CHEVALIER Gabriel, ‘Clochemerle’

Sortie : 1934, Chez : Les Editions Rieder.

C’est le roman désopilant dont le titre, « Clochemerle », est devenu le symbole des petites embrouilles villageoises franchouillardes qui ne sont pas bien graves mais agitent les conversations des commères. Publié en 1934 par Gabriel Chevalier (1895-1969) il décrit la vie ordinaire d’un village du Beaujolais où s’affrontent deux clans. Nous sommes dans l’entre-deux-guerres et la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat n’est pas loin. Alors nous avons le curé, la baronne et le notaire d’un côté qui se heurtent à l’instituteur et au maire républicains, mais tout le monde se retrouve au bistrot pour picoler et pérorer.

Le projet du maire, qui vise un poste de sénateur, est d’installer une pissotière au milieu du bourg. Aussitôt dit aussitôt fait mais ce monument hygiénique va déclencher un grave conflit dans le village qui va remonter jusqu’aux plus hautes instances religieuses et républicaines dans la capitale qui vont devoir se mêler des affaires de Clochemerle pour calmer le jeu. Les coucheries du village servent de détonateur à cette guerre de tranchée et en anime toutes ses étapes.

Bref, un vraie histoire de village racontée avec un humour subtil. Les dialogues entre la baronne et le curé sont burlesques, ceux entre la vieille fille acariâtre grenouille de bénitier et la plantureuse tenancière de la galerie commerciale sont impayables, les virées du notaire chez les prostituées de Lyon, la rencontre entre le préfet et l’évêque, la dégringolade du dossier Clochemerle dans tous les échelons de l’administration du ministre de l’intérieur… tout n’est que petits arrangements, intérêts personnels bien compris et coucheries bien organisées.

Gabriel Chevalier maîtrise admirablement la langue. Il joue sur les mots avec un cynisme joyeux et une habileté retorse. C’est un enchantement d’écriture, un joyau de gaieté, une plongée dans l’ironie. Tout cela est léger et malicieux et, finalement, révèle une admirable vision d’un peuple de « gaulois réfractaires ». Près d’un siècle plus tard, il n’y a guère une ligne à changer dans cette description, sauf peut-être que la violence a remplacé la légèreté.