Sortie : 1904, Chez : Seuil (2013)
Ce roman d’Henry James tourne autour de deux couples installés à Londres, imbriqués pour le pire et le meilleur. Maggie, fille d’un riche collectionneur américain, Adam, se marie avec un prince italien désargenté, Amerigo, puis pousse son père dans les bras de son amie Charlotte qu’il épouse à son tour. Maggie ignore que Charlotte fut l’amante d’Amerigo dans le passé.
Très proche de son père, Maggie le reste même une fois mariée. La liaison entre Charlotte et le mari de Maggie se reconstitue, cette dernière l’apprend et va œuvrer pour sauver son couple et celui de son père. Sans rien révéler ce qu’elle sait ni à Charlotte, ni à Adam, elle réussit à éloigner aux Etats-Unis le couple formé par son père et Charlotte, se révélant ainsi manipulatrice, pour la bonne cause, et généreuse pour son père et le pardon qu’elle accorde à son mari.
Ce roman fleuve sombre parfois dans la longueur des descriptions de ces situations mêlant l’adultère et l’amour conjugal et filial. Le style de James ne comporte évidement rien de scabreux, ce n’est ni dans le style de l’auteur, ni dans celui de l’époque (le livre a été publié en 1904). Le terme « amant » n’est utilisé qu’une fois au long de ces 700 pages alors qu’il n’est question que de ça. L’évocation d’un baiser entre les amants n’apparaît également qu’une fois dans le roman. Tout le reste n’est qu’élaborations de stratégies et de dialogues entre les impétrants pour comprendre, analyser, expliquer puis démonter cette situation délétère. Nous sommes dans le monde de la grande bourgeoisie anglo-saxonne qui n’a pas grand-chose d’autre à faire que de s’occuper de ses propriétés, ses œuvres d’art ou ses mondanités, et de ses problèmes sentimentaux.
Henry James a plongé avec délices dans ce monde européen un peu décadent, où il a vécu, et qu’il a décrit en détails dans de nombreux romans. « La Coupe d’Or » n’échappe pas à la règle et enrichit la fiction d’aspects psychologiques se rapportant à l’amour indestructible d’une fille pour son père, confrontée à des difficultés dans son propre couple. Comment arbitrer entre ces contraires ? James prête à son héroïne un talent et un machiavélisme que l’on ne soupçonne pas au début du roman. Et elle sacrifie sa proximité avec son père à l’avenir de son couple avec Amérigo pour lequel le lecteur n’a pas l’impression qu’elle éprouve un amour fou. Couper le cordon ombilical est le choix de la raison pour Maggie (comme pour James) afin de résoudre cet imbroglio psychologique.
Le style minutieux de l’auteur américain, parfois légèrement ampoulé, celui d’un autre siècle, impose au lecteur une attention soutenue pour suivre les déroulement de cette affaire familiale et conjugale. La pensée complexe de James se déroule en phrases et raisonnements longs et sophistiqués, au risque de décourager le lecteur qui aurait tort de refermer le livre avant sa conclusion.