Personne ne veut assumer la responsabilité de la dette publique française, tout le monde en a profité !

La République française est significativement plus endettée que ses partenaires de l’Union européenne. C’est un fait que plus grand monde ne conteste aujourd’hui. En revanche tout le monde s’écharpe pour attribuer la responsabilité de cette situation à ses voisins. La dette d’un Etat n’est en principe jamais remboursée mais on en paye des intérêts (la charge de la dette) qui sont proportionnels à son montant. La dette est « roulée » (anglicisme de « roll over ») c’est à dire que lorsque son échéance approche l’Etat réemprunte un peu plus ou un peu moins (toujours plus dans le cas de la France) et la dette ancienne est « refinancée » par la dette nouvelle. Ce système fonctionne tant que le pays trouve des prêteurs disposés à continuer de prêter. Si les prêteurs s’inquiètent de la solidité de l’emprunteur ils commencent par augmenter les taux auxquels ils prêtent, puis, ultimement, ils cessent de prêter ce qui met l’Etat concerné en défaut. C’est ce qui s’est passé pour la Grèce en 2008, en Argentine en 2000, et pour bien d’autres pays qui, dans une telle position, font généralement appel aux institutions financières internationales qui se substituent aux marchés financiers, acceptent de refinancer l’Etat défaillant en lui imposant une politique financière stricte : « soit tu redresses ta gestion en appliquant le programme que je t’impose soit je ne te prête pas ».

Comme un Etat ne peut jamais disparaître pour des raisons financières, il ne fait pas faillite, les programmes rigoureux sont plus ou moins appliqués et les populations se heurtent à la dure réalité qui leur avait été masquée auparavant par leurs dirigeants se faisant élire sur le thème : « votez pour nous, demain on rase gratis ». C’est grosso-modo la situation de la France aujourd’hui.

Elle n’est guère brillante et c’est avec un bel ensemble que les partis politiques se culpabilisent les uns les autres pour cet état de fait : « c’est pas moi, c’est l’autre ». Et la population, avec la même unanimité, déclare : « il n’y a pas de raison que je paye les pots cassés ». En réalité, tout le monde a profité de cet argent dépensé au-delà de ce que gagnait le pays. Les crises successives de la Covid, de la guerre d’Ukraine, de l’agitation sur le marché de l’énergie, du retour de l’inflation… ont poussé les gouvernements occidentaux à dépenser toujours plus d’argent public pour en atténuer la douleur pour leurs citoyens. Durant les confinements liés à la pandémie de Covid en 2020-2021 l’Etat français a payé les salaires d’une économie à l’arrêt, avancé des sommes considérables aux entreprises pour qu’elles passent ce moment sans sombrer. Le retour de l’inflation a vu également la mise en place de « boucliers tarifaires » sur l’énergie pour des sommes gigantesques qui ont permis d’atténuer pour les consommateurs (particuliers et entreprises) le prix de marché de l’énergie. Ce sont ainsi des dizaines de milliards qui ont été dépensés au profit de la grande majorité des citoyens, soit pour payer leurs salaires à la place de leur employeur durant la pandémie, soit pour payer la hausse de l’énergie à la place des consommateurs durant la crise de l’inflation. C’est là toute la difficulté « psychologique » d’une situation inédite : tout le monde a profité de cette manne en considérant que cela a été « normal », mais chacun en rejette la responsabilité sur le voisin et ne veut pas « payer pour la gabegie gouvernementale ».

Cerise sur le gâteau, le retour des guerres aux confins de l’Europe, en Ukraine, a généré des coûts inattendus qui sont venus se surajouter à ceux des crises précitées. L’Ukraine est soutenue à bout de bras par les pays occidentaux, non seulement militairement mais surtout financièrement afin que l’Etat de Kiev qui n’a plus beaucoup de ressources tienne le coup. Bien entendu pendant ce temps là le reste des dépenses a continué à se dérouler comme si de rien n’était : budgets sociaux, retraites, santé, fonction publique, etc. Finalement, la France a plus dépensé par habitant du fait de ces crises multiples que ses voisins, l’ajustement se retrouve donc dans sa dette. Rien que de très logique.

Le pays est aujourd’hui au pied du mur dans un capharnaüm politique de premier ordre, chacun tirant à hue et à dia pour fuir toute responsabilité dans ce désastre financier que les bénéficiaires, nous tous, vont bien devoir payer d’une façon ou d’une autre. Plus inquiétant, ces masses d’argent considérables qui irriguaient l’économie vont devoir décroître ce qui ne manquera pas d’entraîner des conséquences négatives sur la croissance économique. Mais il est tout simplement impossible pour le pays de continuer à vivre au-dessus de ses moyens. Il est du devoir de dirigeants intelligents d’expliquer cette situation et de trouver un compromis politique pour en sortir. Hélas, nous n’en prenons pas le chemin et lesdits dirigeants de rencontre ressassent les mêmes inepties partisanes en espérant se pousser du col et atteindre les dernières marches du pouvoir. C’est l’image de la décadence du pays alors que des jours difficiles s’annoncent.

Petit trait d’humour pour finir cette chronique, une bonne part de cet argent public dépensé a fini sur… les comptes d’épargne des ménages dont la croissance est très soutenue et dont l’encours au 30 septembre 2024 est de 6 412 milliards d’euros, soit près de deux fois la dette publique française. En résumé : l’Etat a emprunté des sommes importantes à injecter dans l’économie pour la soutenir qui se sont retrouvées gelées et peu productives dans les comptes d’épargne des ménages.

Bien sûr, les « misérabilistes » qui peuplent les partis politiques et les plateaux télévisés expliquent que les « travailleuses et les travailleurs de ce pays » sont à découvert dès le 15 du mois, il n’en reste pas moins que d’autres « travailleuses et travailleurs » détiennent une épargne de 6 412 milliards d’euros, c’est d’ailleurs l’une des raisons pour laquelle les prêteurs continuent de financer la République car ils sont rassurés par l’existence de ce « bas de laine » bien garni dans lequel l’Etat pourra toujours aller « prélever » un jour si la situation l’exigeait.

Cette épargne des ménages montre que certains peuvent épargner, et pas uniquement Bernard Arnault. C’est une bonne nouvelle !

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