Sortie : 1980, Chez : Points R39
Elie Wiesel, rescapé des camps d’extermination et éternel penseur-témoin de la barbarie européenne, raconte par la voix de son héros (le poète juif assassiné) le drame des idéologies qui ont mis l’Europe du XXème à genoux au bord du gouffre, dont elle ne fut tirée que grâce à l’intervention du nouveau monde. Né en Roumanie, Paltiel a traversé nombre des calamités de ce siècle tragique : les pogroms antisémites en Europe de l’Est, l’installation du nazisme en Allemagne, l’exil en France dans les années 30′, l’adhésion au communisme internationaliste, la guerre d’Espagne, les procès antisémites de Moscou et, finalement son exécution dans les prisons staliniennes. Poète, il a laissé des écrits que le greffier à l’instruction de son procès détaillera à son fils muet parti refaire sa vie en Israël.
On traverse ce siècle vertigineux avec passion et douleur car ce sont nos ancêtres, pas si anciens que cela, qui ont généré tous ces massacres en surfant sur l’espoir de peuples qui croyaient pouvoir refaire le monde. L’engagement communiste de Paltiel rappelle que les populations juives martyrisées ne furent pas les dernières à croire à ces idées, et même à chercher à les mettre en place en Israël où l’organisation de kibboutz n’était pas fondamentalement différente de l’économie de kolkhoze. Leur déception fut grande comme celle des autres peuples embarqués dans cette propagande. Israël a essayé un temps de maintenir un esprit communautaire avant de se transformer en « start up nation » guerrière et bien éloignée des idéaux de ses fondateurs.
Ce roman fait le compte à rebours de l’effondrement moral d’un continent à travers la vie racontée de Paltiel qui parle certainement en grande partie au nom d’Elie Wiesel.