« Anna-Eva Bergman – voyage vers l’intérieur » au musée d’Art Moderne

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Anna-Eva Bergman (1909-1987) est une peintre norvégienne (puis également allemande par son mariage avec Hans Hartung) qui a vécu et créé à Stockholm, Paris, Dresde, Berlin, Oslo, Minorque (Baléares), sur la Côte d’Azur ; une artiste profondément européenne inspirée par les paysages et, surtout, les couleurs si diverses, admirés du nord au sud de ce continent. Reconnue et exposée de son vivant, elle se sépare d’Hartung pour réaliser son art par elle-même, puis se remarie avec lui près de vingt ans plus tard.

Ses tableaux de début de carrière sont présentés dans les premières salles de l’exposition mais l’intérêt du visiteur est surtout attiré par ses tableaux composés plus tard, en route vers l’abstraction, à partir de fines feuille métalliques assemblées sur des toiles peintes. Elle utilise et perfectionne ce matériau pour restituer la minéralité des pierres ou des rochers, ou l’éternité de l’univers. Elle revient pleine d’inspiration de ces infinis à l’issue d’une croisière dans le grand nord norvégien avec Hartung en 1950.

Pour moi, [l’horizon] contient l’éternité, l’infini, le passage vers l’inconnu […] L’horizon est la limite de l’expérience humaine […] ; une limite que j’essaie de dépasser, une expérience que je tente d’élargir. Au-delà de la frontière de l’horizon se trouve un domaine qui, quoique physiquement inatteignable pour l’homme, existe et dont on peut faire l’expérience de la Nature, quelque chose d’atmosphérique, d’irrationnel, comme l’est la métaphysique, ou l’absolu.

Anna-Eva Bergman, 1984

Sa technique et son sens des couleurs rendent parfaitement ce que l’on imagine être la pureté glacée de la lumière de ces contrées maritimes septentrionales.

Jour-Nuit (Anna-Eva Bergman)

La nuit était indescriptible. Dépassant tout ce que je pouvais imaginer. Le plus merveilleux des soleils pendant toute la nuit tandis que nous glissions entre toutes les silhouettes magiques et étranges que sont les [îles] Lofoten. Une aventure glorieuse, puissante et improbable. Les montagnes semblent transparentes, plus rien n’a d’épaisseur. Tout est comme une vision, une possibilité non encore réalisée. Si l’on veut peindre cela, il faut trouver l’expression qui suggère l’atmosphère, l’effet des couleurs. En aucune façon naturaliste.

Anna-Eva Bergman, 29/07/1950, Journey to the North Cape

Ses marines ressemblent à des toiles de Rothko où les bandes horizontales tracent la division de l’infini entre ciel, terre et, parfois, minéralité. Ses bleus profonds varient subtilement selon qu’ils représentent le jour ou la nuit, des notions que l’on sait étroitement mêlés dans le Grand Nord. Elle porte un regard perçant et personnel sur ce qui nous entoure et que nous ne voyons pas.

Elle a aussi suivi des études de philosophie, est fascinée par les sciences et la cosmologie et a beaucoup écrit sur son art, ses inspirations, ses œuvres. Des vidéos sont diffusées dans le cadre de cette exposition qui la montrent en train de composer ses tableaux, quasiment jamais en train de parler. Elle est grande et fine, les traits de son visage taillés à la serpe, les cheveux courts, elle donne l’air d’une personne fiévreuse, concentrée sur ses pensées et son art, pas particulièrement épanouie ni communicative.

Anna-Eva Bergman : une artiste très intéressante du XXème siècle.

Ecouter aussi : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/bienvenue-au-club/anna-eva-bergman-lumiere-sur-une-artiste-oubliee-9806326