SANSAL Boualem, ‘Le serment des barbares’.

Sortie : 1999, Chez : Gallimard / Folio 3507.

Encore un livre jouissif de Boualem Sansal, publié en 1999 à la fin de la « décennie noire » durant laquelle des terroristes religieux ont affronté les autorités algériennes. Ils se sont finalement inclinés mais la bataille a fait des dizaines de milliers de morts, souvent dans des conditions de barbarie effroyables.

Le roman suit l’enquête d’un inspecteur de police, Si Larbi, proche de la retraite qui enquête sur un meurtre étrange, par égorgement, aux ramifications improbables. C’était une époque où un mort de plus ou de moins passait plutôt inaperçu mais l’enquêteur décide… d’enquêter. Il va alors mettre à jour des liens de la victime avec un passé dans les troupes de Messali Hadj, fondateur du Mouvement national algérien (MNA), décapité par le Front de libération national (FLN), durant la guerre d’indépendance, avec des années au service d’un colon agriculteur, d’abord dans l’Algérie française puis en France, avant de revenir à Alger, Rouïba plus exactement, se colleter avec la corruption endémique régnant dans le pays, le pouvoir confisqué par une caste militaro-politique inefficace, la population désabusée et passive, et, surtout, les petits arrangements entre les islamistes et les puissants.

L’enquête de Si Larbi est en fait pour Sansal un prétexte pour parler de son pays d’origine et il le fait de façon cinglante et pleine de dérision, sa plume trempée dans l’acide. Le style est riche et foisonnant, utilisant à profusion la répétition de la même expression mais en des termes différents, faisant parfois un peu étalage de son vocabulaire. On a l’impression que ce livre relève de l’autothérapie d’un citoyen algérien désespéré par l’état de son pays et, surtout, des comportements de ceux qui la dirige et de ceux qui aspirent à prendre le pouvoir. Il n’épargne pas non plus, loin de là, ses concitoyens qui sont au mieux passifs, sinon acteurs, de l’effondrement moral, économique et politique de l’Algérie.

Le mal a de beaux jours devant lui dans ce pays de cocagne malade de ses maux qui cherche gloire sur les chemins de la perdition.

C’est sans doute ce livre de 1999 qui a fondé le divorce entre Boualem Sansal et son pays qui, vingt-cinq ans plus tard, le condamnera à cinq ans de prison pour « intelligence avec des parties étrangères ». Sansal, titulaire de la double nationalité franco-algérienne, commit l’imprudence de revenir en Algérie en 2024 et il est toujours en prison à l’heure qu’il est. Les dirigeants de ce pays semblent avoir beaucoup moins le sens de l’humour que Sansal.

Blabla