A l’occasion d’un conflit entre la société ferroviaire publique SNCF et ses propriétaires, la communauté des citoyens contribuables représentée par l’Etat, on assiste à des débats étonnants sur le sort à réserver à la dette de 50 milliards accumulée depuis des décennies par cette entreprise publique, pour de bonnes et de mauvaises raisons. Ces sommes faramineuses sont dues au fait que les recettes de la SNCF ont été insuffisantes la rembourser. Comme on sait qu’il est a priori impossible de facturer les vrais coûts ferroviaires aux utilisateurs ce qui reviendrait à doubler les tarifs, voire plus, il faut bien combler les trous. Pour le moment ce comblement est réalisé en endettant l’entreprise. C’est à peu de chose près ce que fait la République puisqu’elle dépense plus qu’elle n’encaisse.
La dette de la SNCF est garantie par les contribuables si bien que la société ferroviaire trouve encore des prêteurs malgré son insolvabilité patente. La question est de « transférer » cette dette des comptes de la SNCF à ceux de la République, en d’autres termes de ceux des clients du train à ceux des contribuables de la nation.
Les parties au conflit actuel et les commentateurs mondains traitent de ce sujet (il s’agit de 50 milliards tout de même, excusez du peu) avec une légèreté confondante. Ils parlent de « reprise », de « transfert » et autres termes abscons comme si cette dette allait disparaître d’un coup de baguette magique. En fait l’idée est de la faire rembourser par les contribuables plutôt que par les clients-usagers de la SNCF. Ce n’est pas complètement incohérent si l’on considère que le pays a intérêt à subventionner son système de transport ferroviaire pour des raisons écologiques et de développement local notamment. Mais cela mériterait d’être intelligemment expliqué aux citoyens.
En théorie si nous étions un pays bien géré ce subventionnement aurait dû être régulier et des transferts de l’Etat vers la SNCF, c’est-à-dire du contribuable vers l’usager, auraient dû être effectués pour cofinancer les missions de service public de cette activité. Cela n’a pas été fait et l’endettement a donc remplacé les subventions non versées. Le paiement de cette dette par les contribuables va globalement aboutir au même résultat.
Il reste maintenant à voir comment une future SNCF libérée de ses 50 milliards de dette va se mettre à ré-accumuler une nouvelle dette, ou pas. C’est tout l’objet des négociations en cours sur des réformes structurelles de cette société avec des syndicats qui ne semblent pas très ouverts à l’idée de tout changement.