Le musée de l’Armée rappelle à ceux qui l’avaient oublié qu’après l’armistice de 1918 qui mit fin aux combats sur le front de l’Ouest, principalement entre l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni, les belligérants continuèrent à s’affronter à l’Est alors que le démantèlement des empires austro-hongrois et ottoman, les perdants, se déroulait. Cette passionnante exposition explique à grand renfort de cartes animées comment l’Europe a été remembrée dans la douleur après l’armistice de novembre 1918 et la grande violence de l’affrontement des alliés contre l’Allemagne. Les traités qui se succèdent, la création de nouveaux pays, les déplacements de populations, la lutte de l’Ouest contre les bolchéviks, les turcs contre les grecs, bref, la guerre qui continue à l’Est jusqu’à 1923 et sème les germes de la suivante qui sera encore plus dévastatrice.
On y redécouvre l’essentiel que l’on n’aurait jamais dû oublier pour comprendre le présent : la Pologne comme toujours ballotée entre les empires et terre de passage des armées, la France qui occupe Odessa et Constantinople, la Turquie qui termine le massacre des arméniens et se bat avec la Grèce, les Freikorps en action (ancêtres des SS nazis) pour écraser le mouvement communiste allemand mais aussi pour se battre contre bolchéviks dans les pays baltes et en Pologne, etc. etc.
L’Europe des empires laisse la place dans la douleur à l’Europe des nations placée sous le principe du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes » défendu bravement par le président américain Woodrow Wilson. Ce noble objectif sera finalement assez peu suivi pour reconstruire le continent pendant que la guerre civile en Russie fait des millions de morts. La Société des Nations sera balayée par les nationalismes et la volonté de revanche des empires déchus, la sécurité collective censée résulter de cette Société multilatérale sera un leurre. Tout ce petit monde réarmera pour mener de nouveaux les peuples à se déchirer dans la deuxième guerre mondiale à partir en 1939, sommet de barbarie et fin durable de toute notion d’humanité. Notre vieille Europe, patrie de Descartes, Kant et Brahms commettra les atrocités les plus sordides jamais vues contre le genre humain.