La France, comme nombre de ses partenaires occidentaux, déversent actuellement des montagnes d’argent sur son économie pour tenter de passer la crise sanitaire et de plus ou moins maintenir son système productif en état de repartir une fois que les citoyens (producteurs et consommateurs) seront déconfinés. Elément nouveau, l’Etat (c’est-à-dire ses contribuables) prend en charge le « chômage partiel » de millions de salariés et met en place un système équivalent pour les indépendants. Même le personnel de maison est éligible à ce système de chômage partiel. En gros, la République a décidé de rémunérer elle-même ses citoyens qui sont empêchés de travailler afin d’éviter leur licenciement par les entreprises qui sont à l’arrêt et de maintenir le système à flot, prêt pour la reprise. Cette tactique avait été mise en œuvre en Allemagne lors de la crise financière de 2008, avec un relatif succès. A défaut d’autres idées, on suppose que cette méthode produira aussi des effets positifs en 2020.
En termes de finances publiques le chômage partiel ne doit pas coûter beaucoup plus que le chômage classique, mais en trésorerie le déboursement est immédiat alors que si on avait laissé les entreprises licencier leurs personnels et attendre que ces derniers soient inscrit à Pôle-Emploi il aurait coulé de l’eau sous les ponts avant que l’assurance chômage ne soit mise à contribution. Outre son immédiateté, l’avantage majeur de ce système est de transférer la charge des salaires des citoyens qui ne travaillent plus temporairement des entreprises vers les cotisants/contribuables, préservant ainsi la capacité des entreprises à survivre et reprendre leurs activités dès le lendemain du déconfinement.
En outre, l’Etat a mis en place très rapidement un plan de garanties publiques des prêts aux entreprises (300 milliards d’euros) et mis sur pieds un plan de relance à démarrer dès après la crise. Pour autant que l’on puisse savoir ces actions sont relativement opérationnelles et nous sommes nombreux à constater autour de nous des exemples précis de salariés ou d’indépendants ayant perçu leurs indemnités de chômage partiel du mois de mars dès la mi-avril, ou d’entreprises ayant reçu la garantie publique de leur financement bancaire sur une simple déclaration sur un site internet.
Enfin, la banque centrale européenne (BCE) a accepté de refinancer les dettes des Etats pour des montants considérables (1 000 milliards d’euros) et l’Union européenne se prépare également à mettre en œuvre différents mécanismes budgétaires déjà disponibles pour financer les pays en crise et la relance qui, espère-t-on, devrait suivre. Tous ces montants annoncés risquent fortement d’être revus en hausse compte tenu de l’incertitude majeure dans laquelle se trouve l’économie mondiale.
Alors Mme. Michu se demande d’où vient tout cet argent et comment peut-il être aujourd’hui disponible alors qu’hier il ne l’était pas ? Majoritairement cet argent va être emprunté par nos Etats sur les marchés financiers, dans la mesure où l’on trouvera des prêteurs, et aux taux d’intérêt que ceux-ci voudront bien consentir. Pour ce qui concerne les rachats de dette publique de la BCE c’est un mécanisme un peu plus complexe qui permet de refinancer les créances que les établissements financiers prêteurs détiennent sur les Etats. En principe ces refinancements sont provisoires et se terminent lorsque les Etats ont remboursé leurs dettes. Il n’y a donc pas création définitive de monnaie centrale sauf… si les Etats ne remboursent pas ! Dans l’intervalle il y a création provisoire de monnaie centrale, qui devient définitive en cas de défaut de paiement des Etats. La théorie monétaire veut que si la création de monnaie est déconnectée de la production, l’ajustement se fait par l’inflation des prix. C’est ce qui s’est passé en Allemagne dans les années 30’ (avec les funestes conséquences que l’on connaît) et c’est ce qui se passe en Argentine depuis quelques années. On peut toutefois noter que la théorie monétaire ne sait pas trop expliquer pourquoi l’Occident garde une faible inflation malgré la création massive de monnaie centrale post-crise financière de 2008 ! C’est sans doute l’exception qui confirme la règle…
En France, des commentateurs aux connaissances économiques limitées et des hommes politiques roublards expliquent à Mme. Michu que ces montagnes de dettes ne seront jamais remboursées, qu’elles doivent être « annulées » et que cela peut être fait « sans conséquence » sur les citoyens. S’agissant de la dette des Etats, une annulation génèrera une perte identique chez les prêteurs et leur réaction immédiate de stopper de l’octroi de tous nouveaux financements. Les prêteurs ne sont pas les « méchants banquiers capitalistes » qui ne sont que des intermédiaires prêtant l’argent des citoyens. Par ses quelques économies placées à la Caisse d’épargne ou dans un contrat d’assurance-vie Mme. Michu prête aussi aux Etats. Comme nous le disions ce 14 avril dernier les ménages français disposent de 3 500 milliards d’épargne monétaire, eh bien une partie de ces 3 500 milliards est la contrepartie de la dette publique française de 2 300 milliards d’euros (avant la crise en cours). Ne pas rembourser cette dette revient à annuler une partie de cette épargne monétaire qui ne sera donc perdue pour Mme. Michu. C’est techniquement possible. Lorsque la République annule, par exemple, la dette des pays en développement elle renonce ainsi à des remboursements qui devaient venir financer ses propres dépenses, y compris pour rembourser sa propre dette et c’est donc Mme. Michu qui verra ses impôts financer ce que les remboursements desdits pays ne financeront plus. Simplement dans le cas d’espèce les montants en jeu sont d’une ampleur limitée et sont absorbés sans trop de difficultés par le budget de l’Etat.
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Et si l’on dit à la place (comme l’assène les « souverainistes » français) : la BCE rachète définitivement les dettes publiques, voire finance directement les Etats, ce que l’on appelait autrefois « faire tourner la planche à billets » et créer plus de monnaie que la croissance de la production, eh bien Mme. Michu le paiera par de l’inflation qui amputera son pouvoir d’achat, et son épargne lorsqu’elle en dispose.
Dans un cas comme dans les autres, nous allons devoir tous payer ces montagnes de dettes qui s’accumulent par des impôts, par de l’inflation et, probablement, subir les affres de la décroissance car il apparaît désormais peu probable que l’économie mondiale reparte « comme avant » après un tel séisme.