« Marie-Laure de Decker – L’image comme engagement » à la Maison européenne de la photographie

Marie-Laure de Decker (1947-2023) fut une photographe-photoreporter née en Algérie qui a couvert nombre de théâtres de conflits mais avec aussi quelques incursions dans le monde culturel ou politique. Après avoir photographié les émeutes parisiennes de 1968, elle avait 20 ans et habitait dans le quartier latin, elle part s’installer au Vietnam entre 1970 et 1971 pour y documenter la guerre asiatique que les Etats-Unis sont en train de perdre. A son retour elle est recrutée par l’agence Gamma pour laquelle elle va couvrir d’autres guerres au Yémen, au Tchad, au Proche-Orient… Elle photographie aussi des zones de conflits politiques : le Chili après le coup d’Etat militaire (elle est mariée avec un Chilien dont elle aura un fils, Pablo qui a collaboré à cette exposition), l’Afrique du Sud sur la voie de la fin de l’apartheid, les mouvements féministes et sociaux dans le monde.

Malgré les climats empreints de violence où elle a travaillé, elle a toujours revendiqué de se concentrer sur l’humain. Ses photos ne montrent pas de corps déchiquetés par les bombes mais la bonne bouille d’un soldat américain qui fête Noël à Da Nang en 1971, de jeunes prostituées dans les bars de Saïgon ou les miliciens Toubous au Tchad…

Elle a passé beaucoup de temps dans ce dernier pays au moment où le chef rebelle Hissène Habré avait enlevé la chercheuse française Françoise Claustre, maintenue en captivité pendant de longs mois au milieu du désert. Elle a manifestement été fascinée par ces soldats rebelles dont elle ramena de nombreuses photos exposées ici. Ce que l’exposition ne dit pas c’est qu’Hissène Habré une fois arrivé au pouvoir se transforma en un dictateur sauvage et sanguinaire, beaucoup moins fascinant !

Très belle, Marie-Laure de Decker a ponctué ses voyages d’autoportraits tous pris de la même façon, avec son Leïca face aux miroirs des salles-de-bains des hôtels où elle posait son sac. Certains sont montrés, souvent en noir-et-blanc, on la voit grande, un peu dégingandée, les cheveux ras et l’air sombre. Passer l’année de ses vingt ans au milieu de la guerre du Vietnam laisse quelques traces…

Passagère de la deuxième moitié du XXe siècle, elle en a ramené l’album de quelques grands conflits mais aussi de petites choses comme cette célèbre photo de Giscard d’Estaing prise le soir de son élection comme président de la République alors qu’il se regarde à la télévision.

Marie-Laure de Decker – Valéry Giscard d’Estaing 1974