La culpabilité en bandoulière des « bobos »

Dans les dîners en ville certains participants issus du haut de la classe moyenne, c’est-à-dire celle qui a pu accumuler un capital immobilier, voire aussi financier, au cours de sa vie professionnelle, souvent agrémenté de quelques biens hérités (c’est-à-dire qu’ils se sont « enrichis » mais l’adjectif est dur à assumer), se lamentent sur « l’inégalité » générée par le capitaliste. Il s’agit en gros de la catégorie dîtes des « bobos » (bourgeois-bohème) qui a le cœur à gauche et s’émeut à juste titre de la « pauvreté » que le système n’a pas réussi à endiguer, voire, a renforcé. 

Libéralisme vs. étatisme

Les choix socio-économiques de l’Occident depuis plusieurs décennies le portent globalement vers le « libéralisme » même si certains régimes choisissent en parallèle des options sociétales plus autoritaires comme actuellement la Hongrie, ou la Pologne lorsqu’elle était gouvernée il y a encore quelques mois par le PiS (Parti Droit et Justice), ou plus ou moins protectrice comme les pays latins versus leurs homologues anglo-saxons. Mais tous sont basés sur la liberté d’entreprendre, de faire du profit et le devoir de payer des impôts à l’Etat pour faire vivre la collectivité, chaque composante étant encadrée par la loi dans des proportions propres à chaque pays.

En France, ce système dit « libéral » est loin de l’être intégralement dans ce pays où 57% du produit intérieur brut relève de la dépense publique, c’est-à-dire que l’Etat préleve dans la poche des uns pour redistribuer aux autres. Le taux de la redistribution faîte par l’Etat français est l’un des plus élevés dans le monde « libéral ». Mais il n’empêche pas bien sûr les rémunérations et enrichissements indécents de certains, se chiffrant en plusieurs dizaines de millions d’euros par an, ce qui renforce le sentiment d’injustice ressenti par les classes moyennes, même celles qui ont prospéré grâce au système contesté. Alors elles pointent sur le sort peu enviable des plus pauvres et prônent « plus de justice » sans aller beaucoup plus loin dans la proposition de solutions, oubliant tous ceux dont la situation a été améliorée par l’économie libérale, sans être des « ultra-riches », et que l’on entend fort peu.

En réalité les offres politiques existent en France, susceptibles de satisfaire toutes les opinions, y compris les plus extrêmes auxquelles la majorité des électeurs n’arrive pas (encore) à se résoudre, même si elle s’en rapproche. Un changement total de système, évoluant vers plus d’étatisme est proposé par La France insoumise et les partis politiques qui s’y rallient. Une version plus sociale du capitalisme est affichée par ce qu’il reste du Parti Socialiste et du centre-gauche, qui entraînerait probablement une hausse des impôts, et pas que pour les ultra-riches. La droite dure qui a aujourd’hui le vent en poupe prône le retour à l’autorité, notamment dans la lutte contre l’immigration illégale, et affiche un programme économique plutôt flou comportant nombre de mesures que pourraient endosser les partis « progressistes ». Et puis il y a la majorité actuelle que l’on peut qualifier de « centre droit » qui croit au système économique libéral tout en cherchant à en adoucir les aspects les plus rugueux via les dépenses publiques financées aujourd’hui par la dette publique dont le remboursement pèsera sur nos enfants, mais sans réussir à ce stade à convaincre.

Augmenter les impôts… « des autres »

On peut voir ci-dessous dans les quelques extraits des tracts électoraux présentés par les principaux partis pour les élections européenne du 9 juin, qu’il y en a pour tous les goûts, toutes les aspirations et toutes les philosophies. Il y a ceux qui dépensent, ceux qui défendent la liberté, ceux qui transitionnent écologiquement, ceux qui taxent, ceux qui augmentent les salaires, ceux qui renversent le capitalisme, ceux qui soutiennent les Palestiniens, les Ukrainiens ou ceux qui décarbonent.

S’agglomèrent dans ce gloubi-boulga idéologique le vieux débat sur l’efficacité du marché versus celle de l’Etat, mâtiné du parfum de marxisme qui a baigné des générations d’intellectuels germanopratins et continue à infuser une partie de la pensée socio-économique française et le résultat de 2000 ans d’éducation judéo-chrétienne qui génèrent un rejet plus ou moins conscient de l’argent et de la réussite.

Il n’y a malheureusement aujourd’hui aucune offre politique qui augmente les dépenses sociales pour absorber la pauvreté et baissent les impôts pour favoriser le développement socio-économique tout en continuant d’accroître le patrimoine des classes moyennes supérieures. Il faudra choisir la proposition que chacun considère la moins mauvaise pour l’intérêt général. Chacun le fera en conscience dans l’isoloir, pour ceux qui consentent encore à aller voter…

Choisir son camp

Alors certains de leurs représentants portent leur culpabilité en bandoulière, travaillés par le remord de se retrouver à la tête d’un patrimoine supérieur à la valeur de celui qu’ils avaient en démarrant leur vie professionnelle. Ils cherchent une solution pour améliorer la situation des plus précaires tout en prônant les augmentations d’impôts pour les « plus riches », c’est-à-dire pas pour eux. C’est généreux mais souvent mission délicate au succès non garantie comme l’a montré l’histoire française contemporaine. Les deux tours des élections législatives annoncés pour les 30 juin et 7 juillet vont pousser les citoyens-électeurs en présence à choisir leur camp et voter en conscience pour le système qui leur paraît le plus à même de régler leurs états d’âme. Le plus probable est qu’il ne se dégagera pas de choix net et définitif et qu’il faudra bien compromettre et transiger. Personne ne sera content et la France poursuivra cahin-caha son décrochage régulier vers le rabougrissement. Ou alors peut-être les électeurs se décideront pour un « grand soir », soit de gauche, soit de droite, qui risque aussi de réserver quelques surprises pour tous.

C’est « grandeur et décadence » de la démocratie », libérale ou « illibérale », qui donne la capacité à ses citoyens de choisir ce qu’ils veulent, mais aussi le devoir d’assumer la responsabilité de leurs choix ! La lecture des programmes sur lesquels s’appuieront les candidats aux élections législatives permettra d’en savoir plus sur les projets concoctés par les partis politiques en pleine agitation programmatique.

Quelques extraits des tracts électoraux pour les élections européennes

Rassemblement national > 31,37%

  • Votre pouvoir d’achat par la baisse des factures d’électricité et le refus de tout impôt européen.
  • Le patriotisme économique par la priorité aux entreprises française dans la commande publique.

Majorité présidentielle (Renaissance et divers petits partis de centre droit) > 14,40%

  • « … réarmer notre continent, le réindustrialiser, décarboner nos économies et défendre avec force nos valeurs et notre modèle européen, fondé sur la justice sociale et fiscale, le respect des droits humains, la liberté et la laïcité » (signé : Valérie Hayer)

Place publique / Le Parti socialiste > 13,83%

  • Créer un fonds souverain européen investissant 200 milliards par an dans les industries de la transition écologique et dans la révolution énergétique.
  • Financer cette grande bifurcation écologique de nos économies et de nos sociétés en taxant les superprofits des multinationales et des plus grandes fortunes européennes.

La France Insoumise > 9,89%

  • Abroger les règles d’austérité qui détruisent les services publics.
  • Taxer les super-profits des entreprises et créer un impôt sur la fortune européen.
  • Mettre en place une allocation d’autonomie contre la détresse de la jeunesse.

Les Républicains > 7,25%

  • Diminuer les impôts et les charges… pour augmenter les salaires.
  • Réduire les droits de succession et faciliter les donations jusqu’à 1 million d’euros.
  • Refuser les impôts européens voulus par Emmanuel Macron.

Gauche Unie (Parti communiste et divers petits partis de gauche) > 2,36%

  • PROTEGEONS LES TRAVAILLEURS : Augmenter les salaires et les retraites en refusant le dumping social et les politiques d’austérité. Refuser l’élargissement de l’UE.
  • BAISSONS LES FACTURES : Diviser par deux les factures d’énergie en sortant du marché européen de l’électricité. Baisser la TVA sur l’essence.

Pour mémoire citons également la liste du NPA (Nouveau parti anticapitaliste – révolutionnaires) :

NPA > 0,15%

  • Renverser le capitalisme pour sauver la planète et en finir avec les oppressions.
  • Le capitalisme, c’est la guerre : nos vies valent mieux que leurs profits.

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