Le chef corse indépendantiste Jean-Guy Talamoni (avec un ‘i’ muet) a publié une chronique inattendue dans le journal Le Monde du 15 août intitulée « La Corse doit se réapproprier l’ensemble des grandes figures de son histoire, et singulièrement celle de Napoléon ». Il a passé une partie de son été à présenter dans les villages de son pays le film d’Abel Gance « Napoléon » tourné en 1927. Il rappelle avec force que Napoléon (1769-1821) était corse et reproche bien entendu aux Français de s’approprier sa gloire en laissant les aspects sanglants de celle-ci à son ile natale. Il admet que Napoléon ne fait pas l’unanimité en Corse, certains le considérant comme traître à la « cause nationale corse » dès qu’il fut aspiré par son destin guerrier européen, lui préférant Pascal Paoli (1721-1807), le « père de la patrie corse ». Talamone se réaffirme « paoliste » mais sans toutefois rejeter complètement le « bonapartisme ».
En réalité, ce micro-pays de Corse est à la recherche de grands hommes pour fonder ses convictions et ses passions, et il n’en trouve pas beaucoup. C’est le syndrome de ces confettis de l’Empire qui rejettent les héros français par haine du colonisateur et aimeraient bien y substituer des natifs de leurs pays. Mais on ne fonde pas une histoire ni une pensée unitaire sur des mafieux ou des joueurs de fouteballe.
Le cas de la Martinique, autre confetti de l’empire, est révélateur à cet égard. Aimé Césaire (1913-2008), poète, penseur de la « négritude » et homme politique a « régné » sur la Martinique jusqu’à sa mort à 94 ans, laissant une œuvre littéraire et politique considérable, forgeant le respect du monde culturel et politique bien au-delà de la Martinique et de la France. Même si la proportion de Martiniquais ayant lu ses publications est sans doute assez modeste, il réunissait sur son nom, par le respect qu’il inspirait dans le monde, les Martiniquais qui étaient fiers de lui. Ils avaient trouvé un héros local qui les a valorisés. A l’inverse, la Guadeloupe voisine, qui n’est pas en très bons termes avec la Martinique, n’a pas trouvé de héros unanime à qui se référer et c’est sans doute aussi l’une des raisons qui explique son retard économique et culturel par rapport à la Martinique.
Alors suivons Talamone et favorisons l’appropriation de Napoléon par la Corse. Paris pourrait au besoin y transférer les cendres du grand homme si ce pouvait être un gage d’apaisement et de sérénité pour ce territoire dans sa route heurtée vers l’indépendance.