Sortie : 2024, Chez : PERRIN.
Hubert Védrine, ex-conseiller diplomatique, puis porte-parole, puis secrétaire général de l’Elysée sous la présidence Mitterrand de 1981 à 1995 et ex-ministre des affaires étrangères dans le gouvernement Jospin sous la présidence Chirac de 1997 à 2002, a réunit une vingtaine de plumes, diplomates, journalistes ou historiens, pour dresser les portraits de grands diplomates, de Mazarin (XVIIe siècle) à Sergueï Lavrov (toujours en activité en Russie), en passant par Talleyrand, Kissinger, Molotov, Zhou Enlai ou Bismarck.
C’est une traversée à travers l’histoire et le monde des négociations diplomatiques qui ont toujours existé car l’humanité a toujours eu besoin de la diplomatie pour mettre fin aux conflits qui ont été le carburant de son développement au cours des siècles. Les relations internationales nécessitent de faire parler des pays qui ont des ambitions souvent incompatibles. Des millions de morts ont été les victimes de guerres se déclenchant pour des revendications territoriales, pour des questions d’honneur, pour des volontés de domination. Dans l’histoire plus récente des guerres ont également été justifiées pour des raisons idéologiques. D’autres s’annoncent…
Les diplomates ont cherché non seulement à éviter les guerres, voire à les régler lorsqu’elles furent déclenchées, mais aussi à organiser les relations internationales et à façonner le monde en fonction des objectifs des rois et des présidents qui les nomment. La hauteur de vue de certains d’entre eux laissent pensifs lorsqu’on observe le niveau des relations diplomatiques de nos jours.
Ainsi, après la défaite de Waterloo et les ravages que Napoléon 1er avait généré en Europe par ses guerres de conquête, le congrès de Vienne en 1814-1815 a tenté de pacifier l’Europe. Metternich qui y représentait l’empire d’Autriche déclarait :
Ou bien la paix sera dicté par le désir de se venger de la France ou bien elle sera inspirée par le désir d’établir un équilibre aussi parfait que possible entre les puissances.
Et c’est ainsi que la France se tira relativement bien de ce congrès, aidée en cela par la redoutable malice de Talleyrand, son représentant.
La seconde moitié du XXe siècle a vu l’édification d’un système multilatéral et l’émergence de la Chine comme puissance mondiale, le tout censé apporter paix et développement à un monde dévasté par la seconde guerre mondiale. Ce fut le grand-œuvre du monde diplomatique, hélas en cours de détricotage ces dernières années avec le retour des nationalismes.
Henry Kissinger, qui fut en charge de la diplomatie des Etats-Unis sous la présidence Nixon déclarait :
Les empires n’ont aucun intérêt à opérer au sein d’un système international ; ils aspirent à être le système international.
Le livre rend hommage avec talent à ces diplomates de hautes volée. Ils furent des hommes de « l’ancien monde » et l’univers dans lequel ils ont exercé leur intelligence est en train de disparaître. Le XXIe siècle dérive aujourd’hui vers les nationalismes et la diplomatie se règle plus à coups de messages de 140 signes sur les réseaux dits « sociaux » que dans les enceintes onusiennes. Peut-être le futur révèlera ces nouveaux « grands diplomates » qui manquent cruellement aujourd’hui pour éviter une nouvelle catastrophe planétaire.