Pour fêter la réédition de ses albums « classiques » Archive est en tournée en Europe et présente deux soirées au Zénith de Paris, la première consacrée à You All Look The Same For Me (2002) et Noise (2004), la seconde aux deux disques Controlling Crown – parts I-IV parus en 2009.
L’équipe est au complet sous la direction du duo fondateur Darius Keeler et Danny Griffith. Lisa Mottram est seule au chant féminin ce soir. Elle est apparue dans le groupe lors de la tournée 2023et a parfois cohabité avec Maria Q. Les albums « classiques » comportaient des morceaux rappés par Rosko John, il est remplacé ce soir par Jimmy Collins, petit rappeur blanc, sec et nerveux. Le reste des musiciens est à l’identique des tournées précédentes.
Les deux soirées enchaînent des extraits emblématiques des quatre albums, dans un ordre différent de celui des disques. Le vendredi est consacré au passé des années 2002 et 2004 et le samedi à celui plus récent de 2009. Toutes les chansons ne sont pas reprises, il aurait fallu pour ce faire quatre concerts au lieu de deux, mais celles qui sont jouées le sont de façon flamboyante avec de longues périodes instrumentales prises dans le feu des lumières et la lave en fusion des rythmes répétitifs. L’atmosphère est survoltée, la maîtrise des musiciens parfaite, le son immense, les lumières simples (il n’y a pas d’écran ni de projections-vidéo), synchronisées sur le son.
Le déchirant Again qui démarre le disque You All Look The Same For Me est servi en version longue pour le rappel de cette première soirée. Un must !
Quel superbe ensemble ont formé ces quatre disques représentatifs de l’inspiration du groupe et de ses deux leaders-compositeurs principaux au cours des années 2000, mêlant la modernité de la musique au classicisme des claviers et des guitares utilisés, les rythmes trip-hop à la mélancolie des intonations, la folie de la répétition frôlant parfois l’hystérie au romantisme de certains passages voix et guitare. Bien sûr il y a de l’électronique dans tout ça, mais point trop envahissante. Une électronique de bon goût en somme.
La soirée suivante est dédiée aux deux albums publiés sous la bannière Controlling Crown. La petite ritournelle obsédante qui ouvre la Part I retentit pendant que les musiciens prennent place. Ils vont progressivement se substituer à la musique enregistrée et laisser la place à la formidable machine live de ce groupe qui tourne sur les scènes rock du monde entier depuis 30 ans. Et c’est un enchaînement de leurs plus belles compositions, regonflées et rallongées pour l’occasion de ce show anniversaire. Le public conquis compte les tubes tous basés sur le même concept, des nappes de claviers qui se superposent en mode mineur, inspirées du mellotron du King Crimson des années 1970, sur lesquelles se greffe une courte mélodie répétitive, souvent introduite au piano puis progressivement reprise par des machines électroniques au fur et à mesure que les rythmes s’emballent et que le son monte pour finir dans une explosion de décibels, d’instruments et de flashs de lumière stroboscopique hallucinants. Les finals sont atomiques et durent de longues minutes : 3 guitares sur le devant de la scène, celles des deux chanteurs Dave et Pollard renforcent celle du guitariste en titre, Mickey Hurcombe, Darius et Danny déclenchent sur leur claviers leurs symphonies de rythmes électroniques en mode super-presto, en deuxième ligne, guitare-bass et batterie assènent le beat convulsif, le tout servi avec un light-show qui transforme l’arène du Zénith en un chaudron volcanique, éblouissant des spectateurs dont tous les sens sont sur le point d’imploser.
La prestation du rappeur est impressionnante : vêtu de noir, sweat-capuche de circonstance, nerveux, court sur pattes, cheveux blonds peroxydés, il lâche son flot de phrases d’une voix métallique, projetant ses bras et ses mains en avant dans une chorégraphie de mouvements saccadés, au rythme d’une logorrhée de mots dont on se demande comment il arrive à contrôler en la gardant harmonieuse sur la musique qui l’accompagne. Ce chanter-parler nous emporte sous les arches du Zénith, il n’y a plus de sens, que du rythme et la voix obsédante du rappeur.
All hailstorms in to die for my sins,
Bastardised Ink
why am I accursed and not believing,
death to damnation both forced arrest,
enforced interrogation duress fire question,
pressure point temple brainwashed disciple,
shooting at me with a holy water pistol,
I am not a heathen I’ll give you the reason,
ten commandments and ten counts of treason,
they can pass judgements while I plead,
ignorance self defense dollars pounds and pence,
because we live inside the age feelings hard to gauge,
I just open up the book and keep turning the page,
Le rappel de la soirée est en fait la Part IV du Controlling Crown qui débute avec l’obsédant Pills. Une sombre divagation où il est question de jours qui tirent vers l’abime et de pilules pour y sombrer, de souffrance noyée dans la foule, et de l’Autre, source de toutes les douleurs. Mais la cadence forcenée qui anime cette musique emporte sa mélancolie dans une fusion urbaine redoutablement efficace, et même extatique pour son public.
Pas vraiment gai mais ce Pills nous emmène vers l’apothéose de Dangervisit qui clôture deux soirées de rêve délivrées les Archive au sommet de leur art, pour notre plus grand bonheur musical.

Setlist
14/02/2025
Intro/ Get Out/ Numb/ Sleep/ Noise/ Love Song/ Meon/ Now and Then/ Finding It So Hard (full version)/ Fool/ Conscience/ Waste/ Pulse
Encore : Goodbye/ Again (full version)/ Hate/ Fuck U
15/02/2025
Controlling Crowds/ Bullets/ Kings of Speed/ The Feeling of Losing Everything/ Blood in Numbers/ Quiet Time/ Bastardised Ink/ Collapse/Collide/ Clones/ Words on Signs/ Whore/ Come On Get High/ Chaos/ Razed to the Ground/ Funeral
Encore : Pills/ Lines/ The Empty Bottle/ Remove/ Dangervisit
Warmup
Black Doldrums