Le dernier des injustes, où Claude Lanzmann utilise des matériels qu’il avait accumulés lors du tournage de Shoah. Un film de presque quatre heures centré sur une interview de Benjamin Murmelstein réalisée en 1975. Il administra avant la guerre le bureau d’émigration des juifs de Vienne, dont il était également le rabbin, puis il fut doyen des juifs du camp de concentration « modèle » de Theresienstadt jusqu’à la libération. A ce titre il travailla avec Eichmann dans des conditions qu’il explique. Petit personnage trapu et vif, il explique, justifie, démonte, son action de l’époque qui fut très controversée après la guerre, sans passer sous silence que s’il pensait d’abord à la communauté juive du camp, il pensait aussi à son sort, sans masquer le fait que sa position de doyen impliquait également des enjeux de pouvoirs et que les juifs des camps étaient « des martyrs mais pas tous des saints ».
Au passage il démonte la théorie d’Hannah Arendt sur la banalité du mal qui considérait Eichmann comme un simple bureaucrate du système nazi. Il qualifie ce raisonnement de « risible » et qualifie Eichmann de « démon corrompu ».
Lanzmann fait pencher la balance en sa faveur, et à tout le moins pousse les spectateurs à la réflexion devant l’incroyable complexité de ces situations où le système nazi cherchait à s’appuyer sur la communauté juive pour l’administration des ghettos, poussant ainsi la perversité à son apogée en impliquant les victimes dans l’administration de la solution finale.