La nouvelle politique économique mise en œuvre aux Etats-Unis sous l’impulsion du président Trump est intéressante en ce qu’elle déroule des principes de « Café du Commerce » largement diffusés dans les pays occidentaux par une classe politique, généralement dans l’opposition, qui braille contre l’Union Européenne et pour l’Europe des Nations, qui veut « rétablir les frontières », casser les pouvoirs des organismes multilatéraux qui, dans certains cas, surplombent les pouvoirs nationaux. Les Etats-Unis d’Amérique veulent réduire les déficits commerciaux considérables qu’ils affichent vis-à-vis du reste du monde et rapatrier sur leur sol la production industrielle qui a été largement délocalisée dans le « Sud global ».
Ils sont en train de mettre très rapidement en pratique une série de mesures concoctées par l’équipe Trump avant l’intronisation au pouvoir de leur héros en janvier dernier. Ces décisions portent sur une hausse générale des droits de douane, tout particulièrement à l’encontre de la Chine, la sortie du pays de certains accords multilatéraux (Organisation mondiale de la santé [OMS], Accords de Paris sur le climat et d’autres certainement à venir). En parallèle, le gouvernement américain coupe drastiquement dans les dépenses fédérales, entraînant des milliers de licenciements de fonctionnaires et la fermeture brutale d’agences fédérales comme l’US-Aid, chargée de distribuer l’aide au développement américaine.
Comme on l’apprend en première années d’études macroénomiques le déséquilibre du commerce extérieur ou des paiements n’est pas satisfaisant sur le long terme et le « coupable » n’est pas forcément celui qui affiche des déficits. Le rétablissement des équilibres doit être le fait des deux parties, celle en déficit comme celle en excédent. Evidemment la théorie ne prône pas de rétablir ces équilibres avec une telle brutalité mais elle recommande de les rétablir, de même qu’elle assure que les déficits budgétaires d’un Etat sont source d’endettement public et, possiblement à terme, de difficultés de trésorerie de l’Etat concerné.
Sur un plan plus politique, le président américain et son équipe conservatrice se sont lancés dans un combat féroce contre l’immigration illégale et le « wokisme », ce dernier estiment-ils, gangrénant la vie intellectuelle du pays. Des expulsions assez significatives d’immigrés illégaux sont réalisés par des avions militaires américains vers les pays de provenance. Des coupes dans les budgets d’université et de programmes de recherche qui véhiculeraient les idées « woke » ont été pratiqués ainsi que des effacements massifs de données numériques des sites web gouvernementaux afin d’annihiler toutes traces de ces « dérives ». On peut penser que ces écrasements de données ne sont pas définitifs tant les grandes entreprises privées de la « Tec » les aspirent en continu et les gardent sur leurs serveurs d’où elles pourraient être exhumées s’il était nécessaire de le faire un jour.
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Les premiers résultats des mesures économiques sont assez disruptifs pour le moment : chahut sur les marchés financiers et dans les flux commerciaux mondiaux, risque de baisse de la croissance mondiale, accroissement du chômage et de l’inflation pour le moment aux Etats-Unis mais avec diffusion rapide à d’autres régions de la planète. Il est sans doute encore trop tôt pour se faire une idée sur les effets d’une telle politique qui ne peuvent être jugés que sur le long terme. Les experts économiques prédisent le crash à court terme de l’économie mondiale mais ces « experts » se sont déjà beaucoup trompés dans le passé. En tout état de cause on ne peut pas changer aussi drastiquement de politique sans effets collatéraux qui peuvent être négatifs à court terme et favorables à plus longue échéance, et vice-versa, ou défavorables quel que soit le terme.
Les populistes européens parangons de l’Etat-nation vont donc avoir tout loisir de mesurer en grandeur réelle l’application des mesures qu’ils recommandent depuis des années dans leurs programmes de « Café du commerce ». D’ailleurs, au moins en France pour le moment, on ne les entend plus beaucoup. Sans doute sont-ils un peu effrayés par Trump apprenti-sorcier qui précèdent leurs désirs les plus fous.
Dans les faits, cette « mondialisation » tant décriée par les nationalistes aux petits pieds est celle qui a considérablement développé « l’Occident collectif » comme « le Sud global » depuis le mitan du XXe siècle. Dans ce dernier, l’apparition de classes moyennes de plusieurs centaines de millions de citoyens, encore inexistantes dans les années 1960-1970, a fait émerger des armées de consommateurs et c’est une bonne nouvelle pour tout le monde, en premier lieu pour les intéressés. Les nouvelles « chaines de valeurs » ont entraîné un Yalta économique : les usines dans le « Sud global », les services dans « l’Occident collectif ». Cette répartition des tâches était en train d’évoluer doucement à la demande des pays occidentaux voulant renforcer leur « souveraineté industrielle » d’une part, et du fait du développement de pays voulant passer dans le clan des producteurs de services à haute valeur ajoutée. Une nation performante et ambitieuse comme la Chine va d’ailleurs dans ce sens grâce à l’efficacité de son innovation et l’application des bonnes vieilles méthodes capitalistes par… le Parti communiste chinois ! Ce pays est désormais économiquement puissant, en mesure de faire face à « L’Occident collectif ». Le côté autoritaire de son gouvernement qui ne s’embarrasse guère de principes démocratiques lui permet sans doute aussi de monter plus vite vers la puissance.
Les Etats-Unis veulent renverser cette tendance et se réaffirmer comme LA puissance mondiale face à la Chine et au reste du monde. Depuis l’intronisation de leur nouvelle administration républicaine ils appliquent dans ce but des méthodes brutales qui semblent parfois improvisées et dont il faudra encore quelques mois pour juger des effets. Beijing agit avec beaucoup moins d’effets de manche et beaucoup plus de finesse. L’Histoire devrait dire assez vite si cette « démondialisation » visée peut rester un objectif viable ou si l’intrication des économies et des peuples est désormais définitive, avec les inconvénients que l’on connaît.