JAMES Henry, ‘Portrait de femme’.

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Sortie : 1881, Chez : Editions Liana Levi

Ce roman fleuve (700 pages) de l’écrivain américain Henry James (1843-1916) emmène le lecteur sur la trace des pérégrinations d’une jeune femme américaine, Isabel Archer, venue visiter l’Europe, et tout spécialement la vieille Angleterre, pour y assouvir sa soif de liberté et son besoin de découverte du vaste monde. Nous sommes à la fin des années 1870 et, à l’initiative de sa tante, elle quitte alors son milieu bostonien aisé et se retrouve dans le vaste domaine près de Londres où réside sa tante, mariée avec américain riche banquier à la City.

Elle fait la connaissance de son cousin Ralph, tuberculeux, avec qui elle établit une relation affectueuse et elle rencontre aussi nombre de prétendants dont elle repousse les propositions de mariage, préférant préserver sa liberté. A force de se dire que le prochain homme à séduire sera meilleur que celui qui se jette actuellement à ses pieds, elle laisse peut-être passer l’occasion irrattrapable, qui sait ? Mais tout lui semble permis, elle est née sous une bonne étoile et les hommes éconduits restent en pamoison et Isabel éprouve toujours la même « jouissance à exercer son pouvoir ».

Finalement, après moulte voyages, sur les conseils de son amie Mme. Merle, elle consent à épouser un américain, Gilbert Osmond, installé à Florence avec sa fille Pansy. Cette union se révèle rapidement un échec et Isabel se retrouve enfermée psychologiquement par un mari qui ne l’aime pas. Elle ne sait plus comment en sortir, tiraillée entre son sens du devoir conjugal (nous sommes à la fin du XIXe siècle) et son besoin de liberté. Devant cette situation elle tente de garder la tête haute et, surtout, de ne pas avouer sa désillusion. Jouant de son pouvoir de séduction qui la rend sûre d’elle, croyant user de ses charmes pour avoir les hommes à ses pieds, elle découvre en fait qu’elle a été manipulée par Mme. Merle qui l’a poussée dans les bras de ce mari inapproprié.

La fin est douloureuse mais ouverte sur l’espoir : Ralph meurt de sa tuberculose, à son chevet Isabel comprend l’intensité de l’amour qu’il lui portait et la discrétion qu’il manifestât sur son union avec Osmond sur laquelle il avait les plus extrêmes réserves. On comprend qu’Isabel retourne ensuite en Italie au domicile conjugal mais on se prend à espérer que c’est pour rompre son mariage et retrouver ainsi sa liberté. Mais comme le lui dit un jour son cousin :

Les femmes, lorsqu’elles sont très très bonnes, s’apitoient parfois sur les hommes qu’elles ont blessés ; c’est leur grande façon de témoigner leur bonté.

Ce roman est un délice dans l’analyse de personnalités aussi différentes qu’attachantes. Nous sommes dans un milieu où personne ne travaille, tout le monde vivant sur des rentes plus ou moins généreuses. Que ce soit en Angleterre ou aux Etats-Unis, tous ont suivi des études supérieures et une éducation bourgeoise, aristocratique pour certains. Les conversations entre eux sont sophistiquées et le narrateur les restituent avec humour, ajoutant parfois ses propres commentaires aux situations qu’il décrit. L’attrait de la jeune américaine pour l’ancien monde est sincère, à l’époque l’ancienne puissance coloniale de l’Amérique fascine encore la nouvelle Amérique. Sa passion pour la liberté et son indépendance vont néanmoins abdiquer, au moins provisoirement quand elle épouse Osmond.

Arrivée suffragette elle devient femme soumise. Pas facile de faire bouger les conventions empesées d’une société patriarcale. Il faudra d’ailleurs encore un siècle, et même un peu plus, pour que cette envie de liberté ne connaisse un début de satisfaction.

James, est né en Amérique mais a longtemps vécu en Europe. Il a obtenu la nationalité britannique et est mort à Londres. Il décrit à merveille l’opposition entre l’optimisme naïf mais entreprenant du Nouveau Monde face aux traditions tendant parfois à l’immobilisme de la vieille Europe. Il connaît parfaitement les Anglais dont il restitue le cynisme élégant dans la bouche de ses principaux personnages. C’est le chemin vers la décadence d’un continent qui connaîtra bientôt son apogée avec la guerre dévastatrice de 1914-1918. Henry James n’en verra pas l’issue, il est mort en 1916. Une issue raisonnable qui fut accélérée par l’intervention des Etats-Unis d’Amérique venus au secours de ce vieux continent qui fascinait tellement Isabel.