L’abrutissement des masses toujours à la hausse

A la suite de la mort d’un gendarme tué par un chauffard sous l’emprise d’alcool et de stupéfiants, multirécidiviste, sa veuve a prononcé quelques mots durant la cérémonie d’hommage qui lui a été rendue dans sa caserne du sud de la France à Mougins fin août. Elle a parlé de « laxisme », « d’excès de tolérance », affirmé que « la France a tué [mon] mari » et fait référence à l’année 1981, sans doute pour évoquer l’abolition de la peine de mort qui a été adoptée cette année-là.

Elle est depuis la cible de cyberharcèlement sur les réseaux dits « sociaux » où se déverse toute une logorrhée haineuse et vulgaire la visant ainsi que les forces de l’ordre. L’effet de meute joue à plein et chaque « auteur » rivalise de violence avec ses collègues. Cette veuve est traitée de « truie », menacée de mort, invitée à « rejoindre son mari », etc. Devant l’abjection de cette communication, le procureur général s’est saisi du dossier pour d’éventuelles poursuites. On arrive généralement assez facilement à retrouver les auteurs « anonymes » grâce aux adresses IP de leurs ordinateurs ce qui d’ailleurs montre leur naïveté et le côté naturel de l’insulte adopté comme mode d’expression. Et quand on les retrouve devant un tribunal on voit généralement M. et Mme. Michu, qui pourraient être nos voisins de paliers, expliquer « qu’ils n’avaient pas conscience de ce qu’ils faisaient » avec des mimiques d’angelots implorant l’innocence.

De telles attitudes sont le fruit d’une ou deux générations de citoyens laminés par l’irresponsabilité générale qui gouverne notre société, abrutis par une publicité envahissante, le fouteballe décérébrant, les influenceuses à forte poitrine, la télé-réalité, Cyrille Hanouna et Christine Boutin, bref un environnement où on a l’impression que la bêtise, l’inculture et la facilité sont érigés en modes de vie et largement valorisés. Evidemment on peut imaginer que si ces forbans de réseaux dits « sociaux » lisaient Balzac et Hannah Arendt au lieu de déverser leurs tombereaux d’injures numériques nous n’en serions pas là, mais tel n’est pas le cas. Comment inverser cette décadence ? Pas facile d’voir des idées efficaces pour sortir notre civilisation de ce marigot de la pensée.

En attendant, la veuve éplorée du gendarme et ses enfants subissent l’ignominie dans une indifférence largement partagée.