AUBENAS Florence, ‘Le quai de Ouistreham’.

par

dans Catégorie :

Sortie : 2010, Chez : POINTS P2679

Voulant connaître la vraie vie d’un chômeur en recherche d’emploi dans une région économiquement sinistrée, Florence Aubenas, journaliste (à Libération puis au Nouvel Observateur) part s’installer à Caen en 2010 pour démarrer le difficile parcours d’obtention d’un job. Elle s’affiche sans diplôme, ex-femme au foyer quittée par son mari, et commence par visiter l’agence Pôle Emploi, puis, progressivement obtient des petits contrats de ménage de quelques heures dans des entreprises locales, des campings, les ferry-boats du port…

Elle décrit avec précision le parcours du combattant, le fatalisme des personnels de Pôle Emploi qui cherchent à l’orienter, le salon de l’emploi de la ville, les formations d’agent de ménage, ses premières heures à récurer les toilettes du camping, la solidarité de ses collègues d’infortune, la fatigue physique, la pression continue pour faire toujours plus dans un temps qui se raccourcit, le maigre salaire absorbé par les frais, de véhicule notamment car il faut bien se rendre au travail en l’absence de transports en commun, la dureté des employeurs…

Mais elle obtiendra finalement une proposition de contrat à durée déterminée qui mettra fin à son aventure, ne voulant pas prendre le travail de quelqu’un.

Ce livre explique le monde dans lequel vivent les citoyens habitant ces zones où il ne reste plus vraiment d’activité économique. Les industries locales ont disparu les unes après les autres mais les habitants sont restés. La loi de l’offre et la demande étant ce qu’elle est, les jobs qui restent sont peu nombreux, sous-payés et très précaires. Les services de l’Etat font ce qu’ils peuvent pour limiter la vague du chômage mais les résultats sont faibles, on a l’impression qu’il n’y a plus grand-chose à faire sinon fermer la région. On peut aussi voir un coté pas complètement négatif dans ce reportage : elle mettra six mois pour obtenir un CDI de ménage après avoir quand même bénéficié de formation et de prestations d’orientation financées par l’Etat qui semblent avoir été quand même un minimum efficaces. Cela aurait pu être pire.

Florence Aubenas en profite pour jeter un regard affectueux sur les gens qui l’entourent : les accrocheurs, les malins, les dévastés, les dragueurs, les salauds… Ce livre est une bonne surprise qui réconcilie avec le journalisme qui n’est donc pas que mondain.