Samedi 24 août 2024
Voici 10 ans que l’on n’avait plus fréquenté les pelouses du parc de Saint-Cloud pour le festival Rock-en-Seine. Depuis l’édition de 2014 plus exactement, celle d’un émouvant concert de Portishead le samedi soir. Le cadre n’a pas changé, peut-être une scène de plus, la Firestone ? Les fumets de merguez flottent toujours dans la partie centrale.
En revanche l’incontournable coin LGBTQIA+ a été ajouté aux différents stands et un système cashless bien pratique est désormais obligatoire pour consommer. Un QR code a été ajouté au bracelet délivré à l’entrée qui se recharge avec sa carte de crédit, il y a même un comptoir d’aide pour les vieux qui n’arrivent pas à recharger leurs bracelets.
Et puis, aux contrôles d’entrée, ceux qui ont mal cachés leurs produits illicites se les font confisquer par les cerbères plutôt aimables.
On vit vraiment une époque formidable, bienvenue au 20e festival Rock-en-Seine !
The Kills (grande scène)
Le duo The Kills parait sur la grande scène : lui (Jamie Hince) en costume noir fines raies grises et mocassins blancs, breloques dorées autour du cou ; elle (Alison Mosshart) en collant noir et veste léopard, cheveux longs blonds sur racines noires. Leur jeu est maintenant bien rodé depuis presque 25 ans qu’ils tournent ensemble. La rythmique est enregistrée sur bande et ils insèrent sur ce son basique un rock brut fait de guitares métalliques, au besoin dissonantes, et la voix sauvage d’Alison qui parcourt la scène comme une panthère en cage. Il y a une énergie sexuelle dans ce groupe post-punk. Le jeu de guitare ne fait pas dans l’harmonie mais plutôt dans l’atonal, servi par un virtuose qui prolonge le garage-rock avec brio.
Mais on les quitte avant la fin du show pour être présent au démarrage des Blonde Redhead sur la scène de la Cascade.
Setlist : Kissy Kissy/ U.R.A. Fever/ Love and Tenderness/ 103/ Going to Heaven/ Baby Says/ New York/ Wasterpiece/ Black Balloon/ Last Day of Magic/ LA Hex/ My Girls My Girls/ Doing It to Death/ Future Starts Slow
Blonde Redhead (scène de la Cascade)
Après la furie des Kills, les Blonde Redhead nous offre un concert tout en délicatesse. Le fond de la scène est décoré de longues banderoles verticales en tissu sur lesquelles sont brodés des motifs étranges et un peu enfantins. On se croirait dans un temple tibétain.
Le groupe a sorti un nouveau disque en 2023, Sit Down for Dinner, que l’on ne connait pas encore très bien. Lancé au début des années 1990 par deux jumeaux italiens, Amadeo (guitare et chant) et Simone (batterie) Pace, associé à la japonaise Kazu Makino (chant, clavier et bass), le groupe dégage un charme exceptionnel. Avec dix albums à leur actif, ils organisent leurs tournées dans des salles de taille moyenne, privilégiant l’intimisme de leur musique romantique.
Amadeo porte une tenue blanche avec un pantalon moucheté de petites broderies, et un bandana turquoise. Kazu, en short, affiche un large foulard façon keffieh mais qui doit plutôt illustrer ses origines japonaises. Dès que la musique démarre son expression corporelle est renversante : elle danse avec une grâce merveilleuse, les genoux fléchit elle ondule comme une liane autour de sa guitare qui reste l’élément fixe de sa chorégraphie. Même derrière son clavier elle bouge avec un érotisme torride. Sa voix haut perchée dans les aigues est brumeuse et bouleversante. Elle se loupe sur l’introduction de Sit Down for Dinner et le groupe reprend l’intro en souriant.
Et lorsque Blonde Redheads joue ses classiques Dr. Strangeluv et 23, tout en douceur,le public frissonne et quelques gouttes de pluie viennent masquer l’émotion. Les caméras montrent les Kills qui sont en coulisse. Ce festival démarre magnifiquement bien.
Setlist : Falling Man/ Dr. Strangeluv/ Doll Is Mine/ Elephant Woman/ Snowman/ Melody Experiment/ SW/ Sit Down for Dinner, Pt. 1/ Sit Down for Dinner, Pt. 2/ Spring and by Summer Fall/ 23/ Kiss Her Kiss Her
The Offsprings (grande scène)
On repasse ensuite sur la grande scène pour la la fin du show de The Offsprings. Du rock californien post-punk qui dépote. La soirée s’annonce chaude sur Saint-Cloud.
Massive Attack (grande scène)
On n’avait plus vu Massive Attack sur une scène française depuis la tournée Mezzanine XXL et leurs deux concerts au Zénith parisien en 2019. Angelo Bruschini leur guitariste depuis des années est mort l’an passé, il est remplacé ce soir par deux guitaristes, plus discrets et moins flamboyants que leur prédécesseur. Les Massive Attack jouent toujours avec le concept de géométrie variable autour de leur noyau dur Robert Del Naja (3D) et Grant Marchall (Daddy G). Ce soir les invités sont le groupe Young Fathers, l’Ecossaise Elisabeth Fraser (ex-Cocteau Twins qui chantait sur l’album Mezzanine en 1998 et lors de la dernière tournée) et Deborah Miller, chanteuse habituée des concerts de Massive Attack.
Le show est sans trop de surprises mais délivre toujours autant de bonheur. Pendant que la nuit tombe sur le parc le beat lourd et hypnotique des Massive Attack monte vers Saint-Cloud tandis que les voix de 3D et Daddy G déjà se répondent sur Risingson. Horace arrive sous ses dreadlocks pour chanter sur Girl I love You extrait du dernier disque studio du groupe, Heligoland, qui remonte déjà 14 ans (2010). Les nappes de clavier et la bass hypersonique enrobent le tremolo inimité d’Horace Andy qui remporte toujours un franc succès sur scène :
Girl, I love you but your loving has gone
Forever
Gonna miss you but my love has gone
Forever
Elisabeth Fraser fait son apparition pour Black Milk. Cheveux uniformément blancs et lunettes à grosses montures, sa voix aérienne et mystérieuse fait toujours des merveilles dans les hauteurs où l’emmènent les sons de Massive Attack. Cette voix d’ange se marie exceptionnellement avec la noirceur de la musique.
Le trio Young Fathers est aussi de la partie ce soir comme lors de la tournée XXL. Les Massive Attack les ont pris sous leurs ailes. Etonnant d’ailleurs, ils sont un peu trop hip-hop et pas assez trip-hop. La pulpeuse Deborah Miller vocalise sur Safe from Harm avec sa voix d’opéra d’une énergie dévorante pendant que 3D déroule son chanter-parler obsédant et électronique :
Serious, in-, serious, in-
Serious, infectious, and dangerous
Friends and enemies, I find it’s contagious
I was looking back to see if you were looking back at me
To see me looking back at you
Le show est grandiose, ponctué des messages politiques auxquels tient le groupe dont son soutien au combat palestinien qui rencontre un franc succès à Saint-Cloud lorsque « STOP GENOCIDE » s’affiche sur les écrans. Modernité et obscurité accompagne cette musique sortie des tréfonds de la terre pour percuter nos âmes. Il n’y manque qu’un peu de nouveauté pour les habitués de leurs concerts.
Pas de CD annoncé pour le moment !
Setlist : (Gigi D’Agostino cover)/ Risingson/ Girl I Love You (with Horace Andy)/ Black Milk (with Elizabeth Fraser)/ Take It There/ Gone (with Young Fathers)/ Minipoppa (with Young Fathers)/ Voodoo in My Blood(with Young Fathers)/ Song to the Siren (Tim Buckley cover) (with Elizabeth Fraser)/ Inertia Creeps/ Rockwrok (Ultravox cover)/ Angel (with Horace Andy)/ Safe From Harm (with Deborah Miller)/ Unfinished Sympathy (with Deborah Miller)/ Karmacoma/ Teardrop (with Elizabeth Fraser)/ Levels (Avicii cover)/ Group Four (with Elizabeth Fraser)/ In My Mind (Gigi D’Agostino cover) (Reprise)
Dimanche 25 août 2024
Roisin Murphy
Roisin Murphy, une blonde Irlandaise déjantée : habillée en jupe noire, chemisier blanc et chaussures vernies à talons, elle change de veste à chaque chanson, passant du boa synthétique à la tenue smoking. Ses musiciens alternent leurs instruments avec des machines. Le tout donne un mix entre électro et musique de cabaret. La personnalité originale de Roisin donne une sacrée saveur à l’ensemble. Une belle découverte !
PJ Harvey (grande scène)
Le concert de PJ Harvey se déroule au crépuscule sur la grande scène. Celle-ci est décorée avec du mobilier d’intérieur cosy : une table avec des chaises où la chanteuse s’assoit parfois pour boire un thé, une écritoire où elle déplie son cahier d’écolier et y prend des notes…
Le fidèle ami et musicien John Parish, multi-instrumentiste et arrangeur-producteur de nombre des disques de PJ est présent. A la batterie, une vieille connaissance aussi, le batteur français Jean-Marc Butty. Le reste des musiciens assurent leur partie avec discrétion derrière Poly Jean qui apparaît, telle une vestale, habillée d’une longue robe blanche sur laquelle elle porte une cape pour les premiers morceaux avant d’enlever celle-ci, dévoilant les dessins de la robe dont elle nous expliquera qu’ils ont été réalisés par les membres du groupe à chacune des étapes de leur tournée européenne qui se termine ce soir à Saint-Cloud.
Le groupe joue ses classiques avec un beau retour sur le CD Let England Shake pour lequel elle prend sa guitare sur The Glorious Land, l’histoire désespérée des combattants britanniques de la première guerre mondiale, et la cithare pour The last living rose.
Sur le déchirant Down by the Water, l’histoire d’un infanticide commis par une mère qui noie sa fille, elle assure les percussions avec deux petites baguettes en bois qu’elle frappe en rythme devant son micro :
I lost my heart
Under the bridge
To that little girl
So much to me
…
Little fish. big fish. swimming in the water.
Come back here, man. gimme my daughter.
Et on continue dans la nostalgie avec The desperate kingdom of love presque chanté a cappella sur quelques notes de guitare. Et le concert se termine sur un énergique To bring you my love datant de 1995 et soulevant toujours l’enthousiasme.
PJ Harvey et ses fidèles musiciens déroulent avec toujours autant de subtilité un rock alternatif de tendance arty. Poétesse inspirée, auteur-compositrice de talent, multiinstrumentiste assumée, elle creuse son sillon solitaire et singulier depuis la fin des années 1980 au sein d’un rock britannique qui ne manque certainement pas de personnalités originales.
Un beau concert !
Setlist : Prayer at the Gate/ The Nether-Edge/ I Inside the Old Year Dying/ The Glorious Land/ Let England Shake/ The Words That Maketh Murder/ A Child’s Question, August/ I Inside the Old I Dying/ Send His Love to Me/ 50ft Queenie/ Black Hearted Love (PJ Harvey & John Parish cover)/ Angelene/ The Garden/The Desperate Kingdom of Love/ Man-Size/ Dress/ Down by the Water/ To Bring You My Love
Pixies (scène de la Cascade)
Et on poursuit dans le rock alternatif avec les Américains de Pixies menés par Black Francis. Guitariste lui-même il est également épaulé par le guitariste historique du groupe : Joey Santiago, et il faut dire que ces deux-là font bruyamment le spectacle. Le groupe fondé en 1986 a été novateur dans le mouvement post-punk américain et a inspiré nombre de musiciens bien au-delà de leur continent. Une musique simple faite d’alternances entre couplets calmes et refrains endiablés dans lesquels se déchaînent la rythmique et les guitares. Les textes de Black Francis sont beaucoup plus mystérieux, souvent inspirés par la Bible et autres fantasmes de cet auteur-compositeur.
Bref, un rock dur et régénérant qui ravit l’assistance. Assister à un concert des Pixies donne le sentiment de partager un moment avec un mythe musical. La foule reprend en chœur le final sur Where is my mind? Une chanson de 1988 inspirée à Francis par une expérience de plongée sous-marine dans les Caraïbes et reprise un nombre incalculable de fois par d’autres groupes ou utilisée dans des films, des publicités, des défilés de mode… Un marqueur des Pixies !
Setlist : Gouge Away/ Wave of Mutilation/ Head On (The Jesus and Mary Chain cover)/ Isla de Encanta/ Monkey Gone to Heaven/ Caribou/ Hey/ Mr. Grieves/ Debaser/ Bone Machine/ Tame/ The Vegas Suite/ Chicken/ Velouria/ The Happening/ In Heaven (Lady in the Radiator Song) (Peter Ivers & David Lynch cover)/ Vamos/ Here Comes Your Man/ Wave of Mutilation (UK Surf)/ Where Is My Mind?/ Winterlong (Neil Young cover)
LCD Soundsystem (grande scène)
Le groupe a bien grandi depuis le festival des Inrocks en 2004 où il s’était produit en trio pour un set incendiaire. Aujourd’hui il assure la soirée de clôture du festival parisien. Ils sont désormais nombreux sur scène et jouent avec brio une musique plus détendue toujours sous la houlette de l’américain James Murphy.
La musique reste basée sur une rythmique répétitive et obsédante mais la multiplicité des musiciens et des instruments la rend plus fluide. La mise en scène est aussi plus colorée. Les musiciens sont habillés de façon bigarrée, notamment le guitariste leader qui a le visage peint en bleu et rouge au niveau des yeux et porte un chapeau de paille. Les claviers principaux sont assurés par deux femmes d’origine asiatique, les autres musiciens alternent leurs instruments avec des machines. L’ensemble est terriblement entraînant et cette formation montre son incroyable capacité à produire et tenir ces rythmes mécaniquement, avec des humains jouant d’instruments, plutôt qu’avec de l’électronique pure. Bien sûr les machines se mêlent aussi aux instruments pour produire cette réjouissante fusion sur laquelle se pose la voix saccadée de Murphy. LCD Soundsystem produit ce soir un mix harmonieux entre l’électronique, les instruments et le chant. Une très belle évolution de ce groupe américain original.
Malgré cet enchantement rythmique et musical, le chroniqueur, un peu fatigué rentre chez lui avant la fin du show. Son absence ne sera pas remarquée par l’enthousiaste James Murphy qui lui pardonnera certainement…
Setlist : Song played from tape, Real Good Time Together (Lou Reed song)/ Get Innocuous!/ I Can Change (Intro featured a « Radioactivity » (Kraftwerk) snippet)/ You Wanted a Hit/ Tribulations/ Movement/ Tonite/ Someone Great (Dedicated to Justin Chearno, who passed away on 23rd August, «Your Silent Face» – New Order outro)/ Losing My Edge ((with snippets of « Ghost Rider » by Suicide, « Robot Rock » by Daft Punk and « Don’t Go » by Yazoo))/ Home/ Dance Yrself Clean/ New York, I Love You but You’re Bringing Me Down/ All My Friends/ Song played from tape, Shout (Tears for Fears song)
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