« Perfect Days » de Wim Wenders

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Un merveilleux film du réalisateur allemand Win Wenders pour lequel l’acteur principal Kōji Yakusho a obtenu le prix d’interprétation masculine au Festival de Cannes 2023. C’est l’histoire d’Hirayama, employé par la ville de Tokyo pour en nettoyer les toilettes publiques, tâche qu’il accomplit avec minutie, dévouement et, presque, avec plaisir. Son ordinaire est réglé comme du papier à musique : lever (tôt), repli du futon, brossage de dents et départ vers le boulot à travers les rues ensommeillées de Tokyo, déjeuner d’un sandwich dans un square avec ses amis les arbres ; puis, au retour, bain public traditionnel, repas dans un boui-boui en sous-sol dans un couloir de station de métro, complété le week-end par le pressing pour sa lessive de la semaine et le passage dans un bar dont il est secrètement amoureux de la patronne. Le soir avant des s’endormir il lit Faulkner et Patricia Highsmith.

Il ne parle quasiment pas mais chaque matin, assis dans sa camionnette il sélectionne la cassette qu’il va écouter la journée durant ses déplacements. Adepte de l’analogique, ses cassettes de collection datent des années 1970 avec Patti Smith, Lou Reed (dont la célèbre chanson Perfect Day inspire le titre du film), le Velvet Underground avec Pale Blue Eyes, l’une des plus belles chansons d’amour jamais écrite, composée par Lou amoureux fou de Nico, Van Morisson…

La monotonie de cette vie bien réglée, que certains pourraient qualifier d’autisme, est bien entendu troublée par les évènements de la vraie vie qui viennent bouleverser l’ordinaire de notre nettoyeur de toilettes. C’est d’abord l’incursion de sa nièce, fugueuse d’un environnement familial bourgeois lui aussi bien réglé semble-t-il, la découverte ensuite que la patronne de bar eut un mari désormais atteint d’un cancer, la gestion de l’adolescent tardif qui lui sert d’adjoint qui s’avère aussi agitée…

Mais Hiramaya fait face avec sérénité à tous ces évènements impromptus, sûr qu’il va revenir à son existence tranquille dès que les intrus seront retournés à leurs vies déréglées. Il aime la nature, souriant chaque matin devant le soleil levant après avoir pris soin de ses bonzaïs avec tendresse. Il aime voir les gens s’agiter et il aime, surtout, sa vie paisible dont les journées en semaine sont consacrées à agrémenter l’ordinaire des gens affairés.

Dans les interviews menées par Wim Wenders à l’occasion de la promotion de ce film, il explique la relation spéciale qu’il entretient avec le Japon et son cinéma. Pas sûr que ce balayeur de toilettes, lecteur de Faulkner et admirateur de Lou Reed, ne soit très représentatif de cette catégorie de Japonais, mais qu’importe, Wenders a réussi un film plein d’émotion autour d’un personnage, en principe inexistant, dont la sensibilité et le détachement irradient l’écran. Il y a un arrière-plan bouddhiste dans ce film délicat. La solitude heureuse peut exister, finalement !