Pour le vingtième anniversaire de la sortie de leur disque de légende Mezzanine, les Massive Attack ont monté une tournée baptisée Mezzanine XXL qui passent par deux dates parisiennes au Zénith. S’agissant de faire un peu de neuf avec de l’ancien, la troupe s’est renouvelée, a rajeuni son light-show, enrichi sa setlist pour présenter un show encore plus sombre que ne le fut le CD découvert en 1998 ! Les deux soirées sont jouées strictement à l’identique.
Sur scène ce soir, une partie de l’équipage est nouvelle. Robert del Naja et Grant Marshall accueillent notamment deux guitaristes et un claviériste que l’on ne connaissait pas, et retrouvent Liz Fraser, ex-Cocteau Twins, présente sur le disque en 1998, à la voix éthérée et confuse toujours bouleversante, si bien posée sur l’électronique musicale qui la porte bien haut. Horace Andy, les deux batteurs et le bassiste sont toujours fidèles au poste.
De façon inattendue et bienvenue le groupe joue aussi des reprises dont des extraits de certaines sont déjà présentes sous forme de samples dans Mezzanine. L’introduction est un instrumental joué devant un écran LED clignotant dans les bleus de façon stroboscopique sur les hululements de guitares déchirantes, mettant en avant les talents du nouveau guitariste, enchaîné sur I Found a Reason du Velvet Underground, chantée par le second guitariste et jouée de façon suave et guillerette alors que passent des images enchantées d’une marina proprette qui pourrait se trouver en Floride ; résultat étonnant. Risingson nous ramène à un catalogue plus classique où les basses et les sons électroniques tombent en masse sur une assistance déjà pétrifiée. Cette chanson contient le sample du Velvet joué précédemment. Puis vient 10:15 des Cure, interprétée aux instruments exactement comme l’original mais avec la voix de 3D qui n’a pas grand-chose à voir avec cette de Robert Smith. Cette chanson est samplée dans celle qui suit Man Next Door, avec l’entrée d’Andy sur scène et toujours un fort coefficient d’affection de la part du public. Le rapprochement des Cure et des Massive Attack est fort à propos tant ces deux groupes ont à voir l’un avec l’autre, bien que de factures différentes et d’époques successives. Les plus jeunes rendent hommage à leurs anciens, c’est bien. Les uns et les autres assurent la permanence de cette musique mélancolique, la transition des guitares brutes vers une électronique plus présente, synthétisée ce soir par ces musiciens qui nous résument avec brio 30 années post-punk en deux heures.
Liz Frazer apparaît ensuite sur Black Milk et nous charme de cette voix si particulière, comme fondue dans le son du groupe qui l’entoure. Le reste de Mezzanine est joué, interrompu par d’autres reprises, dont une particulièrement percutante d’Ultravox (Rockwrok) et un reggae signé d’Andy. Les morceaux originaux de Massive Attack restent un mélange diffus d’harmonies en mode mineur, de rythmes marqués et surpuissants, de voix traitées à l’aune des techniques modernes, d’électronique à tous les étages et de répétition, pour délivrer une recette envoutante qui fait rapidement perdre la tête (les malaises se multiplient dans la fosse autour du chroniqueur).
On ne se lasse pas de cette musique. Nous écrivions il y a vingt ans : « C’est la musique de la fin du siècle. De nos années barbares à l’ère des computers, Massive Attack nous ouvre le portail du nouveau millenium dont le beat sera désormais le fluide vital. », il n’y a pas un mot à changer et le siècle nouveau, déjà sérieusement entamé n’a rien démenti.
Le light show est renouvelé avec des images plus classiques et réalistes sur lesquels sont projetés les messages du groupe toujours légèrement punk-naïfs. Trois gigantesques écrans sont en fond de scène, celle-ci étant entourée elle-même de deux autres. Parfois les films disparaissent et des lumières projettent des lueurs blafardes, parfois avec des clignotements stressants, filtrées par ces écrans qui les laissent passer comme à travers des toiles d’araignées. Il n’y a aucun éclairage de face et les musiciens se satisfont de cette pénombre avec laquelle nous voguons plus aisément sur leurs notes et dans leur univers. Le groupe joue deux heures, sans première partie, sans rappel, sans un mot, sans un sourire. Le show reste fondamentalement du Massive Attack, sombre, urbain et hypnotique.
Setlist : I Found a Reason (The Velvet Underground cover)/Risingson/ 10:15 Saturday Night (The Cure cover)/ Man Next Door/ Black Milk (with Elizabeth Fraser)/Mezzanine/ Bela Lugosi’s Dead (Bauhaus cover)/ Exchange/ See a Man’s Face (Horace Andy cover) (with Horace Andy)/ Dissolved Girl (Tapped vocals)/ Where Have All the Flowers Gone? (Pete Seeger cover) (with Elizabeth Fraser)/ Inertia Creeps/ Rockwrok (Ultravox cover)/ Angel (with Horace Andy)/ Teardrop (with Elizabeth Fraser)/ Group Four (with Elizabeth Fraser) (With Avicii’s Levels intro)