoir débuté comme journaliste en charge de la circulation routière dans les années 1960, il a beaucoup œuvré dans le commentaire sportif et a même été désigné chef du club de fouteballe de Marseille durant quelques années, le tristement célèbre « OM » qui lui a d’ailleurs valu quelques problèmes judiciaires. Le garçon a fait le boulot pour lequel il a été payé durant sa carrière, rien à signaler sinon qu’il était sans doute plus porté sur le fouteballe que sur la littérature, mais il faut de tout pour faire un monde.

Le problème c’est qu’aujourd’hui, à 80 ans passé il continue à faire le pilier de plateaux télévisés quasiment toute la journée sur la chaîne CNEWS du groupe Bolloré. Habillé d’un éternel polo ras-du-cou sous une veste (comme cela devient d’ailleurs l’uniforme de nombre de journalistes, la chemise semble rangée au rang des accessoires d’un autre âge, la cravate, n’en parlons même pas) il est manifestement en surpoids ce qui devrait le pousser à la prudence en ces temps de coronavirus, surtout qu’il a tendance à s’emporter facilement faisant certainement monter ainsi sa tension artérielle. A force d’être assis il ne pratique plus l’exercice physique minimum nécessaire à son épanouissement. Et mange-t-il au moins cinq fruits et légumes par jour ?

Surtout, sa plus-value dans l’analyse des sujets est inexistante, il ne prépare manifestement pas les émissions auxquelles il participe, assène au mieux des platitudes consternantes, au pire des contrevérités tellement flagrantes que ses camarades de plateaux télévisés se croient généralement obligés de le corriger amicalement et respectueusement. Il doit lire les gros titres du Parisien sur son smartphone le matin avec son café au bistrot en allant promener son chien ce qui lui sert de revue de presse. Cela fait bien longtemps qu’il n’interviewe plus personne ni ne lit les dépêches des agences de presse. Il passe tellement de temps sur Télé-Bolloré qu’il n’en a plus pour s’informer à la source. Peut-être profite-t-il des nombreux flashs de publicité de cette chaîne pour collecter quelques informations auprès de ses collègues encore actifs en dehors du domaine sportif ?

Le garçon n’est pas fondamentalement mauvais, il est juste inutile pour le journalisme. Il ne sert même pas la cause conservatrice de son employeur. A 80 ans il n’a plus l’agilité intellectuelle qu’il déployait lorsqu’il était chef d’Eurosport. A priori personne n’ose le lui dire et lui suggérer de prendre une retraite bien méritée auprès de sa famille. Le groupe Bolloré lui laisse son porte-serviette sur CNEWS sans que l’on sache s’il est payé pour sa présence à l’écran (sans doute oui vu le temps qu’il y passe). Une solution serait de continuer à lui verser ce revenu à cumuler avec sa retraite pour le pousser gentiment à se retirer, sans doute le groupe Bolloré pourrait se permettre cette petite dépense pour la bonne cause : amener un peu plus d’intelligence sur ses plateaux et laisser la place aux jeunes journalistes qui largement aussi compétents.

Mais qui osera pousser l’éléphant en dehors de son parc ?

La revanche de Zemmour

L’un des candidats à l’élection présidentielle française de 2022, Éric Zemmour, était journaliste avant d’être candidat. Il défend désormais dans ses meetings grosso-modo les mêmes positions que celles affichées précédemment dans ses émissions médiatiques et ses livres, celles d’une vision conservatrice de la société, d’une idée de la France blanche et chrétienne, si possible encore grande et conquérante. Ses compétences pour gérer un pays, une entreprise, une famille ou une simple organisation, sont inconnues et probablement proches de zéro. Malgré le racolage politique dont il s’est fait le héraut il y a probablement assez peu de risques qu’il puisse être élu président de la République. En revanche, il rencontre un franc succès au Café du Commerce des plateaux télévisés et dans les séances de promotion de ses livres. Les médias l’adorent car ses jugements à l’emporte-pièce et ses slogans de circonstance provoquent les disputes dont ils sont friands pour améliorer leurs audiences.

Avant qu’il ne se déclare officiellement candidat à l’élection, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), chargé de faire respecter une certaine égalité dans le traitement médiatique des candidats avait décidé que son temps de parole serait décompté exactement comme s’il était candidat. La chaîne de télévision CNEWS appartenant au groupe Bolloré qui l’employait a déploré cette « atteinte inqualifiable » à la liberté d’expression, a sorti Zemmour-journaliste de l’émission qui l’abritait une heure chaque soir pour réintroduire immédiatement Zemmour-candidat dans quasiment toutes les émissions de la journée via des reportages permanents sur les déplacements, saillies et polémiques dont sont friands les téléspectateurs, les sujets concernant les autres candidats étant généralement traités… la nuit aux heures de faible écoute. On ne peut imaginer meilleure illustration du « je respecte la lettre de la loi et j’en détourne l’esprit » !

Le patron du groupe Bolloré qui détient de nombreux médias, dont CNEWS, entend diffuser ses idées conservatrices et catholiques traditionnalistes dans le pays en influant sur le résultat des élections présidentielles d’avril 2022. C’est sans doute la raison pour laquelle il a investi une partie de ses sous pour acheter des médias. C’est une sorte de soft-power utilisé par le patron capitaliste de façon avisée. Nous sommes dans une économie libérale donc personne ne peut empêcher un patron du CAC40 d’acheter des organes de presse, surtout lorsque ceux-ci sont quasiment au bord de la faillite, mais nous sommes aussi en démocratie « à la française » alors les contribuables financent une administration, le CSA, en charge de limiter les excès vers lesquels tendent naturellement ces propriétaires capitalistes, afin d’essayer d’assurer un relatif pluralisme de la presse dans notre pays. Ce n’est pas facile et lesdits propriétaires entendent récupérer en soft-power, à défaut de rendement financier,l’argent qu’ils mettent dans leurs « danseuses ». Ils s’y entendent généralement bien…

Plus intéressant est le narcissisme qui anime ces capitalistes. Leur puissance économique et financière ne leur suffit plus. Non contents de truster les meilleures places dans les classements des réussites boursières et des plus grosses richesses mondiales, ils veulent aussi influer les orientations politiques du pays. Ils pourraient se présenter à des élections ou fonder des partis, mais ils préfèrent agir plus discrètement via des organes de presse. MM. Arnault, Pinault, Bolloré, Lagardère, Niel, Pigasse, et d’autres, investissent dans la presse et, dans de nombreux cas, sauvent ces médias de la faillite. Notre vieille démocratie essaye de préserver la « liberté de la presse », c’est tout à son honneur, mais elle affronte de redoutables prédateurs, jamais plus efficaces que lorsqu’il s’agit d’exploiter le gogo à qui ils font avaler des torrents de publicités abrutissantes (le hard-power, les sous) et leurs idées politiques (le soft-power). L’alliance Bolloré-Zemmour le montre tous les jours !

L’épidémie de sondagite est loin d’être vaincue

Avec une constance qui force l’admiration et un manque de discernement qui frise l’incompétence les « spécialistes » de plateaux télévisés passent des journées entières à gloser sur les sondages quasi-journaliers qui tombent comme à Gravelotte pour avancer un pronostic sur le résultat de l’élection présidentielle française d’avril 2022. Quant arrive un nouveau sondage, le préambule est toujours en deux points :

  1. Il ne s’agit pas d’un sondage prédictif mais d’une photographie de l’opinion à un moment donné
  2. Il faut faire preuve de la plus extrême prudence car les élections ces dernières années ont souvent abouti à des résultats très différents des anticipations

Une fois posés ces rappels, les plateaux médiatiques passent ensuite des heures à torturer ces chiffres pour essayer d’en tirer, avec difficulté, des analyses qui paraissent intelligentes. Il faut dire qu’ils sont aussi poussés dans ce sens par des candidats qui brillent par l’absence de programme de gouvernement, il n’y a donc pas grand-chose à se mettre sous ma dent.

Le plus étonnant est que l’un des partis conservateur, Les Républicains (LR), revendique officiellement d’avoir utilisé lancer sa propre « enquête d’opinion » pour constater qu’aucun de ses six candidats à la candidature ne prenait vraiment un leadership naturel dans l’opinion et qu’il fallait donc les départager via un vote des militants en décembre prochain.

Les sondages sont érigés en outil de gouvernement depuis des décennies, ils remplacent plus ou moins l’absence de vision politique. A défaut de programme conçus par les gouvernants et expliqué aux citoyens, on demande à Mme. Michu si elle est d’accord pour augmenter les impôts ou nationaliser les autoroutes et l’on voit comment il est possible de concilier les intérêts du pays avec les résultats des sondages.

Fuyez la publicité abrutissante

Avez-vous remarqué que l’une des phrases les plus souvent prononcées sur les médias commerciaux est « restez avec nous ! » ?

En fait elle est assénée avant de lancer la réclame sur les ondes, celle qui fait vivre les stations et qui s’avère tellement abrutissante pour les auditeurs et les téléspectateurs que généralement ils profitent de l’intermède pour aller se soulager ou s’ouvrir une bière, l’un n’allant pas sans l’autre bien entendu. Une annonce sans auditeur/téléspectateur vaudra bien sûr moins cher, sans parler du fait qu’un téléspectateur évadé sur une autre chaîne ne va forcément y revenir après son pissou.

Alors on ânonne « restez avec nous ! » pour convaincre le téléspectateur volage que ce n’est qu’un mauvais moment à passer qui ne vaut pas la peine de partir à la concurrence. Et voici comment toutes les chaînes de télévision et de radio répètent à l’envie cette phrases qui est devenue la plus entendue sur les ondes.

Un polémiste de rencontre

L’actualité politique du jour est monopolisée par un polémiste de plateaux télévisés et de succès populaires en librairie qui laisse planer le doute sur son éventuelle candidature à l’élection présidentielle française d’avril 2022. Adorateur de Napoléon, obsédé par les effets délétères de l’immigration sur la société française dont il fait l’alpha et l’oméga de sa pensée, historien cultivé pour rassurer les bourgeois, muet sur les questions économiques pour inquiéter les bobos qu’il exècre, il aime provoquer avec des idées radicales de droite inapplicables en l’état (stopper l’immigration, expulser tous les prisonniers étrangers, sortir de la convention européenne des droits de l’homme…), histrion médiatique, il critique tout et tout le monde en assénant des simplismes idéologiques qu’adore une Mme. Michu conservatrice.

Le garçon performait sur les médias Bolloré dont il était un très bon client, gage d’audience et de publicité rémunératrice, lorsque le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) décida d’imposer aux médias qui l’hébergent de compter son temps de parole comme celui d’un candidat à l’élection et non plus celui d’un chroniqueur. Cela a évidemment bouleversé les business plans des capitaines d’industrie qui détiennent ces médias qui, du coup, ont fait sortir Éric Zemmour par la porte des polémistes pour le faire rentrer par la fenêtre des candidats. Désormais, au lieu d’être concentré sur Télé-Bolloré, il apparaît sur l’ensemble du champ médiatique en tant que candidat « bon client ». Son audience explose et toutes les chaînes parlent de lui diffusant de façon quasi-permanente ses interventions de campagne et ouvrant leurs micros à leurs « experts » en sondage qui radotent les mêmes consternantes analyses sur le personnage dont on ne sait toujours pas s’il concrétisera ou pas son projet électoral. Il n’a bien entendu pas de programme de gouvernement mais uniquement quelques slogans, ce qui suffit aujourd’hui pour se faire élire.

On a du mal à l’imaginer aux commandes de la République tant son inexpérience est abyssale, mais qui sait. S’il était élu il serait sans doute suffisamment intelligent pour s’entourer des compétences nécessaires pour combler ses immenses lacunes. Pas sûr cependant qu’il accepterait d’adapter ses idées radicales s’il était confronté à la difficile réalité tant son ego en très forte croissance pourrait l’aveugler.

En principe les partis politiques classiques devraient l’absorber et le digérer pour, éventuellement, le transformer en conseiller du Prince si la droite conservatrice l’emportait, mais en ce XXIème siècle où nos démocraties glorifient les slogans plutôt que la réflexion, les provocateurs plutôt que les modérés, le fouteballe plutôt que la philosophie, rien n’est exclu et l’élection d’un Zemmour est possible comme l’a été celle de Trump aux Etats-Unis d’Amérique.

On a les dirigeants que l’on mérite : vous aimez Zemmour ? Eh bien il suffit de voter pour lui !

Une évacuation rondement menée

Les journalistes et les « experts » de plateaux télévisés continuent à qualifier de « désastre » l’opération d’évacuation d’Afghanistan des derniers militaires occidentaux qui s’y trouvaient et d’une partie des Afghans qui le souhaitaient. En réalité cette opération mériterait plutôt d’être reconnue comme un succès logistique. Ce sont en effet environ 120 000 personnes qui ont été évacuées via des rotations d’avions militaires et civils dans un environnement hostile, tellement hostile d’ailleurs qu’un attentat religieux a fait une centaine de morts sur l’aéroport dont une dizaine de soldats américains chargés du contrôle des foules qui étaient massées la en espérant atteindre un avion pour fuir leur pays.

Les pleureuses de plateaux télévisés s’émeuvent de la défaite militaire et politique occidentale dans ce pays d’Extrême-Orient qui blesse leur égo de polémistes nombrilistes au point de les aveugler sur la réussite technique de l’opération logistique que fut cette évacuation. Evidement tous les nombreux Afghans qui souhaitaient quitter leur pays après le retour d’un pouvoir religieux fort n’ont pas pu être emmenés mais c’est hélas le lot habituel de ce genre de reddition. Celle des occidentaux en Afghanistan n’a guère différé sur ce point de celles du Vietnam ou d’Algérie.

On peut bien entendu parler de défaite lorsque l’on voit les occidentaux remettre les clés du pays aux Talibans vingt ans après y être entrés pour les en chasser, de désastre lorsque l’on assiste au retour en force de coutumes d’un autre âge, de tristesse lorsque l’on pense que tous les efforts de promotion de la démocratie auront été probablement vains avec le retour de ce pouvoir religieux… mais l’évacuation de 120 000 personnes militaires et civiles fut une opération couronnée de succès.

La Madone de la droite en pleine crise de mysticisme

Christine Boutin, 77 ans, continue à nuire et à maintenir son compte Twitter.

Inspirée par la grâce, le pape François 1er et les « gilets jaunes » elle n’a certes que 92 000 suiveurs, contre 6 millions à Cyrille Hanouna par exemple, mais ces 92K sont quand même un chiffre impressionnant. Son nouveau combat est celui de la liberté dont elle estime la France privée par la « dictature » qui se met en place dans la crise sanitaire actuelle.

Christine Boutin ne fait que suivre un « courant de pensée » à la mode dans le Café du Commerce que sont devenus les plateaux médiatiques des chaînes d’information en continue. Chacun y va de ses accusions à l’emporte-pièce, critiquant le pouvoir lorsqu’il y a pénurie de vaccins, geignant lorsqu’il y a surplus, éructant lorsqu’il s’agit de contrôler ceux qui ne sont pas vaccinés, s’égosillant devant « l’infantilisation » des citoyens, etc. etc.

Et le discours de cette petite caste de pleureuses se rejoint pour déplorer la « dictature » qui se mettrait en place en France. Comme chacun le sait, l’excès mène au néant, mais on en train de franchir tous les records en ce moment.

Rappelons que la corporation des titulaires de cartes de presse bénéficie d’une niche fiscale sous forme d’un abattement forfaitaire sur leurs revenus imposables pour « frais d’emploi ». Ces subventions financées par les contribuables devraient, à tout le moins, générer un comportement responsable des journaux et journalistes qui en sont les bénéficiaires. Ils sont ainsi reconnus un peu comme service public, qualification qui devrait être un gage de qualité et non de beaufitude.

On pourrait supprimer cette niche fiscale imméritée et en réorienter le produit au financement de voyages d’études de journalistes de Café du Commerce dans de véritables pays autoritaires comme la Russie, le Venezuela, la Chine ou bien d’autres afin qu’ils puissent être éclairés sur ce qu’est une dictature et comparer leur statut avec celui des journalistes dans ces pays. Christine Boutin serait l’invitée d’honneur de ces voyages d’études.