Nos élus s’écharpent au cœur du microcosme sur le dossier en cours de supposés écoutes téléphoniques pour identifier les sources du Monde dans l’affaire Woerth/Bettencourt. Quelques bonnes âmes de droite s’empressent de rappeler les fameuses écoutes de l’ère Mitterrand qui avaient, entre autres, également touché Le Monde. C’est du niveau cours de maternelle et ce n’est pas la première fois. On a les dirigeants que l’on mérite et ceux-là nous les avons élus. Il y va aussi de notre responsabilité collective, au moins partielle, dans le niveau du débat politique actuel.
Cela étant dit, sur la forme, quand un acte est mauvais, ce n’est pas parce qu’il a déjà été commis dans le passé et d’autres circonstances qu’il faut se croire autorisé à le renouveler. Dans le cas des écoutes téléphoniques de l’Elysée sous Mitterrand il y a eu des condamnations pénales de prison avec sursis contre des petits bras du président de la République (8 mois pour Christian Prouteau, le plus sévèrement condamné), des amendes de quelques milliers d’euros ont été prononcées et, espérons-le, payées. Le directeur de la rédaction de l’époque du Monde avait été reconnu par la Justice comme victime de ces écoutes illégales. Dans la nouvelle affaire en cours, si des actes illégaux ont également été commis par l’Etat et ses représentants payés par le contribuable, eh bien que la justice passe de nouveau.
Sur le fond, on est vraiment face à une question de société de nos démocraties. Il est effectivement peu satisfaisant de voir publiés des comptes-rendus d’auditions policières ou judiciaires dans la presse du lendemain desdites auditions, en principe protégées par la confidentialité. Mais on sait aussi que si la presse libre ne publie pas ce genre d’informations le monde politique ne craint plus rien et laisse alors libre cours à ses errements. C’est d’ailleurs pourquoi la Loi protège les sources des journalistes. En revanche quand il y a une fuite il paraît censé que la hiérarchie de l’administration concernée cherche qui est responsable de cette fuite contraire aux règles de fonctionnement et qui relève de la faute professionnelle. C’est ce qui se fait dans une entreprise par exemple. Il n’est pas forcément choquant que des services de renseignements étatiques soient mis à contribution pour identifier l’origine de la fuite. Si l’on en croit les arguments échangés lors des batailles de chiffonniers du Palais Bourbonil semblerait qu’une telle intervention des services de l’Etat aurait dû suivre une réquisition judiciaire. C’est possible. Par suite de la plainte du Monde, la Justice se prononcera pour dire si l’emploi des moyens d’Etat pour traquer le responsable de la fuite était légal ou non.
Dernière chose encore plus affligeante c’est qu’au cœur de l’Etat, ça balance à tous les étages ! Des hauts fonctionnaires et/ou des hauts magistrats adressent à la presse toutes sortes de documents internes à la République. On ignore leurs motivations, peut-être politiques, sans-doute pour nuire, probablement pas financières, il est peu probable que Le Monde, en quasi-faillite permanente, puisse être en mesure de payer très cher de telles informations. On espère que les généraux ne balancent pas les codes nucléaires ou les plans des sous-marins de la même façon à la presse ou à l’ennemi…