Ahhhhhhhhhhhhhhhhh ! Bryan Ferry ce soir au Palais des Sports : comment tant d’élégance, de fidélité et de tact dans un monde où tout n’est que chaos et vulgarité ? Son dernier disque Avonmore est un joyau où se croisent ses amis musiciens au hasard des morceaux : Johnny Marr (The Smiths), Niles Rodgers (Chic, à la guitare rythmique si caractéristique), Marcus Miller (bassiste jazzy hors catégorie), Mark Knopfler (Dire Straits), son fils Tara à la batterie, l’ineffable Fonzi Thornton aux chœurs et d’autres encore. La couverture est composée d’une photo noir et blanc de l’artiste lorsqu’il devait avoir dans les 20 ans. Il en a aujourd’hui presque 70 et ce retour sur sa jeunesse donne lieu une œuvre mélancolique, à l’écriture et la composition brillantes, chantée avec une voix brumeuse et éthérée que l’on avait entraperçue sur As time goes by, superbe disque de reprises des classiques de jazz qui ont bercé sa formation musicale.
Il entre sur scène, aminci, vêtu d’un impeccable smoking dont la veste noire est imprimée de motifs floraux-cachemire, d’un raffinement tellement… Bryan Ferry. Le groupe est étagé sur la scène avec le clavier, une dynamique batteuse et une sax/clavier en hauteur ; deux choristes, deux guitaristes et un bassiste plus bas. La mixité est toujours assurée sur les shows de Ferry.
Le concert démarre sur Re-make/Re-model qui nous ramène aux années Roxy Music, celles qui après tout ont forgé notre artiste… et notre jeunesse. La set list est parfaite, mélangeant les époques, nos souvenirs et l’actualité brillante d’Avonmore qui sera introduite lors du cinquième morceau avec Driving Me Wild à la rythmique obsédante. Evidemment la légendaire guitare rythmique de Niles Rodgers présente sur le disque n’est pas tout à fait égalée sur scène mais les duettistes guitaristes tiennent leur rôle mieux que bien, celui sur le devant, vêtu punky tout en noir de pieds en cap, couvre-chef compris, se fend même de quelques solos bien appuyés.
Sur l’instrumental Tara, Bryan sort en coulisses pour revêtir un costume velours bleu-gris sur chemise foncée et le voilà reparti sur ce chef d’œuvre très peu joué sur scène que représente Take A Chance With Me : Heaven knows, I believe/ Won’t you take a chance with me/ Sometimes I get so blue/ People say I’m just a fool/ All the world, even you/ Should learn to love the way I do// I was blind, can’t you see/ Through the long lonely night/ Heaven knows, I believe/ You can take a chance with me…
Seul au piano Ferry chante une bouleversante version de More than This laissant s’exprimer cette voix qui se bonifie avec le temps et semble de plus en plus irréelle, comme désincarnée, mais tellement humaine et si bien contrôlée. Il atteint un stade que l’on pense ultime de perfection, fruit de ces quatre décennies de carrière et de représentations sur toutes les scènes du monde. Cette évolution vers une musique et un chant plus intériorisés est sans doute aussi celle d’un parcours personnel qui le mène à l’orée de ses 70 ans, une période de la vie où l’on se consacre à l’essentiel plutôt qu’aux fanfreluches du glam-rock dont Roxy Music et Ferry furent les hérauts en leur temps.
Passent ensuite l’excitant Loop de Li puis Avalon, Casanova… Bryan Ferry laisse le devant de la scène tour à tour à chacun de ses musiciens, la saxophoniste plutôt menue que l’on connaît depuis plusieurs tournées (habillée généralement soit un minishort soit en combinaison ultra-moulante, option 2 pour ce soir) souffle dans ses instruments à vent comme si elle avait un coffre de cantatrice fait le spectacle plus souvent qu’à son tour ; incorrigible Bryan…
Ferry marque le rythme de son habituel frappement du poing droit dans sa paume gauche, il salue son public à la fin des morceaux en une révérence démarrée avec un grand moulinet de bras. Et il termine son concert d’exception une écharpe bleue enroulée autour du coup pour siffloter le si célèbre final de Jealous Guy qu’il a chanté les yeux fermés et clôt cette prestation de rêve avec un rappel unique : Virginia Plan.
Au-delà de cette gestuelle maintenant classique il semble mettre une distance grandissante avec son public dans sa façon d’être et les thèmes nostalgiques de ses chansons : I’m a soldier of fortune/ An ambassador of pain/ I had the world on a string/ Then I threw it all away… Il s’élève dans les sphères hors de portée de sa musique et de ses pensées. Ne serait-ce le bonheur du concerts on ressent presque de la tristesse à vivre cet éloignement.
Bryan Ferry nous a rejoué ce soir le catalogue de 40 ans de musique et de bonheur, un catalogue qui est aussi celui de notre vie qui passe.
Setlist : Re-Make/Re-Model (Roxy Music song)/ Kiss and Tell/ Slave to Love/ Ladytron (Roxy Music song)/ If There Is Something (Roxy Music song)/ Driving Me Wild/ Stronger Through the Years (Roxy Music song)/ Loop de Li/ Reason or Rhyme/ Tara (Roxy Music song)/ Take a Chance with Me (Roxy Music song)/ Don’t Think Twice, It’s All Right (Bob Dylan cover)/ More Than This (Roxy Music song)/ Avalon (Roxy Music song)/ Casanova (Roxy Music song)/ Love Is the Drug (Roxy Music song)/ Let’s Stick Together (Wilbert Harrison cover)/ Jealous Guy (John Lennon cover)/ Virginia Plain (Roxy Music song)
Warm up : Juliette Armanet
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