Joli concert de New Order ce soir au Zénith de Paris, les musiciens britanniques ont présenté un show classique, réjouissant et plutôt bien léché. Même la bande son précédant leur arrivée sur scène était choisie avec subtilité : Massive Attack, Tame Impala, Lou Reed, Magazine dont le Shot by Both Sides fut interrompu brutalement par l’arrivée des New Order.
Un grand écran en format horizontal projette les images d’un plongeur tournoyant dans les airs au ralenti dont un extrait figure la couverture du disque live NOMC15 (New Order Complete 2025) sorti en 2017. Le costume et le noir-et-blanc font furieusement référence aux images de propagande de la cinéaste Leni Riefenstahl qui œuvrait sous le régime nazi. Nous ne sommes pas aux Jeux Olympiques de Berlin 1933, mais au concert de New Order en 2023.
Et pendant que le plongeur déroule ses arabesques corporelles, un fond musical électro prépare l’arrivée des musiciens : Barney (67 ans) principal auteur-compositeur, guitariste et chanteur (Bernard Sumner de son vrai nom), Stephen Morris à la batterie, Gillian Gilbert aux claviers. Peter Hook (dit Hooky), bassiste fondateur du groupe les a quittés en plutôt mauvais termes il y a dix ans (voir ses mémoires « Substance – New Order vu de l’intérieur ») et est remplacé par Tom Chapman. Phil Cunningham fait le deuxième guitariste depuis bientôt vingt ans, avec talent. Ils sont tous habillés de noir sauf Gillian qui aborde une robe aux motifs chamarrés.
Une fois en place ils démarrent alors Crystal rapidement interrompu au bout de quelques mesures par Barney qui semble avoir loupé quelque chose et endosse la faute en s’excusant platement devant le public. Le morceau est repris sans que l’on ne distingue vraiment de différence avec le début du précédent essai. Au moins va-t-il cette fois-ci jusqu’à son terme. L’écran diffuse le clip officiel de ce tube de légende sorti en 2001, on y voit une bande d’adolescents interpréter ce morceau sur scène dans un déluge de pogo et de riffs. Le plus drôle dans l’histoire est que les vrais ados de l’époque qui n’avaient jamais entendu parler de New Order ont pris pour argent comptant cette vidéo fake, ils ont longtemps cru que ce groupe venait de percer et que ses musiciens avaient effectivement l’âge des acteurs du clip… Il a fallu les détromper et leur rappeler que la génération de leurs parents, voire de leurs grands-parents, savaient également faire de la bonne musique.
La setlist est ensuite déclinée sans temps morts, toujours magnifiquement accompagnée par un light-show aux images dépouillées et élégantes inspirées par Peter Saville, graphiste qui a composé toutes les couvertures si singulières des disques. L’écran ce soir semble composé d’une pièce, en réalité la magie de la numérisation permet de de le scinder en plusieurs sous-écrans en fonction des besoins. Y sont projetés des images réelles ou des figures géométriques qui s’enchevêtrent sans fin. Le choix des couleurs est subtil. Le groupe ne délaisse pas les rayons laser, procédé un peu classique mais qui déclenche toujours la même féérie dans une salle de concert.
Depuis que New Order a pris la suite de Joy Division après le suicide de Ian Curtis son chanteur, la musique s’est faîte plus électronique et dansante. Dans les années 1980-1990 leurs tubes électro hantaient les dance floor et tous les jeunes de cette génération se sont déchaînés sur leurs rythmes à un moment ou un autre de leurs vies de nightclubbers. Mais c’était encore un temps ou les synthétiseurs et les boîtes à rythmes cohabitaient avec les guitares et les batteries et c’est ce qui fait tout l’intérêt des New Order encore aujourd’hui où cette bande de sexagénaires réussit à faire se trémousser des milliers de spectateurs comme un seul homme aux premières mesures de Temptation et autres hits de légende.
Oh, up, down, turn around
(Temptation – 1982)
Please don’t let me hit the ground
Tonight, I think I’ll walk alone
I’ll find my soul as I go home
Les sons des guitares sont clairs et métalliques, leurs riffs endiablés, les rythmes de la batterie sont renforcés par l’automatisme des boîtes électroniques, quelques nappes de claviers adoucissent le côté saccadé de la musique et la voix de Barney, pleine et un peu forcée dans les aigus, marque la mélodie et emmène cet ensemble parfait et déchaîné.
Délaissant parfois sa guitare lorsque le vaisseau semble naviguer tout seul à la poursuite de son rythme infernal, Barney claque dans ses mains pour entraîner un public qui n’en a vraiment pas besoin. Gillian joue de la guitare sur Ceremony, Phil tapote parfois sur une boîte à rythmes entre deux riffs cinglants ou joue quelques notes de clavier pour épauler Gillian. Sur le final Blue Monday c’est Barney qui va jouer à quatre mains avec Gillian.
Le rappel est, comme toujours, consacré à des reprises de Joy Division qui enchantent le Zénith pendant que s’affiche sur l’écran « FOREVER JOY DIVISION ». Sur les dernières notes de Love Will Tear Us Apart ce sont les couleurs du drapeau ukrainien qui jaillissent à l’écran.
Les New Order sont maintenant les notables de l’électrorock, surfant toujours sur leur créativité de l’époque qui s’est prolongée jusque dans les années 2010. Leur dernier CD Music Complete est sorti en 2015 et c’était plutôt un bon disque dont l’extrait Restless a été joué ce soir. Un nouveau disque des Rolling Stones est annoncé, pourquoi New Order ne suivrait-il pas ce bon exemple ?
Setlist : Crystal (with false start)/ Age of Consent/ Ceremony/ Restless/ Shake It Up/ Isolation (Joy Division cover)/ Your Silent Face/ World/ Be a Rebel/ Waiting for the Sirens’ Call/ Sub-culture/ Bizarre Love Triangle/ Plastic/ True Faith/ Temptation/ Blue Monday
Encore : Atmosphere (Joy Division cover)/ Love Will Tear Us Apart (Joy Division cover)
Warmup : Mark Reeder, DJ diffusant des morceaux souvent remixés de NO