WORMSER-MIGOT Olga, ‘Le retour des déportés – quand les alliés ouvrirent les portes’.

Sortie : 1965, Chez : Editions Archipoche (réédition 1985).

Fille d’émigrés russes-juifs ayant fui la Russie tsariste après l’échec de la révolution de 1905, Olga Wormser-Migot (1912-2002) est une historienne française qui s’est spécialisée dans l’histoire de la déportation pendant la seconde guerre mondiale.

Elle fut appelée juste après la libération de Paris en août 1944 au Ministère des Prisonniers, Déportés et Réfugiés pour aider, notamment, à l’accueil et à l’identification-répertoriage des déportés de retour des camps de concentration et d’extermination nazis, ainsi que de ceux qui ne revinrent jamais. Son service reçut également les familles dans l’attente, souvent insupportable, des leurs qu’elles savaient avoir été déportés mais dont elles restaient sans nouvelles, même après la fin de la guerre. C’était d’ailleurs la plus grosse part de leur activité.

Le récit est constitué à partir du journal de l’auteure, de courts paragraphes, souvent consacrés au parcours d’un déporté mort ou vivant, anonyme ou célèbre, mais se référant aussi parfois aux ennemis : le suicide de Himmler, la fuite des responsables des camps alors que les troupes alliés se s’approchent. On parcourt ainsi ces mois entre la libération de Paris et les quelques semaines après la fin de la guerre jusqu’à ce que le rapatriement des déportés soit considéré comme clos. Des missions françaises sont organisées sur le terrain avant le 8 mai 1945 alors que les combats ne sont pas encore terminés, pour visiter les camps déjà libérés et identifier les Français, essayer de ramener quelques survivants au pays. A Paris la vie reprend mais à l’Est la guerre continue.

Ce récit revient sur la sidération des autorités françaises et alliées alors qu’apparaissent les précisions sur la barbarie nazie. Peu de gens à l’époque étaient informés de cette réalité des camps et beaucoup, comme Olga Wormser-Migot, découvrent l’ampleur de ce désastre, pratiqué au cœur de la vieille Europe, au fur et à mesure qu’elle est dévoilée par les victimes survivantes. Il fallut s’organiser pour faire face à cette dévastation dans une France meurtrie par la guerre. Olga Wormser-Migot narre cette tâche immense au quotidien.

Le livre retrace aussi l’angoisse indicible de l’attente, celle des familles restées en France qui s’accrochent à l’espoir de voir revenir les leurs. Mais aussi celle de déportés revenus des camps et qui sont dans l’ignorance du sort de leurs femmes, leurs enfants, leurs parents également déportés mais desquels ils ont été séparés et sont sans nouvelles. Trop souvent il faut leur annoncer qu’ils ne les reverront pas.

Ecrit 20 ans après l’ouverture des camps, avant que les historiens ne se penchent scientifiquement sur le sujet et que la parole des déportés survivants n’émerge véritablement, ce livre a permis d’informer sur la réalité cette période si sombre de l’histoire avant que ne paraissent les grands ouvrages de référence sur la barbarie nazie et que la parole des victimes ne soient véritablement entendues. Il fallut attendre les années 1980 pour ce faire, soit 40 ans après ces terribles faits.