Avec une mauvaise foi qui force l’admiration et une langue de bois en chêne massif les dirigeants et élus français se chamaillent comme des chiffonniers sur le sujet pourtant sérieux des finances publiques du pays qui filent un mauvais coton. Le budget de la France est déficitaire depuis 1974, la conséquence logique est un accroissement de la dette publique qui pèse sur les générations futures puisque pour financer ces déficits structurels il a bien fallu trouver des sous. L’exercice commence à trouver ses limites et Paris se retrouve une nouvelle fois dans l’obligation de réduire le déficit de ses finances publiques qui devraient atteindre 6,1% du produit intérieur brut (PIB) cette année, avec l’objectif de le ramener à 5% en 2025, objectif qui restera très probablement hors de portée. C’est la énième crise financière que rencontre le pays qui n’a pas voulu remettre en cause les modes de fonctionnement de l’Etat depuis l’instauration de la Ve République en 1958. Comme à chaque fois les prêteurs, nationaux et étrangers, ont continué à prêter à l’Etat pour financer ses gabegies celui-ci a été fort peu incité à revoir la tendance permanente à la croissance des dépenses publiques et, surtout, de l’utilité et de l’efficacité de celles-ci. Nous sommes en France, la capacité d’anticipation et la volonté de réforme ne sont pas les premières qualités du pays, alors il faut attendre d’être au pied du mur pour réagir et cela se fait donc toujours dans la douleur.
Le projet de loi de finance (PLF) 2025 qui vient d’être remis à l’assemblée nationale par le gouvernement montre que si rien n’est fait le déficit monterait à 6,9% du PIB en 2025 du fait de sa simple inertie.
On est donc loin de l’austérité ou de la rigueur comme le vocifèrent à peu près toute la classe politique, de la droite à la gauche, ainsi que les syndicats bien entendu, les économistes d’obédience marxiste, Mme. Michu dans les radios-trottoirs d’une presse avide de sensationnel et très peu tournée vers les chiffres, et jusque dans les dîners en ville où les convives s’inquiètent de voir augmenter leurs impôts ou baisser les avantages de leurs niches fiscales et où l’intérêt général est un devenu un concept à peu près incompréhensible de tous.
En réalité, en 2025 les dépenses seront encore supérieures d’environ 130 à 140 milliards d’euros aux recettes. On a vu plus contraignant en matière de rigueur ! Sur un montant de dépenses de 490 Mds, le déficit « réduit » de 2025 représente tout de même 28% du montant de ces dépenses, ce qui veut dire que sur 100 EUR de dépenses l’Etat n’en collectera sur les contribuables que 72 et devra donc emprunter les 28 restants pour financer son fonctionnement.
Toute le monde s’accorde à peu près sur la réalité des chiffres. Chacun admet la nécessité de faire des économies mais chez les autres, justifiant par toutes sortes d’arguties que ce n’est pas possible dans son pré-carré. Les partis politiques assènent leurs recettes habituelles : à gauche on propose plutôt d’augmenter les impôts (« taxer les riches et les surprofits »), à droite on veut réduire les dépenses (sans y arriver) et au centre on fait un peu des deux. Des ministres de rencontre se répandent dans les médias pour menacer de démissionner si les budgets de leurs ministères baissent. Les tribunes se succèdent dans les journaux pour expliquer pourquoi il est inconcevable de baisser les crédits publics pour la recherche, pour la transition écologique, l’éducation, la santé et pour toutes sortes de sujets, qu’il ne faut pas avoir une « vision comptable » de la situation, et bla-bla-bla et bla-bla-bla. C’est l’habituel déchaînement des addicts à la dépense publique qui autojustifient les dérives ayant mené à la situation actuelle. Tous se retrouvent bien entendu pour accuser le président et ses gouvernements successifs de mauvaise gestion. En fait, les bénéficiaires de toutes ces dépenses in fine sont les citoyens eux-mêmes, nous tous, mais c’est l’ordonnateur des dépenses qui est cloué au pilori. Il ne faut pas culpabiliser « nos citoyens les plus fragiles »…
Il serait souhaitable d’appliquer une méthode assez classique en entreprise, celle du « BBZ » (budget base zéro) qui consiste non pas à établir un budget à partir de celui-ci de l’année précédente en faisant varier les lignes pour l’année nouvelle, mais repartir d’une feuille blanche où toutes les lignes sont remises à 0 pour se poser la question de celles qu’il convient de supprimer, celles qu’il faudrait éventuellement ajouter et, pour toutes, le niveau de dépenses nécessaire pour atteindre les objectifs fixés. C’est assez radical mais hors de portée de nos élus pour le moment. Espérons que la France n’aura pas à affronter une situation de faillite comme celle de la Grèce en 2008 à qui les marchés financiers ont arrêté de prêter compte tenu du risque de non-remboursement. Les autres pays européens, donc leurs contribuables, s’étaient alors substitués aux marchés en échange d’un programme drastique d’assainissement de ses finances publiques imposé à Athènes, dans l’urgence, et la difficulté. La survie de la monnaie commune euro était en jeu.
Bien sûr la baisse des dépenses publiques, ou en tout cas le freinage de leur tendance à la hausse, et l’augmentation des impôts auront un effet récessif sur l’économie du pays et douloureux sur le train de vie des citoyens. L’argent dépensé en moins ne va donc pas se retrouver dans certaines poches de privés ou d’entreprises. Il sera donc soustrait à l’économie. Comme de bien entendu et par construction les moins favorisés souffriront plus que les riches, c’est du bon sens qui ne peut justifier la poursuite de la gabegie. Cette nouvelle crise devrait rendre incontournable un plan de redressement. Peut-être, comme lors des précédentes crises, la France s’en sortira par des demi-mesures, peut-être pas…
Aujourd’hui les simples intérêts payés aux prêteurs tangentent les 55 Mds annuels. C’est plus que le budget de la défense (50,5 dans le PLF 2025), à peine inférieur à celui de l’enseignement scolaire (64,5) et largement supérieur à celui de la recherche et de l’enseignement supérieur (31,1). Cette charge de la dette a vocation à continuer d’augmenter avec le niveau de la dette et celui des taux d’intérêt. Elle risque de devenir sous peu la première ligne budgétaire des finances publiques françaises.
Ainsi va la France depuis des décennies, refusant d’affronter la réalité « comptable » en espérant qu’une nouvelle fois elle passera à travers les gouttes de la mauvaise gestion publique en appliquant quelques cautères sur les jambes de bois de ses comptes. Ça peut marcher… ou pas !
Vous avez aimé le PLF 2025 de 490 Mds ? Vous allez adorer le PLFSS 2025 (PLF de la sécurité sociale – assurance maladie, vieillesse [les retraites], accidents et maladies du travail, famille, autonomie et solidarité vieillesse) de 660 Mds dont la discussion démarre lundi 28 octobre à l’assemblée nationale !