Dans une interview parue dans le journal L’Opinion daté du 3 février, le président de la République algérienne démocratique et populaire, Abdelmadjid Tebboune, s’exprime avec beaucoup de malice et de finesse, bien loin des braillements de la gauche française propalestinienne exprimés par la voix et les votes de Rima Hassan et de ses amis, bien éloigné aussi des poncifs de Café du commerce assénés à l’assemblée nationale par des élus de droite sur l’Algérie.
Le propos de M. Tebboune est un habile mélange de mauvaise foi, de langue de bois et de beaucoup de bon sens algérien. Il développe sa position de façon analytique et avec un calme olympien, convaincant facilement ceux qui veulent se laisser convaincre. Son message est à destination du peuple algérien, en Algérie et en France et des Français d’origine algérienne, ce qui représente une population importante qui est dans une attitude permanente de reproche à la France pour son histoire (la colonisation, la guerre de décolonisation…) et ce qu’elle est aujourd’hui, c’est-à-dire pas toujours très favorable à l’immigration en provenance d’Algérie et peu encline à la repentance.
Le président Tebboune connaît parfaitement le personnel politique français, sa façon de penser et les contradictions dans lesquelles il s’enferre depuis l’indépendance de l’Algérie. Les services de renseignement algériens semblent également l’informer sur les faits et gestes de ses opposants résidant en France. Comme il n’a pas vraiment d’opposition locale et que la première force politique est l’armée, plutôt silencieuse, il peut dérouler sa stratégie sans trop de risque d’être contredit sinon par le Café de Flore à Saint-Germain-des-Prés. Il voit passer les ministres français qui changent tous les quatre matins au hasard de l’intensité du chaos politique parisien. Il connait l’histoire de son pays par cœur, comme celle de la France et de l’Europe.
A chaque question un peu insidieuse de l’interviewer (Pascal Airault) il se réfère tranquillement à ce qui se passe en France.
La rente mémorielle derrière laquelle se rangerait les médias et les dirigeants algériens ?
Quelle rente mémorielle ? Honorer ses ancêtres, laisser en paix les âmes de nos martyrs… Jusqu’à aujourd’hui, la France commémore encore ses soldats et ses résistant tombés dans la guerre contre l’Allemagne. Ses cinéastes font des films. Il y a encore des contentieux non déclarés avec Berlin bien qu’il n’y ait eu que quatre ans d’occupation, et encore pas sur tout le territoire. Et vous voudriez nous interdire notre propre travail de mémoire ?
Sur l’écrivain Algérien Boualem Sansal qui détient la double nationalité française :
Boualem Sansal n’est pas un problème algérien. C’est un problème pour ceux qui l’ont créé.
…
Boualem Sansal est d’abord algérien depuis soixante-quatorze ans. C’est un retraité algérien. Le Parlement européen a adopté une résolution pour sa libération. Mais les parlements panafricain, arabe et islamique [et Rima Hassan NDLR] se sont montrés solidaires avec l’Algérie.
…
Il est sous mandat de dépôt. C’est la loi algérienne… il sera jugé dans le temps judiciaire imparti.
Sur la lutte contre le terrorisme islamique :
Il appartient à la France de traiter les cas des jihadistes qui se sont radicalisés sur son territoire et partis faire le jihad au Levant. Nous, nous nous occupons des combattants qui se sont radicalisés en Algérie.
Sur le dossier ukrainien à l’ONU :
L’Algérie a du mal à comprendre le double standard. Il faudrait condamner l’intervention en Ukraine mais pas l’annexion du Golan ou du Sahara occidental…
Et ainsi de suite…
Chaque réponse du président Tebboune est pesée au trébuchet de sa vision méditerranéenne de pays émergent anciennement colonisé, avec une dose subtile de désinformation, un soupçon de mauvaise foi et une remarquable cohérence d’ensemble. Cette interview est un chef d’œuvre diplomatique dont la qualité rend le propos bien plus pernicieux et nuisible pour la relation franco-algérienne que les braillements désordonnés de la partie française. M. Tebboune se révèle ici un adversaire redoutable et intelligent.
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L’interview intégrale de « L’Opinion »
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